Start-up: «L’innovation jouera un rôle déterminant pour la reprise économique»

Start-up: «L’innovation jouera un rôle déterminant pour la reprise économique»

Le Maroc se situe en 8ème position en termes de fonds levés par les start-up en 2020 avec 11 millions de dollars.

Il faut que les grandes entreprises et les institutions publiques s’ouvrent à des partenariats avec des start-up pour aborder la reprise avec une compétitivité renforcée.

Entretien avec Salma Kabbaj, co-fondatrice d’Impact Lab.

 

Propos recueillis par B. Chaou

 

Finances News Hebdo : Par quoi s’est matérialisé l’impact de la crise de la Covid-19 sur les start-up marocaines ?

Salma Kabbaj : L’écosystème start-up a effectivement subi de plein fouet la crise de la Covid-19, qui a amplifié les difficultés habituelles d’accès au marché. En effet, dans un contexte d’incertitude, beaucoup d’entreprises ont mis en stand-by leurs programmes d’innovation et ont adopté une posture plus frileuse par rapport à la mise en place de nouveaux partenariats, en particulier avec les start-up. S’est ajouté à cela un allongement des délais de paiement, amenant près de 70% des start-up à faire face à des difficultés de trésorerie majeures en 2020. Mais cette crise a également accéléré certains changements de comportements, comme l’augmentation des achats sur Internet ou l’accélération de la digitalisation des entreprises, qui ont offert de nouvelles opportunités de développement aux start-up. Certaines start-up marocaines ont même eu un rôle clé pour assurer la continuité des activités pendant la période de confinement, que ce soit dans la santé, l’éducation ou la logistique. 

 

F.N.H. : A l’aune de la crise actuelle, comment l’innovation peut-elle être un moyen de relance économique ?

S. K. : Le contexte dans lequel nous vivons depuis plus d’un an est caractérisé par des niveaux d’incertitudes inégalés liés au contexte sanitaire, ainsi qu’à l’accélération des changements dans les comportements des consommateurs. A titre d’exemple, le nombre de transactions réalisées par cartes bancaires au Maroc a augmenté de 43% en 2020. Dans ce contexte, il est devenu encore plus nécessaire pour les entreprises de revoir leurs organisations et leur processus internes pour être plus agiles, plus à l’écoute de l’évolution de leurs parties prenantes clés, qu’elles soient internes ou externes.

C’est là que les méthodologies de l’innovation, comme le Design Thinking, prennent tout leur sens, car elles encouragent une démarche de conception de solution centrée sur l’utilisateur, et un développement itératif en test terrain permanent. Ces méthodologies permettent non seulement de maximiser les chances d’adoption des solutions développées, mais aussi d’optimiser les ressources allouées aux projets à travers des décisions rapides de go ou no go. Certaines multinationales telles qu’Apple ou Marriott ont ancré les méthodologies d’innovation dans leurs organisations. D’après une étude du Design Management Institute, ces entreprises ont démontré historiquement une surperformance boursière de plus de 200% par rapport à la moyenne du S&P 500 aux Etats-Unis.

 

F.N.H. : Étant des acteurs du tissu économique, comment  les startup  peuvent-elles contribuer à la reprise ?

S. K. : Dans le contexte actuel, les start-up sont plus que jamais des partenaires clés pour les grandes entreprises. Elles ont l’agilité qui leur permet d’évoluer rapidement dans un contexte en changement permanent. Elles sont proches de la réalité de leurs utilisateurs et savent s’y adapter facilement. Elles maîtrisent les nouvelles technologies et savent capitaliser sur la data pour adresser des enjeux opérationnels clés.  Les start-up marocaines ont d’ailleurs brillamment démontré leur impact potentiel tout au long de cette dernière année en déployant des solutions innovantes permettant par exemple aux entreprises de continuer à opérer à distance, aux individus d’accéder à des services de santé ou d’éducation à distance, ou aux autorités locales d’assurer le respect des règles de confinement. Il faut maintenant que les grandes entreprises et les institutions publiques s’ouvrent activement à ces partenariats qui leur permettront d’aborder la reprise avec une compétitivité renforcée.

 

F.N.H. : Quel rôle les start-up doiventelles jouer dans la recherche et l’innovation ? Comment les encourager dans ce sens ?

S. K. : Les start-up sont un maillon clé entre le monde de la recherche et le marché. Ce sont elles qui permettent de transformer des inventions en innovations, c’est-àdire en produits ou services innovants qui adressent un besoin réel et pour lesquels des clients sont prêts à payer. Aujourd’hui, il existe au Maroc très peu de ponts entre les acteurs de la recherche et l’écosystème start-up. Or, les synergies sont importantes de part et d’autre. D’un côté, les chercheurs pourraient assurer un débouché commercial à leurs travaux à travers des collaborations avec les start-up.

De l’autre côté, les start-up pourraient bénéficier des expertises et infrastructures des centres de recherche pour renforcer la compétitivité de leurs solutions. De manière générale, il est essentiel de créer des espaces d’échange et d’encourager la collaboration entre universités, centres de recherche, start-up, grandes entreprises, institutions publiques, etc. Cela peut passer par des mécanismes tels que les crédits d’impôts recherche permettant aux entreprises de déduire de leurs impôts les dépenses engagées dans des démarches collaboratives de recherche et développement.

 

F.N.H. : Pourquoi les start-up marocaines ont-elles beaucoup de mal à se développer ?

S. K. : L’écosystème marocain des startup a connu une belle dynamique sur les cinq dernières années. Il suscite d’ailleurs un intérêt croissant, que ce soit de la part des institutions publiques, des organisations internationales ou des entreprises. Cependant, les start-up marocaines font toujours face à des défis qui rendent l’émergence de success stories difficile. Ces défis incluent en premier lieu la difficulté d’accéder aux marchés : décrocher un contrat pour une start-up au Maroc reste un processus long et complexe, sans parler des délais de paiement qui suivent. On peut également citer d’autres défis, comme le manque de cadre réglementaire et fiscal adapté, le coût élevé des ressources humaines, la difficulté de lever du financement, etc.  L’écosystème start-up marocain a d’ailleurs pris du retard, même par rapport aux autres écosystèmes africains. Le Maroc se situe ainsi en 8ème position en termes de fonds levés par les start-up en 2020, avec 11 millions de dollars vs 269 millions de dollars pour l’Egypte par exemple.

 

F.N.H. : Quels sont les moyens qui les aideraient à émerger davantage ?

S. K. : Je pense qu’aujourd’hui, il est temps pour le Maroc d’exprimer une ambition claire de se positionner parmi les hubs d’innovation africains, et de se doter d’une stratégie start-up volontariste et ambitieuse qui reflète le positionnement économique de notre pays sur le continent. Les initiatives mises en place historiquement au Maroc se sont focalisées principalement sur la mise à disposition de financement pour les start-up. Mais le décollage de l’écosystème start-up marocain ne se fera qu’en déverrouillant en parallèle les différents facteurs clés, du cadre réglementaire agile à la disponibilité de financement, en passant par un accès facilité au marché et un écosystème d’accompagnement renforcé. Les acteurs de l’accompagnement jouent un rôle fondamental pour accélérer la montée en puissance de l’écosystème startup marocain.

Selon une étude conduite par BCG aux Etats-Unis, l’accompagnement augmente les chances de survie d’une start-up de 50%. C’est ce qui explique que la France ait injecté 200 millions de dollars au niveau des incubateurs et accélérateurs pour permettre au pays de se positionner sur la scène start-up internationale. Depuis maintenant 2 ans, les acteurs marocains de l’accompagnement de start-up se sont regroupés dans le cadre d’une Fédération dédiée, MSEC, qui œuvre activement pour renforcer le positionnement de l’écosystème start-up marocain à l’échelle continentale.

 

F.N.H. : Comment, au niveau d’Impact Lab, accompagnez-vous les start-up ? Et qui sont vos partenaires ?

S. K. : Nous avons accompagné jusqu’à présent plus de 170 start-up, basées au Maroc, mais aussi dans 17 autres pays africains. Nous offrons aux start-up un accompagnement opérationnel pour accélérer leur mise sur le marché et leur croissance. Nos programmes reposent fortement sur du coaching personnalisé, délivré par des experts internes d’Impact Lab avec plus de 17 ans d’expérience professionnelle chacun. Nous donnons également accès à des formations aux méthodologies de l’innovation, à des réseaux d’experts et à un espace de co-working gratuit situé en plein cœur de Casablanca.

Impact Lab est labellisé par la Caisse centrale de garantie dans le cadre du programme Innov Invest, ce qui nous permet d’octroyer aux start-up des financements allant jusqu’à 700.000 DH par projet.  En parallèle, nous accompagnons les entreprises et les institutions publiques, telles qu’inwi, l’OCP ou Coca-Cola, dans l’accélération de leurs dynamiques de transformation interne ou de leurs collaborations avec des start-up. A travers ces activités, nous facilitons à nos start-up l’accès à des donneurs d’ordre potentiels et à sécuriser la croissance de leur chiffre d’affaires.

 

F.N.H. : Quels sont les secteurs dans lesquels vous êtes le plus présents ? Pourquoi ces secteurs-là ?

S. K. : Même si nous n’affichons pas pour l’instant de spécialisation sectorielle, nos différents programmes nous ont permis de développer une expérience forte et des réseaux de start-up à haut potentiel dans quelques secteurs clés, notamment la fintech, l’agritech, la mobilité et l’inclusion.  Ces secteurs partagent un point commun : ils offrent des opportunités majeures d’impact social ou environnemental à l’échelle africaine, qui s’inscrivent dans la vision d’Impact Lab d’accompagner la transformation des modèles socioéconomiques existants. Ce sont également des secteurs sur lesquels le Maroc dispose d’atouts qui lui permettraient de s’imposer en tant que hub d’innovation à l’échelle africaine.

 

 

 

 

 

 

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