Malgré un premier trimestre prometteur, la reprise de la consommation de ciment ne sera pas pour cette année. En cause, un contexte économique peu porteur et la baisse de l’auto-construction. En attendant la reprise, de grands groupes comme Ciments du Maroc affûtent leurs armes, sur fond de concentration du secteur.
L’embellie des ventes de ciment au Maroc n’aura pas duré bien longtemps. Après un premier trimestre 2016 prometteur, marqué par une progression sensible de 6% des ventes par rapport au premier trimestre 2015, le marché s’est de nouveau tassé en avril. Parmi les professionnels du secteur, il semble que plus grand monde n’envisage 2016 comme une année de reprise. Tout au plus, le marché devrait stagner par rapport à l’année précédente. «Pour 2016, l’hypothèse que nous retenons est celle d’une évolution stable du marché», déclare Mario Bracci, administrateur Directeur général de Ciment du Maroc, qui présentait devant la communauté des analystes les réalisations 2015 du groupe qu’il dirige.
Le contexte économique n’est toujours pas propice à un décollage de la consommation de ciment. Il y a certes des facteurs qui incitent à l’optimisme, à l’image du maintien d’un investissement public solide, notamment en termes de gros projets d’infrastructures. Il y a également la baisse des coûts énergétiques qui impacte favorablement les cimentiers. Mais globalement, l’environnement économique reste peu porteur pour le secteur. En témoigne la faible croissance économique attendue en 2016 (1,2% selon la Banque centrale), marquée par une sérieuse contraction de sa composante agricole, ce qui aura un impact direct sur l’auto-construction qui, plus que les grands projets étatiques, est le facteur déterminant des ventes de ciment. Comme le déplore Mario Bracci, «avec la baisse de la valeur ajoutée agricole, les gens auront moins d’argent pour réaliser de petits projets de construction. Et donc la part de l’auto-construction ne sera pas là». Si l’on ajoute à ce tableau la reprise économique toujours fragile chez les partenaires internationaux du Maroc, principalement européens, nous pouvons nous attendre à une année sans relief pour les ventes de ciment. «Le marché tournera autour de 14,3 millions de tonnes en 2016», estime-t-on chez Ciments du Maroc.
Les grandes manoeuvres
Si le marché du ciment ne devrait pas connaître de reprise significative en 2016, les opérateurs en profitent pour entamer de gros mouvements stratégiques. Entre la fusion de Lafarge et Holcim qui se profile, et le processus d’acquisition par HeidelbergCement des 45% de participation d’Italmobiliare dans Italcementi (maison-mère de Ciments du Maroc), les grandes manoeuvres capitalistiques battent leur plein. Sans compter la montée en charge des outsiders du secteur comme Ciment de l’Atlas ou le nouvel entrant Anouar Invest. Bref, en attendant des jours meilleurs, les opérateurs se positionnent pour tirer profit de la reprise qui finira bien par arriver. Concernant le processus d’acquisition par HeidelbergCement des 45% de participation d’Italmobiliare dans Italcementi, Mario Bracci précise qu’il est «sur la bonne voie». La Commission européenne a approuvé récemment l’opération, reste l’approbation de l’antitrust américain. Un feu vert des autorités américaines qui «ne devrait pas poser de problème», souligne Bracci. Le management a tenu à rappeler la grande complémentarité entre les deux entités, notamment en termes de portefeuille et de présence géographique, en particulier en Afrique où Ciments du Maroc a des ambitions sur la côte ouest du continent. Reste que la fusion Lafarge-Holcim a encore du mal à passer chez Ciments du Maroc, qui semble déplorer les largesses de l’Etat marocain au moment d’approuver le rapprochement entre les deux entités. «Il n’est pas normal d’avoir plus de 40% de PDM sans céder d’actifs», martèle Bracci. «Il faut faire avec, et nous allons défendre nos parts de marché. C’est la raison pour laquelle nous concentrons nos efforts sur la réduction des coûts de production et sur l’efficacité opérationnelle», souligne le dirigeant italien.
Ciments du Maroc : Plusieurs projets dans le pipe
En 2015, Ciments du Maroc a réalisé un chiffre d’affaires en hausse de 8,5% par rapport à 2014 atteignant 3,73 milliards de DH, essentiellement tiré par la bonne tenue de l’activité béton prêt à l’emploi et granulats. L’EBE progresse de 13,3% à 1,68 milliard de DH, impacté positivement par l’amélioration de l’efficacité opérationnelle. Le résultat net ressort en hausse de 34,4% à 1,09 milliard de DH.
Le management de Ciments du Maroc annonce par ailleurs que le projet guinéen de centre de broyage a été présenté en Conseil d’administration. La Société des Ciments de Kamsar a été constituée à cet effet, en février 2016. «Le projet avance bien et il est en phase d’autorisation. Nous avons déjà acquis le terrain et la production devrait être opérationnelle à compter de la fin de l’année 2017», précise Mario Bracci. Concernant les autres projets africains du groupe, le management annonce un réajustement de la stratégie avec le nouvel actionnaire.
Plusieurs projets d’investissements à court-terme sont aussi dans le pipe: engagement des travaux d’extension de la capacité de stockage à Laâyoune, initialisation du projet de centre de broyage à Dakhla et installation de 3 nouvelles centrales à béton, à Laâyoune, Marrakech et Casablanca.
Amine El Kadiri