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«La finance participative n’est pas plus chère ou moins chère»

entretien Anouar Hassoune Finance participative

 

Anouar Hassoune est Managing Director chez Euris Group, et professeur à HEC Paris. Les banques participatives n’ont aucun secret pour lui. Au sein des agences de notation où il a évolué, il a assuré la notation financière des banques islamiques d’un certain nombre de pays émergents. Nous lui avons demandé ce qu’il pense du modèle marocain.

 

 

Finances News Hebdo : Quel est le degré de maturité du marché maro­cain de la finance participative ?

 

Anouar Hassoune : A la question de savoir où en est-on, je crois que la moitié du chemin a été faite. Le cadre réglementaire est prêt, en tout cas pour les banques, et il est en phase de finalisation pour l’assurance Takaful.

Au niveau du marché de capitaux, la maturation est là puisque l’Etat devrait émettre bientôt ses premières obligations islamiques (sukuk).

Il reste l’autre moitié du chemin, la plus importante, c’est-à-dire l’adhésion des consommateurs. Il reste à savoir dans quelle mesure le consommateur marocain va adhérer à ces principes et cela dépendra de deux choses : la qualité de service et son prix.

La qualité de service doit être au moins équivalente à celle des banques conventionnelles et le prix doit être attractif. Cela dépendra des décisions de gestion que les différentes fenêtres ou filiales mettront en place.

A titre personnel, je pense que le déploiement de la finance participative sera un grand succès. Pas tellement sur le terrain de la technique, puisque celle-ci, en définitive, n’est pas très compliquée une fois qu’on la domine. En revanche, je pense que c’est une opportunité unique de faire du neuf avec du vieux, et cela est une très bonne chose.

 

F.N.H. : Lors de votre intervention, vous avez tenu à tordre le cou à plusieurs idées reçues, assez répandues sur la finance participative. Pourquoi ces a priori ont-ils la peau dure à votre avis ?

 

A. H. : Historiquement, lorsque la finance participative moderne a vu le jour dans les années 1970, elle était plus chère. A l’époque, les institutions étaient petites, le marché balbutiant. Les clients qui, durant cette époque, se sont intéressés à la finance participative étaient peu sensibles au prix. Donc, forcément, l’offre avait tendance à être plus chère.

40 ans plus tard, pourquoi continuer à penser comme dans les années 70 ? La finance participative sera plus chère si la banque le souhaite. A ce moment-là, elle envoie au marché un signal qu’elle compte bancariser uniquement les clients haut de gamme, moins sensibles au paramètre prix. Elle peut également être au même prix que la banque conventionnelle. Dans ce cas de figure, la banque envoie un signal que la banque participative est identique à la banque conventionnelle, sauf que l’une est conforme à la charia et l’autre moins.

Elle peut aussi être moins chère avec le message que la banque souhaite bancariser tout le monde, y compris ceux qui sont déçus de la banque conventionnelle. In fine, la finance participative n’est pas plus chère ou moins chère : c’est une décision de gestion. Il n’y a pas de raison structurelle à ce que la finance participative soit plus onéreuse que celle conventionnelle.

 

F.N.H. : Vu du Luxembourg où vous êtes installé, comment le Maroc peut-il attirer les investisseurs internationaux ? De quoi la place casablancaise a-t-elle besoin en priorité pour compléter son offre produits ?

 

A. H. : La place de Casablanca est entrée dans le top 30 mondial des places financières. Prenez l’exemple du Luxembourg, u petit pays de 500.000 habitants. Pourquoi le Luxembourg est devenu numéro deux mondial des fonds ? Parce qu’il a compris que, dès les années 60, eu égard à sa taille, exister dans la finance passe par la désintermédiation financière. Celle-ci touche les pays développés depuis longtemps et finira par arriver chez nous en Afrique. Ce n’est qu’une question de temps.

Le ministre lui-même l’a dit : les marchés de capitaux ne contribuent qu’à hauteur de 10% au financement de l’économie. Il se passera un certains temps avant que cette contribution n’atteigne 40% ou 50%, mais cela va arriver. Pourquoi ne pas se préparer dès maintenant avec les bons outils ?

Cela ne veut pas dire que tous les outils sont utiles. Concrètement de quoi avons-nous besoin ? Des sukuks de l’Etat, ainsi que des sukuks des banques et corporate du secteur public et du secteur privé. Il faudra ensuite des instruments de financement dans les différentes classes d’actifs : dans le monétaire pour les investisseurs qui n’aiment pas trop le risque et préfèrent les rendements relativement stables, des actions et donc un indice action, et un indice sukuk. Il faudra aussi préparer l’avenir à travers des fonds de private equity participatif, du non coté, voire du venture capital. Le jour où tout cela se réalisera, alors je vous dirai que nous avons gagné. ■

 

Propos recueillis par A. Elkadiri

 

 

 

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