Accélération de la réforme du marché à terme, introduction des OPCI, amendement du prêt/emprunt de titres... Le moment est propice pour une nouvelle valse de réformes.
Par A.H
Le marché des capitaux marocain, particulièrement sa composante actions, traîne une solide réputation de marché illiquide, compulsif et cher. Des phénomènes expliqués par le manque de profondeur et par la nature même du marché, où les gains ne se font qu'à la hausse, ce qui génère une volatilité sur les volumes, conditionnés par la hausse des cours.
Le manque d'alternatives de placement rend certaines actions chères, ce qui engendre frustrations et attentisme, aussi bien chez les professionnels que chez les investisseurs particuliers.
Ce tableau, dépeint à maintes reprises, s'obscurcit à chaque fois que le «marché» se heurte à une phase de manque de catalyseurs capables de canaliser des liquidités. Comme c'est le cas actuellement. Les volumes retombent, la volatilité aussi et le mois de ramadan - qui coïncide avec le mois de mai statistiquement propice aux décrochages - n'arrange pas les choses.
La grande réforme du marché boursier de 1993, qui avait propulsé la Bourse de Casablanca dans le trio de tête africain quelques années plus tard, était précédée par une période de vaches maigres comme celle-ci, où la Bourse avait connu une traversée du désert pendant des années. Aujourd'hui, les effets de 1993, de 2003 et des grandes IPO se sont estompés. Il est temps de concrétiser de nouvelles réformes.
Instruments de couverture
Après plus de 14 années d’atermoiements, la loi 42-12 relative au marché à terme d’instruments financiers attend encore ses textes et dispositifs d'application. La composition et le fonctionnement de l’instance de coordination prévue par cette loi viennent d’être adoptés par le Conseil de gouvernement. Cette instance fixe les modalités d’intervention de Bank Al-Maghrib et de l’AMMC sur ce marché. Il était temps ! (Sic !).
Elle aura, entre autres missions, d’instruire les dossiers d’agrément des membres (membres négociateurs et membres compensateurs). Ce marché à terme permettra aux investisseurs d'acheter des couvertures sur des produits émis localement. Il peut s’agir d’une action, d’une obligation, d’un indice ou d’un taux par exemple.
Face aux opérateurs qui veulent se couvrir contre les variations du sous-jacent, on retrouve d’autres intervenants qui, eux, veulent tirer profit des variations. Ces spéculateurs sont importants pour le fonctionnement de ce marché et son pricing, car ils y apportent la liquidité nécessaire pour son fonctionnement.
Les OPCI pour la diversification
L'autre bonne nouvelle récente est la publication récente au Bulletin officiel de la circulaire de l’AMMC relative aux sociétés de gestion d’Organismes de placement collectif en immobilier (OPCI). Les personnes souhaitant exercer l’activité de gestion d’OPCI peuvent désormais constituer un dossier de demande d’agrément et le déposer auprès de l’Autorité.
Une quinzaine d'opérateurs se préparent pour lancer cette nouvelle classe d'actifs qui doit apporter de la diversification aux investisseurs. Dans le lot, on assistera sûrement à quelques IPO, de quoi consolider la position de ces véhicules et apporter du papier frais en Bourse.
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Prêt/emprunt de titres
L'autre réforme en cours, tout aussi attendue, est l'amendement de la loi sur le prêt/emprunt de titres.
Actuellement concentré sur les Bons du Trésor, le prêt-emprunt de titres va bientôt se démocratiser sur les actions, avec son ouverture aux particuliers et aux investisseurs étrangers. L'amendement de la loi n°45-12 relative à cette activité est dans le circuit législatif.
Cet amendement, qualifié de «révolutionnaire» par les professionnels, ouvre le marché du prêt de titres aux personnes physiques répondant à des conditions particulières et aux personnes morales étrangères. Ces deux acteurs clés de l'écosystème pourront utiliser cet outil pour réaliser des ventes à découvert et donc pouvoir s'exposer sur le marché actions et exprimer leurs convictions, même en temps de baisse, une pratique réservée actuellement aux investisseurs qualifiés, les OPCVM en tête.
Derrière l'atonie apparente, le marché des capitaux bouillonne et n'attend que les autorisations réglementaires pour prendre un nouveau cap.
Espérons que 2019, dans le sillage des privatisations budgétisées par l'Exécutif, soit l'année des réformes. Les opérateurs s'impatientent, certains investisseurs, aspirent, légitimement, au changement le plus rapidement possible. ◆