Sécheresse: faut-il craindre un exode rural massif ?

Sécheresse: faut-il craindre un exode rural massif ?

L’agriculture passe par un marasme sans précédent. Les pertes d’emploi dans les campagnes sont en nette progression et les perspectives d’avenir sombres.

 

Par C. Jaidani

Le taux de chômage continue de progresser au Maroc, passant de 11,8% en 2022 à 13% en 2023. Entre l’année 2022 et 2023, l’économie nationale a perdu 157.000 postes d’emploi, résultat d’une augmentation de 41.000 en milieu urbain et d’une diminution de 198.000 postes en milieu rural. Cette situation est due en grande partie à la vague de sécheresse qui sévit depuis six ans. La même tendance devrait se poursuivre en 2024, car l’année agricole est quasi compromise et tout laisse présager que les récoltes seront les plus médiocres des dernières années.

A quelques nuances près, cette situation rappelle celle des années 80 qui a entraîné une récession sur plusieurs années, un épuisement des avoirs en devises et surtout un exode rural massif, poussant le Maroc à adopter le Programme d’ajustement structurel (PAS). Cette stratégie a permis de redresser la situation économique nationale, mais elle a toutefois engendré des effets collatéraux néfastes comme les soulèvements populaires de Casablanca en 1981, Marrakech et Fès en 1984 et Nador en 1986. Faut-il s’attendre au même scénario durant les années à venir ? «Entre les années 80 et la décennie actuelle, les temps ont beaucoup changé. Mais il existe de nombreuses similitudes.

En dépit de la diversification de l’économie nationale, l’agriculture demeure un secteur pesant. C’est le premier employeur et elle contribue à pas moins de 13% dans le PIB. L’exode rural a toujours existé, même dans les années pluvieuses. C’est un phénomène universel qui a touché les pays les plus développés. Mais à la différence du Maroc, c’est que dans ces pays, il a mis du temps pour s’achever (deux à trois siècles à partir de la révolution industrielle). Mais dans le Royaume, il se fait plus vite sur quelques décennies», explique Mohamed Amrani, professeur d’économie à l’Université Hassan II de Casablanca.

Il faut noter qu’une bonne frange de la population rurale, soit plus de 85%, s’active dans l’agriculture ou dans des filières qui lui sont intimement liées. Les aléas climatiques ont fait que la croissance du secteur évolue en dents de scie. Ce qui n’est pas le cas actuellement puisque l’agriculture est à la peine ces dernières années. Certes, la population rurale marocaine a appris à cohabiter avec la sécheresse, mais pas de cette ampleur. Les personnes situées dans les zones irriguées dont la superficie ne dépasse pas les 400.000 hectares arrivent à résister aux aléas climatiques. Ce qui n’est pas le cas pour celles vivant dans les zones bour.

Plus nombreuse et éparpillée sur plus de 6 millions d’hectares, cette population souffre. Même les activités annexes ou alternatives, à l’image de l’artisanat, le tourisme rural, le commerce ou autres n’offrent pas assez d’opportunités d’emploi. «Face au manque de visibilité, les campagnards les plus touchés par la sécheresse plient bagage et se dirigent vers les villes. Le plus souvent, ils investissent les activités informelles. Les jeunes préfèrent l’immigration à l’étranger, notamment par voie clandestine», explique Amrani. Le prochain recensement général de la population prévu cette année, devrait donner plus de détails sur le phénomène, notamment les régions les plus touchées et les villes les plus prisées. En tout cas, la population rurale devrait davantage diminuer au profit de la population urbaine. Ce sont les grandes agglomérations qui sont la destination préférée pour l’exode rural.

«Les villes comme Casablanca regorgent de possibilités d’emploi diversifiées. Toutefois, il ne faut pas s’attendre à un exode rural massif comme on peut l’imaginer. Contrairement aux années 80, le monde rural est actuellement mieux loti en matière d’équipements de base. On note la généralisation de l’accès à l’eau et l’électricité, la disponibilité des écoles proposant le transport scolaire, sans oublier que les ruraux sont pour la plupart très attachés à leur terre. Pour la plupart d’entre eux, c’est très difficile de céder». 

 

 

 

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