Le soutien de l'ITFC au Royaume est axé sur la stratégie marocaine dans le cadre du programme AATB pour consolider son statut de hub régional en Afrique.
Durant la pandémie, l’ITFC a adopté une approche mixte, en alliant lignes de financement du commerce, programmes de renforcement des capacités et subventions en faveur des pays membres de la BID.
Entretien avec Hani Salem Sonbol, Directeur général de la Société internationale islamique de financement du commerce.
Propos recueillis par M. Diao
Finances News Hebdo : Quel bilan pouvez-vous tirer du partenariat entre l'ITFC et le Maroc ?
Hani Salem Sonbol : Pour l’ITFC, l’Afrique est l’une des zones géographiques avec un nombre important de pays membres, et le Maroc est l’un des pays fondateurs du Groupe de la Banque islamique de développement (BID) et de l’ITFC. Le Royaume, considéré comme la porte d’entrée de l’Afrique, joue un rôle de leader concernant l’appui de l’ITFC. La stratégie du Maroc menée par le Roi Mohammed VI pour renforcer les relations avec les pays africains est un élément facilitateur pour l’implémentation des programmes de l’ITFC. Le programme des ponts du commerce arabo-africain (Arab Africa Trade Bridges - AATB-) lancé en 2017 sous le Haut patronage de SM le Roi en est l’une des meilleures illustrations. Durant le début de la pandémie de la Covid-19, le Maroc a joué un rôle-clef dans la mise en place d’un plan d’urgence de partage des connaissances auprès des pays francophones membres de l’OCI afin de soutenir le personnel de santé et les comités nationaux pour mieux comprendre la Covid-19 et partager les bonnes pratiques.
La Société marocaine d’anesthésie, d’analgésie et de réanimation (SMAAR), en collaboration avec la BID et l’ITFC, a développé une plateforme en ligne pour faciliter l’apprentissage et le partage ainsi qu’une série de webinaires, dont ont bénéficié des milliers de personnel du secteur de la santé en Afrique. Aussi, le soutien de l'ITFC au Maroc est axé sur la stratégie marocaine dans le cadre du programme AATB pour consolider son statut de hub régional en Afrique, à travers des financements directs aux grandes entreprises et aux banques marocaines dans leurs échanges commerciaux dans la sous-région. L'ITFC a également commencé à explorer le cofinancement avec des banques marocaines pour les opérations de financement du commerce liées aux exportations de produits marocains vers les pays d'Afrique subsaharienne ou des financements d’importation de produits stratégiques.
F.N.H. : La Société internationale islamique de financement du commerce (ITFC) a lancé récemment la cinquième édition de son rapport annuel sur l’efficacité du développement (ADER) intitulé «Exploiter les perturbations pour mieux reconstruire». Selon vous, quelles sont les opportunités créées par la pandémie pour les pays membres de l'OCI ?
H. S. S. : La 5ème édition du rapport ADER de l’ITFC analyse l'impact considérable engendré par la pandémie de la Covid-19 dans le monde. L’année écoulée fut une année sans pareil. Cependant, elle fut aussi pleine d’opportunités grâce aux nombreuses perturbations ayant affecté notre quotidien, faisant ainsi ressortir le meilleur de nous-mêmes et nous poussant à innover. Qui plus est, ce fut une année de réflexion sur l’avenir que nous souhaitons et sur le rôle que nous envisageons pour y parvenir. Le rapport illustre les solutions et programmes mis en place par l'ITFC en matière de développement du commerce, en se concentrant sur certains aspects thématiques ou opérationnels de ses interventions. L’ITFC œuvre pour proposer des solutions complètes aux problèmes complexes de développement.
Nos solutions intégrées ont aidé nos pays membres à atténuer les effets immédiats de la pandémie et à poser les fondations pour un avenir meilleur. Aussi, la digitalisation a créé de nouvelles opportunités pour le commerce international. Certes, cette tendance avait débuté avant la pandémie, mais elle a pris de l’élan en 2020 lorsque les technologies digitales et le commerce électronique sont devenus des outils efficaces pour effectuer une reprise solide. Sachant que la fracture numérique constitue une grave menace et pourrait empêcher un partage équitable des avantages, l’ITFC vise à s’assurer que la digitalisation en cours soit juste et inclusive. En 2020, l’ITFC a réussi à lancer des solutions électroniques de commerce auprès de certains clients et elle redoublera d’efforts pour encourager le commerce inclusif via de nouvelles solutions numériques. La pandémie a également souligné l’importance du partage de données afin d’améliorer nos opérations. Les défis mondiaux nécessitent une coopération multilatérale et un partage des solutions.
F.N.H. : La pandémie a-t-elle quelque part modifié l'ordre des priorités de l'ITFC ?
H. S. S. : Au fur et à mesure que la pandémie s’accélérait, l’ITFC a su réagir rapidement pour aider les pays membres à répondre aux urgences immédiates en matière de santé publique et à l’impact socioéconomique de la crise. La réponse de l’ITFC à la crise a visé à apporter un soutien à nos clients, leur permettant ainsi de répondre à leurs besoins dans l’immédiat pendant la propagation du virus et de renforcer leur résilience aux chocs externes à long terme. Dans le cadre du Programme stratégique de préparation et de réponse (SPRP) du Groupe de la BID, nous avons décaissé autour de 495 millions de dollars de financement du commerce pour soutenir nos clients. Cela les a aidés à alléger la crise sanitaire, rétablir les chaînes d’approvisionnement du commerce, fournir des produits alimentaires abordables et de qualité, et conserver les emplois dans les petites, moyennes et microentreprises.
L’ITFC a adopté une approche mixte, en alliant lignes de financement du commerce, programmes de renforcement des capacités et subventions, ce qui nous a permis d’optimiser l’impact sur les clients affectés par la crise. Par ailleurs, 15 millions de dollars US ont été déboursés en faveur du secteur de la santé pour atténuer l'impact immédiat de la pandémie, permettant aux pays membres d'acheter des équipements de protection individuelle (EPI), des kits PCR, des équipements médicaux ainsi que des produits pharmaceutiques. Ce sont plus de 62.000 patients, 2.500 agents de santé et 40 installations médicales qui en ont bénéficié dans le monde. Le secteur de la santé n’a pas été la seule priorité de l’ITFC. Compte tenu des conséquences économiques de la crise, l’ITFC a, entre autres, déboursé 484 millions de dollars US dans les importations alimentaires visant à sécuriser l’approvisionnement en produits alimentaires abordables, sûrs et suffisants pour plus de 25 millions de ménages dans les pays membres de l’OCI. Une augmentation de 15% des financements de l’ITFC en faveur du secteur de la sécurité alimentaire, l’une des priorités de l’organisation, a ainsi été enregistrée.
F.N.H. : Quels sont les chantiersphares de l'ITFC pour l'année 2021 ?
H. S. S. : La pandémie de la Covid-19 a profondément affecté et influencé la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). Ce qui avait commencé comme une crise sanitaire a créé un choc économique inégalé, avec une croissance globale en baisse de 3,3% (FMI 2021) et avec la perte d’environ 255 millions d’emplois à plein temps (OMT 2020) . Pour les étapes à venir, nous devons tous nous adapter aux nouvelles réalités. La stratégie quinquennale de l’ITFC, qui n’en devient pas moins pertinente, a été affinée pour mieux gérer les perturbations. Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons favoriser une reprise solide, inclusive et durable, conformément aux ODD.
F.N.H. : Enfin, quelles sont vos ambitions et réalisations en matière de soutien à l'entrepreneuriat dans vos différents pays d'intervention, dont le Maroc ?
H. S. S. : Le secteur privé est une priorité pour l’ITFC et l’a été davantage durant cette année de crise, devenant l'un des principaux piliers du programme de réponse à la crise de la Covid-19. Notre entité a approuvé notamment 11 lignes de financement d'une valeur de 133,2 millions de dollars US dans le cadre de la réponse à la lutte contre la pandémie de la Covid-19 du Groupe de la BID. Un total de 373 millions de dollars US ont été déboursés à travers 26 banques partenaires à destination de 7.500 PME. L’ITFC a également intensifié son programme pour les PME d'Afrique de l'Ouest, qui vise à améliorer l'accès des PME au financement pendant cette période de crise de la Covid-19. L'ITFC a également lancé son produit de «confirmation de LC» visant à soutenir le secteur privé et les PME des pays membres sur le marché international.
Rien qu'en 2020, nous avons établi de nouveaux partenariats avec des banques et des institutions financières dans des pays membres tels que le Bangladesh, les Maldives, la Côte d'Ivoire et l'Ouzbékistan. Le nombre total de clients du secteur privé a augmenté de 25% par rapport à l'année dernière. Début 2020, l’ITFC et la BID ont lancé le programme ‘SheTrades Maroc’ se concentrant sur les PME détenues ou gérées par des femmes entrepreneurs dans le secteur des aliments transformés. Cette initiative vise à améliorer la capacité d'exportation des entreprises appartenant à des femmes au Maroc, faciliter leur conformité aux exigences du marché et, de ce fait, intégrer ces femmes entrepreneures aux chaînes de valeurs mondiales du secteur agroalimentaire. Les encours en termes de décaissements en faveur du secteur privé s’élèvent à près de 40 millions de dollars depuis le début de l’année 2021.