Réserves de changes : le déficit commercial, principale menace à long terme

Les réserves de changes sont menacés par le déficit commercial

 

La baisse du coût énergétique soutient les stocks en devises.

La levée à l’international permettra de bénéficier de taux préférentiels, mais servira également les réserves.

 

Par B.C

Réserves de changes : le déficit commercial, principale menace à long terme

Si aujourd’hui les réserves de change demeurent à un niveau confortable (plus de 5 mois d’importation de biens et services), il n’en demeure pas moins que l’aggravation structurelle du déficit commercial suscite des inquiétudes, selon certains économistes.

Le creusement de ce dernier poursuit en effet son orientation haussière, alimenté par l’amplification de l’importation des biens d’équipements (+9,9%) et semi-produits (5,7%), ainsi que des biens finis de consommation (+3,2%), sur la base notamment de la dernière note de conjoncture de la Direction des études et des prévisions financières (DEPF).

Même l’embellie que connaissent les exportations marocaines, notamment celles relevant des secteurs de l’agriculture et agroalimentaire, de l’aéronautique et de l’automobile, n’a pas pu fléchir le déficit de la balance commerciale. Pour rappel, au premier semestre, le déficit ressort à 102,5 milliards de DH, en hausse de 4,9%, résultant de la progression des importations de 3,8% comparativement à la hausse des exportations de 3,1%.

«Sur le long terme, les stocks en devises du Royaume dépendront en grande partie du comportement de notre commerce extérieur et du rapport importation et exportation», nous confie un expert. 

 

Le tourisme et les MRE soutiennent les réserves de changes

Aujourd’hui, ce sont notamment les recettes de voyages et les transferts MRE qui permettent de soutenir les réserves en devises. Ceux-ci ont effectivement permis d’éponger 62,2% du déficit commercial, relève la DEPF, permettant la constitution d’un stock de réserves internationales nettes couvrant 5 mois et 2 jours d’importations à fin juin 2019.

D’après Yasser Temsamani, économiste et chercheur affilié à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Sciences Po Paris, «il y a certainement eu une reconstitution des réserves même après juin, grâce à la continuité de la saison estivale qui est plus longue cette année, et le retour des MRE durant cette même période. Ces circonstances ont sans doute permis une bonne alimentation du marché en devises, ce qui en passant a pu soutenir les réserves face à l’aggravation du déficit commercial».

 

Réserves de changes : La baisse du coût énergétique

La situation plus ou moins stable des stocks en devises revient également à la baisse du coût énergétique, notamment du prix du baril de pétrole.

«Les réserves de change profitent des cours du pétrole qui restent relativement stables à 60 dollars le baril, à cause de l’affaissement de la demande mondiale et de l’abondance par rapport à l’offre», nous confie le premier expert. 

En effet, les cours du Brent se sont inscrits en baisse sur une année, marquant une contre-performance de -24,11% à 58 dollars à fin août.  D’après les estimations de l’Agence internationale de l’énergie (IEA), «la demande de pétrole a déjà été fortement réduite au premier semestre 2019; nous n’avions constaté qu’une augmentation de 0,6 Mb / j (millions de barils par jour), la Chine étant la seule source de croissance significative à 0,5 Mb / j. Les deux autres grands marchés, l’Inde et les États-Unis, n’ont enregistré une hausse de la demande que de 0,1 Mb / j. Pour l'ensemble de l'OCDE, la demande a diminué pendant trois trimestres successifs».

Un repli qui compte bien se poursuivre, d’après les estimations de croissance de l’IEA pour 2019 et 2020, qui table sur un repli de 0,1 Mb / j, pour atteindre 1,1 Mb / j et 1,3 Mb / j. «Les perspectives sont fragiles et la probabilité d'une révision à la baisse est plus grande que celle à la hausse», rappelle l’Agence.

Des perspectives de bon augure pour le commerce extérieur marocain qui bénéficiera de cette situation d’un point de vue de «coût industriel» et des réserves de changes.

 

Réserves de changes : Une sortie à l’international

«Une augmentation de prix à l’extérieur ne peut se couvrir que par un renflouement en devises», nous confie Yasser Temsamani.

En cela, l’imminente levée de fonds à l’international prévue par le Maroc pourrait donc probablement servir à renforcer les réserves.

Toutefois, d’après Temsamani, «dans le cas actuel du Maroc, la levée de capitaux à l’international servirait à la reconstitution des devises que dans le cas où il y aurait un choc sur les matières premières, avec notamment une hausse des prix du baril,  et qu’il faudrait contrebalancer rapidement un éventuel effritement en devises. Or, nous ne sommes pas actuellement dans ce cas de figure». 

Pour d’autres experts, «les réserves sont actuellement confortables, et la sortie à l’international serait plutôt pour bénéficier des taux bas, et marquer une présence. Même si au final ça contribuera au renforcement des réserves».

Il apparaît donc que les réserves évoluent convenablement, malgré un effritement de leur niveau constaté sur les 3 dernières années.

Mais au même moment, le déficit commercial peut en effet engendrer des difficultés s’il continue de se creuser, surtout que le Maroc compte se diriger vers une plus large fluctuation du Dirham, qui exige un matelas de devises confortable. ◆

 

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