Santé numérique: «Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour surmonter les barrières structurelles et culturelles»

Santé numérique: «Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour surmonter les barrières structurelles et culturelles»

L’apport du digital dans le secteur de la santé est considérable, notamment dans la démocratisation des soins. La Banque mondiale estime que 400 millions de personnes dans le monde n’ont pas accès aux services de santé les plus rudimentaires.

Entretien avec le professeur Intissar Haddiya, médecinnéphrologue, PHD en responsabilité sociale en santé et romancière.

 

Propos recueillis par Ibtissam Z.

Finances News Hebdo : Les défis de la santé pour les femmes en Afrique sont énormes. Quel rôle joue le numérique dans la démocratisation des soins ?

Pr Intissar Haddiya : En Afrique, les défis de la santé sont considérables, notamment pour les femmes. Car, la région africaine connaît des taux de morbi-mortalité élevés causés à la fois par les maladies transmissibles et non transmissibles. De plus, selon les récentes estimations publiées par les Nations unies, une femme décède toutes les deux minutes pendant la grossesse ou l'accouchement, principalement en Afrique subsaharienne où environ 70% des décès maternels ont été enregistrés en 2020. Les principales causes incluent les hémorragies graves, l'hypertension artérielle, les infections liées à la grossesse et les complications des avortements à risque, ainsi que des affections sous-jacentes comme le VIH/sida et le paludisme. Dans ce contexte, la santé numérique pourrait être une solution en démocratisant l'offre de soins, et ce en y permettant un plus large accès. Les technologies telles que la télémédecine, en plus des informations médicales accessibles via des applications mobiles, permettraient aux femmes de consulter des professionnels de santé à distance, réduisant ainsi les contraintes liées à la distance et aux infrastructures médicales limitées. En outre, la santé numérique peut jouer un rôle essentiel, en offrant de nouvelles opportunités pour améliorer les soins, notamment grâce à l'utilisation de dispositifs de surveillance à distance et de solutions d'intelligence artificielle pour la collecte et l'analyse des données vitales. Celles-ci faciliteraient la détection précoce des signes précurseurs de complications et fourniraient des alertes aux professionnels de santé.

 

F.N.H. : Malgré les avancées réalisées, plusieurs femmes peinent aujourd’hui à accéder aux soins. Concrètement, comment la digitalisation de la santé peut-elle servir les femmes africaines, notamment marocaines ?

Pr I. H. : Malgré les avancées et les initiatives réalisées pour accélérer la transformation digitale de la santé en Afrique, plusieurs défis persistent. Le déploiement des applications de santé numérique reste limité et confronté à des difficultés telles qu’un manque de connaissances sur la santé numérique, de sensibilisation à ses avantages ainsi que le manque d'infrastructures réseau permettant de garantir sa mise en place et son opérabilité. Plusieurs applications de santé digitale au service des femmes dans nos régions peuvent être considérées. À titre d’exemple, on pourrait citer les applications fournissant des informations et des services de santé relatives à la santé maternelle, la planification familiale, la surveillance de l’hypertension artérielle ainsi que d’autres aspects de la santé féminine qui sont souvent négligés. Aussi, la santé numérique peut offrir la possibilité d'améliorer la surveillance de la santé maternelle et fœtale grâce à des applications mobiles intégrées à des plateformes numériques multiparamétriques et multi-capteurs. Ces plateformes permettent aux femmes de prendre rendez-vous, d'accéder à des informations médicales et même de recevoir un suivi post-consultation, améliorant de ce fait leur autonomie en matière de santé. Ainsi, la téléconsultation permet un diagnostic, un suivi à visée préventive ou post-thérapeutique, une prescription de médicaments, ou une surveillance.

 

F.N.H. : Dans quelle mesure la digitalisation peut-elle contribuer au renforcement de l’offre de soins destinée au traitement des maladies qui touchent principalement la gent féminine ?

Pr I. H. : La digitalisation contribue au renforcement de l'offre de soins en mettant en place des programmes de dépistage et de suivi des maladies spécifiques aux femmes, tout en leur fournissant un accès plus facile à des services de santé de qualité. Par exemple, des applications de suivi des cycles menstruels peuvent aider à détecter précocement des problèmes de santé reproductive. De plus, les bases de données numériques facilitent la collecte et l'analyse des données épidémiologiques, permettant une meilleure planification des interventions de santé publique. La digitalisation faciliterait également la coordination entre les professionnels de santé, et permettrait le dépistage précoce et le suivi des maladies telles que le cancer du sein et du col de l'utérus, et ce à travers les plateformes de téléconsultation, la gestion électronique des dossiers médicaux et la sensibilisation aux enjeux de santé spécifiques aux femmes, comme la santé maternelle et la planification familiale.

 

F.N.H. : Quelle lecture faites-vous du droit des femmes à la santé dans les pays en développement. Qu’en est-il du Maroc ?

Pr I. H. : Le droit des femmes à la santé est l’un des enjeux fondamentaux dans les pays en développement, y compris au Maroc, où les inégalités d'accès aux soins de santé et les obstacles socioculturels persistent, limitant la capacité des femmes à prendre en charge leur propre bienêtre. La digitalisation offre une lueur d'espoir en contribuant à faciliter l'accès aux soins, à renforcer l'éducation sanitaire et à promouvoir l'autonomisation des femmes en matière de santé reproductive et de bien-être général. Toutefois, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour surmonter les barrières structurelles et culturelles. Cela peut être réalisable en investissant dans des programmes de santé numérique ayant pour objectif de doter l'Afrique des outils nécessaires pour améliorer l’offre de soins, notamment pour les populations désavantagées à travers le continent. Car, à travers la santé numérique, l'Afrique pourrait avoir l'opportunité de sauver des vies et de jouer un rôle majeur dans le partage mondial de connaissances et de compétences en matière de santé. 

 

La santé digitale, selon le professeur Intissar Haddiya
La santé digitale ou santé numérique est assimilée à l'innovation technologique dans le secteur de la santé. Il s’agit d’un terme générique qui désigne les processus de numérisation du domaine médical, intégrant diverses technologies et applications ayant pour objectif d’améliorer les soins et la gestion des données médicales. En effet, la santé digitale inclut un large éventail de domaines, allant de la gestion hospitalière à l'intégration de capteurs médicaux, en passant par l'utilisation d'applications de santé et de suivi, ainsi que le dossier médical informatisé. Ce concept de la santé numérique se situe à l'intersection de la médecine et de la technologie, où la fusion de ces deux domaines conduit à de nouvelles approches dans la prestation des soins de santé. Par exemple, l'utilisation d'applications de santé via des appareils mobiles constitue un aspect important de la santé mobile, qui est elle-même un sous-domaine de la santé numérique. Avec l'avènement de ces nouvelles technologies dans le domaine de la santé, il est de plus en plus crucial pour les professionnels de la santé de développer des compétences interdisciplinaires. Ils se retrouvent désormais à la croisée de la médecine et de l'informatique. En effet, la santé digitale pourrait offrir plusieurs avantages en contribuant à lutter contre la pénurie des professionnels de santé et les déserts médicaux. En adoptant les nouvelles technologies, telles la télémédecine, les applications pour smartphones et/ou les objets connectés, un nombre plus important de patients pourraient dans un avenir proche accéder à des soins de santé de qualité. Ainsi, la santé numérique représente une évolution significative dans la prestation des soins de santé, nécessitant une adaptation constante des pratiques et des compétences professionnelles.

 

 

 

 

 

 

 

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