La rentabilité globale du secteur a été stimulée par une augmentation des revenus liés au trading, suite à la baisse des taux d’intérêt. Celle-ci pourrait être modérée par le coût du risque toujours élevé prévu en 2024.
Par Y.Seddik
En dépit des crises successives avant et après la pandémie de Covid-19, les banques marocaines continuent de démontrer une résilience remarquable et une capacité à générer des bénéfices solides. Cette résilience se manifeste dans un contexte où de nombreuses institutions financières mondiales (même de grandes économies) ont lutté pour maintenir leur rentabilité.
Un récent rapport de Fitch Ratings publié le 22 juillet à Londres souligne que les bénéfices robustes des banques marocaines constituent une protection efficace contre les chocs potentiels liés à la qualité des actifs et leurs répercussions sur le capital. Selon le rapport, cette solidité financière est un facteur important pour la stabilité du secteur bancaire marocain. Les données montrent que, malgré une augmentation de 49% des charges pour pertes sur créances au premier trimestre 2024, le bénéfice net global des banques marocaines a progressé de 32% par rapport à l'année précédente. Cette hausse des charges est principalement imputable aux provisions accrues des trois grandes banques panafricaines (AWB, GBCP et BOA), qui, à elles seules, représentent 93% de cette augmentation. En effet, ces provisions plus élevées reflètent une approche prudente face aux risques potentiels, mais n'ont pas empêché la rentabilité globale de croître.
La rentabilité a été soutenue par une forte augmentation des revenus de trading, favorisée par la baisse des taux d'intérêt. En revanche, le revenu net d'intérêts et les commissions n'ont enregistré qu'une croissance modérée en raison d'une demande de crédit atone et d'une concurrence féroce. Une dynamique qui souligne l'importance des activités de trading pour les résultats financiers des banques, particulièrement en période de taux d'intérêt bas. Fitch Ratings anticipe une croissance des prêts à un chiffre au milieu de la fourchette des années précédentes pour 2024 et 2025. Cette projection est stimulée par la baisse des taux d'intérêt, l'amélioration des conditions macroéconomiques et l'accélération des grands projets d'infrastructure en vue de la Coupe du monde 2030.
Notons que les grands projets d'infrastructure liées aux échéances sportives sont attendus pour générer une demande accrue de financement, offrant ainsi de nouvelles opportunités pour les banques. Au premier trimestre 2024, le bénéfice d'exploitation moyen avant dépréciation des banques a atteint 4% des prêts bruts (annualisé), et a offert une marge de sécurité suffisante pour absorber les chocs liés à la qualité des actifs sans affecter négativement le capital. Certaines banques, bien que présentant des marges limitées audessus des exigences réglementaires minimales, pourraient renforcer ou préserver leurs ratios de fonds propres par le biais d'émissions de droits, de réductions de dividendes ou de croissances plus modérées. Ces mesures pourraient être nécessaires pour maintenir des niveaux de capital adéquats face aux exigences réglementaires croissantes et aux potentiels chocs économiques, selon l’agence.
Par ailleurs, la récente baisse de 25 points de base du taux directeur de Bank Al-Maghrib à 2,75% ralentira le réajustement des prêts à des taux plus bas, en raison des longues échéances des portefeuilles de prêts. Toutefois, la rentabilité sera modérée par un coût du risque qui devrait rester élevé en 2024. La gestion efficace de ce coût du risque sera essentielle pour maintenir la rentabilité à long terme. Enfin, Fitch Ratings prévoit globalement une croissance du bénéfice net du secteur bancaire de 15% à 20% sur la période 2024-2025. Cette prévision optimiste est soutenue par les solides performances financières observées jusqu'à présent et les perspectives économiques favorables.
En revanche, la qualité des actifs demeure fragile, avec un ratio moyen consolidé des prêts de stade 3 à 10,3% à fin 2023. Il est peu probable que ce ratio diminue de manière significative sans un marché secondaire pour les prêts non performants. La création d'un marché secondaire pour les prêts non performants pourrait offrir une solution pour améliorer la qualité des actifs et libérer des ressources pour de nouvelles opportunités de prêt.
En attendant les derniers ajustements avant sa mise en place effective, les banques devront continuer à gérer prudemment leurs portefeuilles de prêts et à renforcer leurs réserves pour faire face à d'éventuels défis économiques.