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Driss El Azami : «nous devons éliminer les impôts contre-productifs»

Driss El Azami : «nous devons éliminer les impôts contre-productifs»

 Driss El Azami El Idrissi, maire de Fès et ex-ministre chargé du Budget


 

Les incitations fiscales doivent être orientées vers les secteurs les plus innovants pouvant créer de la valeur ajoutée et des emplois.

La simplicité du système fiscal est dans l’intérêt du contribuable et de l’administration.

 

Propos recueillis par C. Jaidani

 

Finances News Hebdo : Quelles sont les particularités de ces troisièmes assises ?

Driss El Azami : Ces assises sont le prolongement des deuxièmes organisées en 2013. Il faut dire que de nombreuses recommandations formulées à cette date ont été adoptées, permettant d’améliorer l’attractivité économique de notre pays et de séduire les investisseurs. Chaque système fiscal a des lacunes, les troisièmes assises sont l’occasion pour les combler et remédier aux différents dysfonctionnements.

Auparavant, on parlait beaucoup plus de réforme fiscale d’ordre national. Actuellement, la fiscalité locale bénéficie de plus d’attention. Il existe un consensus chez tous les acteurs pour adopter un Code général des impôts, qui englobe à la fois les textes de loi concernant la fiscalité nationale, locale ou parafiscale. Cela permettra de donner plus de visibilité aux citoyens et aux investisseurs et surtout d’éviter les contentieux. Ces assises permettront aussi d’élaborer une loi cadre, qui définira les principes et les orientations du système fiscal marocain dont les premières dispositions seront annoncées lors de la Loi des Finances 2020.

 

F.N.H. : Existe-t-il encore une place pour les dérogations fiscales ?

D. E. A. : Chaque système fiscal dans le monde dispose de dérogations ou d’incitations fiscales. Pour le cas marocain, il faut reconnaître qu’elles ont eu des effets tangibles sur différents secteurs, mais elles montrent par ailleurs de nombreuses limites.

Il faut que ces dispositions soient limitées dans le temps, bien ciblées et encadrées, d’où l’idée de soutenir les secteurs les plus innovants pouvant créer une valeur ajoutée pour le pays ou des emplois. Par ailleurs, il faut que ces incitations soient octroyées en fonction d’objectifs bien définis et en fin de compte une évaluation doit être établie.

 

F.N.H. : Dans votre intervention lors des assises, vous avez insisté sur la simplicité et la transparence pour bien réussir le prochain système fiscal. Pouvez-vous donner plus de détails ?

D. E. A. : Plusieurs Marocains, acteurs économiques ou de simples citoyens, ne sont pas contre le paiement de leurs impôts, mais ils veulent que cette taxation soit simple, transparente et équitable. La multiplicité des impôts, des taux, le mode de déclaration ou de recouvrement créent, le plus souvent, des embrouillements chez le contribuable, qui le rend méfiant et peu collaborateur avec l’administration fiscale.

Par exemple, un patron d’un café peut être soumis à pas moins de 24 impôts et taxes qui sont d’ordre locales, provinciales, régionales ou nationales. Alors que dans d’autres pays développés, on n’en trouve que 5 à 10. Le contribuable doit comprendre qu’il est dans son intérêt de payer l’impôt, et l’administration, de son côté, doit lui assurer le maximum de transparence et lui faciliter la procédure pour qu’il le paie dans les meilleures conditions.

Il est aussi dans l’intérêt de l’administration fiscale que le système soit simple pour que ses agents se concentrent sur d’autres activités plus porteuses comme le contrôle. Nous nous orientons vers deux types d’impôts au niveau local. Le premier a trait à tout ce qui est immobilier et le second concerne les activités économiques. Nous devons éliminer les impôts contre-productifs et qui donnent une mauvaise image du fisc au contribuable.

 

F.N.H. : L’évolution de la fiscalité locale ne suit pas celle de la fiscalité nationale. A quoi est dû ce déphasage ?

D. E. A. : La fiscalité au niveau national a connu plusieurs réformes. La plus importante était celle des années 80. Mais elle bénéficie annuellement de différents ajustements dans le cadre de la Loi de Finances, qui viennent remédier à certains dysfonctionnements ou soutenir un secteur donné. Alors qu’au niveau de la fiscalité locale, depuis l’entrée en vigueur de la loi cadre au 1er janvier 2019, il n’y a pas eu de réajustements. Tandis que depuis cette date, beaucoup de changements ont été opérés au Maroc tant sur le plan économique que sur le plan administratif. Un texte de loi doit être en adéquation avec son environnement. Il existe beaucoup de décrets et de textes qui créent la confusion chez le contribuable.

 

F.N.H. : Quid de la fiscalité des collectivités territoriales (CT) dans le cadre de la régionalisation avancée ?

D. E. A. : Il est préférable d’instaurer un système fiscal national unifié, qui octroie des dérogations justifiées soit régionales, sectorielles, sociales ou autres.

Au niveau local, les présidents des CT ont la possibilité, dans une certaine fourchette, d’octroyer des incitations ou des dérogations. Dans le cadre de la régionalisation avancée, il faut toujours assurer cette lisibilité pour les contribuables et les investisseurs. ◆

 

 

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