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Comment libérer le potentiel d’innovation financière au Maroc ?

Comment libérer le potentiel d’innovation financière au Maroc ?

 

La thermo-finance, vous connaissez ? C’est un concept théorique innovant publié pour la première fois au monde par l’économiste marocain Omar Fassal*, qui plus est sur une revue académique marocaine. Il s’agit d’établir une analogie entre la thermodynamique et la finance, pour en déduire trois lois qui permettent d’obtenir un système financier stable et qui évite les crises financières.

 

A l’heure où la réflexion sur le nouveau modèle de développement sera synthétisée au sein d’une commission à venir, nul doute que l’industrie financière a une place prépondérante à jouer dans ce nouveau modèle.

Les acteurs financiers sont aujourd’hui fortement créateurs de valeur au Maroc et en Afrique, vecteurs d’un partenariat solide avec le continent. Mais notre pays ne peut avoir vocation à devenir un véritable hub financier, s’il ne devient pas d’abord, un véritable leader de l’innovation financière.

Produits dérivés, produits structurés, fonds de capital risque de nouvelle génération, compartiment pour les PME, obligations sécurisées, obligations de projet, flexibilité et convertibilité du change, crypto-monnaies, crowdfunding, OPCI…, les pistes d’innovation au Maroc abondent et ne se ressemblent pas.

Souvent, les régulateurs retardent l’innovation financière, préoccupés par le fait qu’elle pourrait générer de l’instabilité. Dès lors, le meilleur moyen de libérer le potentiel d’innovation est de garantir en amont la stabilité financière. Celle-ci est un facteur crucial du développement économique, car les épisodes de crise ont des conséquences néfastes qui perdurent dans le temps.

La thermo-finance  est un concept théorique qui définit un cadre robuste pour la stabilité financière. L’idée part, comme souvent, d’une association entre deux champs qui semblent a priori tellement éloignés. La thermodynamique est la science qui étudie la diffusion de la chaleur. En dessinant une analogie entre les trois principes qui régissent la thermodynamique et la finance, on arrive à définir les trois règles de l’ingénierie financière, qui garantissent la stabilité du système financier.

Le premier principe de la thermodynamique stipule que la chaleur se conserve et ne se perd pas, elle est simplement échangée entre les différentes entités. En assimilant la chaleur au risque financier, on aboutit à la conclusion que l’innovation financière ne crée pas ou ne détruit pas du risque: elle ne fait que le réallouer entre différents intervenants. La somme totale du risque contenue dans le système financier demeure identique, car rien ne se perd et que rien ne se crée.

Le second principe de la thermodynamique stipule que la dispersion de la chaleur dans l’univers ne fait qu’augmenter. Il en va de même pour le risque financier. Depuis les premiers pas de l’innovation financière, la dispersion du risque au sein du système financier ne fait qu’augmenter. Grace à l’innovation financière, le risque est découpé et distribué dans le système financier sur des agents de plus en plus diversifiés.

Enfin, le troisième principe de la thermodynamique permet de mesurer la chaleur, en fixant un point de référence : le zéro absolu. En finance, il en va de même. Pour mesurer le risque, nous avons besoin de fixer un point de référence, et généralement, ce sont les obligations souveraines que l’on considère sans risque.

Lorsqu’un système thermodynamique respecte ces principes, il peut atteindre un état d’équilibre. Il en va de même pour un système financier. En respectant ces trois règles, on peut espérer atteindre un état de stabilité financière optimale.  

 

En pratique, comment appliquer les trois principes de stabilité financière ?

D’abord, si l’innovation financière ne crée pas de risque et ne fait que le redistribuer entre les agents, il convient de les informer au mieux lors de cette redistribution. Le régulateur doit s’assurer que toute innovation financière s’accompagne de l’information nécessaire et suffisante, et de la mettre à disposition de tous les investisseurs.

Ensuite, si la dispersion du risque au sein du système financier ne fait qu’augmenter avec le temps, il convient de renforcer les dispositifs de régulation micro-prudentielle, pour s’assurer qu’aucun acteur ne se porte acquéreur de plus de risque que sa capacité ne lui permet d’absorber.

Enfin, si la bonne mesure du risque est un principe fondamental pour la stabilité, il faut alors s’assurer que les agents respectent des pratiques saines de valorisation des produits financiers.

En s’assurant que l’information financière est correctement produite et partagée, que les agents ne portent pas davantage de risque qu’ils ne devraient, et que les produits financiers sont correctement valorisés, on assure au système financier de s’orienter vers des conditions optimales de stabilité. Cette dernière est un facteur clé pour permettre d’accélérer l’innovation, construire un hub financier aux arguments d’attractivité multiples, et stimuler le développement.

Omar Fassal

 

*Omar Fassal est un expert du secteur financier. Aux éditions Liber, il a publié «Tout savoir sur la finance» en 2013, «Une histoire de la fraude financière» en 2016 et «Crises, ajustements, innovations» en 2018.

 

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