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Shakespeare à Bank Al-Maghrib

Shakespeare à Bank Al-Maghrib

Grand suspens avant la prochaine réunion de Bank Al-Maghrib qui se tiendra le 21 mars prochain, puisqu’une seule et unique question tourmente tous les agents économiques : hausse ou pas hausse du taux directeur ? Là est la question, aurait dit Shakespeare, mais avec plus d’élégance j’en conviens. Plus sérieusement, le lien entre hausse du taux directeur et baisse de l’inflation n’a été que trop discuté et analysé, bien que vu que le contexte actuel et la douleur qu’il engendre, on n'en parlera jamais assez. Mais, aujourd’hui, c’est d’un autre volet dont il s’agit. Celui de l’impact de la hausse du taux directeur sur l’investissement.

Car c’est bien de lutter contre l’inflation à coup de hausse du taux, mais il ne faut pas non plus tuer une mouche avec un canon, puisque les dégâts collatéraux risquent d’affecter profondément l’épargne, l’investissement et le comportement des agents économiques, et pas forcément dans le meilleur sens. Quoique, tout est question de perspective comme on le verra dans ce qui suit. Commençons tout d'abord par voir, sur le plan théorique, certains aspects de la relation «taux/investissement» à travers une dystopie. Dans une économie idéale qui n’existe nulle part, l’équation économique idéale serait : Investissements = Epargne.

Dans ce cas de figure, nous avons un taux d’intérêt qualifié de «naturel» ou «d’équilibre», par le grand économiste suédois libéral, Knut Wicksell. Tout écart du taux d’intérêt par rapport à ce référentiel «naturel», exprime un déséquilibre entre l’épargne et l’investissement. Ainsi, si le taux du marché qui découle de l’offre et de la demande de monnaie diminue par rapport à ce taux d’équilibre, cela engendre une augmentation de l’investissement et de la consommation. Ce qui, de prime abord, paraît souhaitable. Cependant, des investissements nourris par de l’argent facile ou pas cher risquent d’être moins rationnels et efficaces que des investissements provenant d’une épargne réelle, car comme on dit, on gère moins bien l’argent des autres. Il pourrait en résulter une allocation sous-optimale de l’épargne, avec des risques de faillite et d’inflation.

De même, et dans une logique cyclique, une hausse des taux d’intérêt supérieure au taux d’équilibre pourrait succéder à cette situation, donnant lieu à un assainissement et à une purge de l’économie, pour la nettoyer de tous les mauvais investissements. Et ce, à travers notamment la faillite des entreprises les plus fragiles et les moins efficaces. De même, le chômage étant le corollaire de cette dynamique, l’inflation aura également tendance à baisser. Dans le cas du Maroc, la politique de taux faibles menée par BAM durant la période COVID, soit entre 2020 et début 2022, était celle d’un soutien indirect autant du pouvoir d’achat des ménages, malmenés par les conséquences de la crise, que du gouvernement, afin de lui offrir plus de latitude dans sa capacité d’endettement.

Les entreprises n’étaient pas en reste, puisque plusieurs programmes d’aide ont été mis en place par le gouvernement. Cependant, l’heure est désormais grave, puisque cette inflation, au départ importée, a fini par contaminer l’économie, devenant ainsi endogène. Les récentes hausses du taux directeur n’ont certes pas permis de la réduire, mais au moins elles ont peut-être permis de la contrôler. Toutefois, le prix à payer c’est que toute l’aide apportée par l’Etat durant la pandémie pour éviter des faillites en masse, risque d’être annihilée par des hausses trop importantes du taux directeur. Car l'Etat n'a plus les moyens d’aider massivement les entreprises, étant lui-même confronté à des difficultés de plus en plus graves, notamment concernant sa capacité à mobiliser l’épargne pour combler les déficits.

Résultat des courses : les taux du marché risquent de s’envoler, les crédits devenir de plus en plus rares; quant aux investissements, ils risquent de rétrécir comme peau de chagrin, avec toutes les conséquences néfastes qui s’en suivent : hausse du chômage, baisse des recettes fiscales,... C’est l’assainissement ou la purge que j’ai évoquée précédemment. Elle est douloureuse et surtout irrémédiable. Mais c’est le prix à payer quand le taux directeur devient un instrument politique, là où il devrait être le reflet d’un jeu de l’offre et de la demande sur le marché de l’épargne et de l’investissement. Car, si la plupart des entreprises ont de la peine à s’autofinancer de manière importante, c’est principalement en raison de la pression fiscale de plus en plus importante qu’elles ont à subir, puisque le gouvernement s’obstine à s’acharner sur les mêmes qui payent déjà, là où il doit chercher à élargir l’assiette fiscale, en allant voir ceux qui ne payent rien, et qui brassent des millions et des millions de dirhams. Par conséquent, les entreprises et les salariés sont investis d’une mission qui n’est pas la leur, celle de supporter les déficits de l’Etat.

On ne fonde pas une économie solide et dynamique à coup de pressions fiscales et de manipulations du taux directeur, mais en obtenant un tissu économique vivant et diversifié, fondé sur des PME compétitives et innovantes. Quant à l’inflation, comme à chaque fois qu’il y a une crise au Maroc, elle révèle des défaillances structurelles, davantage qu’elle n’en crée. Ainsi, hausse ou pas hausse du taux directeur, là n’est pas la question. La vraie question c’est que réformes ou pas réformes, courage politique ou pas courage politique, égalité de tous devant la loi et l’impôt ou deux poids deux mesures.

 

Par Rachid Achachi, chroniqueur, DG d’Archè Consulting

 

 

 

 

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