Protection sociale: un levier pour réduire la taille de l’informel

Protection sociale: un levier pour réduire la taille de l’informel

La réussite du vaste chantier de la généralisation de la protection sociale est tributaire de la mise en place des leviers de changement visant une forte mobilisation des différents acteurs dans la mise en œuvre de la réforme, notamment à travers l'édification des piliers garantissant une bonne gouvernance.

 

Par M. Boukhari

L’Association des membres de l’Inspection générale des finances (AMIF) et le ministère de l’Économie et des Finances ont organisé un colloque international sur le thème : «la protection sociale : un chantier de règne», les 26 et 27 juillet 2022, au Palais des congrès Mohammed VI, à Skhirat. Organisé sous le haut patronage du Roi Mohammed VI et présidé par le chef de gouvernement, Aziz Akhannouch, cet événement de grande envergure a connu la participation de Fouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget et président de l’AMIF, Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’Économie et des Finances, Khalid Ait Taleb, ministre de la Santé et de la Protection sociale, Hélène Le Gal, ambassadrice de France au Maroc, Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, ainsi que d’autres imminentes personnalités.

Intervenant à cette occasion, Aziz Akhannouch a souligné l'engagement du gouvernement dans la mise en place de ce projet royal, tout en précisant que 22 décrets ont été adoptés donnant accès à l'enregistrement de près de 11 millions de Marocains et Marocaines, travailleurs non-salariés. Il a également fait savoir que la première étape a consisté à avoir des registres des catégories concernées, saluant dans ce sens le travail accompli par la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS), qui a joué un rôle important de communication à travers 8.000 points contacts.

Par ailleurs, le chef du gouvernement a assuré que les acquis du régime d'assistance médicale «RAMED» seront préservés, précisant que les bénéficiaires de ce régime vont basculer vers le nouveau système de la protection sociale. La réussite de ce chantier complexe et historique à plusieurs égards doit intégrer les paradigmes sociétaux en définissant le niveau approprié de solidarité et le degré d'adhésion des citoyens qui permettent d'assurer la pérennité du système et en développant une politique de prévention sanitaire.

«Notre objectif d’ici la fin de l’année est d’intégrer 22 millions d’individus supplémentaires qui pourront bénéficier de l’assurance maladie obligatoire, grâce à la transformation prochaine du régime d’assistance médicale en régime assurantiel et à la mise en œuvre du régime AMO des travailleurs non-salariés», a affirmé Nadia Fettah Alaoui. Et de poursuivre  : «Ce chantier d’envergure se veut donc un programme ambitieux visant l’intégration du secteur informel pour plus de justice sociale et d’équilibre économique, et constitue de ce fait un excellent levier pour réduire la taille de ce secteur. Pour réussir ce chantier, nous devons faire preuve d’imagination et d’innovation pour développer de nouveaux mécanismes et permettre au secteur de l’informel de bénéficier de services sociaux de qualité et de contribuer ainsi à l’effort national de solidarité en générant des sources de financement dont le système a besoin pour sa pérennité».

Pour sa part, Khalid Ait Taleb a estimé que ce chantier national majeur transcende les différentes mouvances politiques et aspire à mettre fin à la fragmentation des différents programmes de protection sociale. «Il ne constitue pas un défi technique auquel il suffirait d’une réponse tout aussi technique, mais requiert la création d’un environnement mobilisateur, un portage politique fort, une appropriation par tous les acteurs concernés, une ingénierie judicieuse, des processus juridiques, institutionnels, techniques et financiers ainsi qu’une grande capacité de notre administration à orchestrer la conduite du changement y afférent», note-t-il.

«Il est indéniable que les dimensions de cette réforme, notamment l’offre de soins, le registre social unique, le ciblage, la digitalisation, l’adhésion de la population, les choix des financements, les politiques de l’emploi et bien d’autres encore nécessiteront des approches novatrices en rupture par rapport aux pratiques passées», ajoute-t-il. La question centrale du financement, gage de la pérennité du système, s’est aussi invitée dans ce colloque. Car il s’agit d'assurer la viabilité de la réforme, dont le coût annuel est estimé à 51 milliards de dirhams, et d’en maîtriser les effets sur les équilibres financiers des différentes caisses de prévoyance sociale et les impacts sur les finances publiques du Royaume.

«En tant que partenaire du Royaume, nous nous sommes également mobilisés. A ce titre, l’Agence française de développement (AFD) a décidé d’accompagner les autorités dans la généralisation de l’assurance maladie obligatoire en octroyant en décembre 2021 un prêt de 1,54 milliard de dirhams, accompagné d’une subvention de 40 millions de dirhams pour déployer une assistance technique. Car, au-delà des financements, ce qui nous paraît plus intéressant dans la coopération internationale, c’est de faire discuter ensemble les écosystèmes de la protection sociale», a précisé Hélène Le Gal, ambassadrice de France au Maroc.

Et d’ajouter : «Cette approche partenariale sera également renforcée par l’appui d’autres partenaires du Maroc, notamment l’UE, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD)... Les objectifs sont fixés, le calendrier est clair, les forces vives et même les partenaires internationaux sont mobilisés, les enjeux bien identifiés. Le financement de la réforme inscrit dans un temps lent sera un enjeu clé et devra sans doute trouver sa propre équation en matière de finances publiques qui soit proprement marocaine».

Ce chantier requiert l'implication des collectivités territoriales, des opérateurs privés et des partenaires sociaux ainsi que de la société civile, dont les rôles doivent être définis afin d'assurer l'intégration des territoires et garantir les synergies souhaitées. La transformation digitale et la qualité des ressources humaines dédiées constituent également des leviers qui conditionnent la viabilité et les performances de la protection sociale.

«En vue de garantir au moins un niveau de sécurité sociale de base par le biais d’un socle de protection sociale défini au niveau national, les pays en développement devraient investir un montant supplémentaire de 3,8% de leur PIB», a insisté Valérie Schmitt, directrice adjointe de la protection sociale, Bureau international du travail. «Pour mener à bien cette réforme, il n’y a pas de solution magique; il faudrait éviter les approches programmes, non coordonnées et privilégier un système cohérent couvrant toute la population au travers de l’assurance sociale et de l’assistance sociale, et un mix des deux. Les résultats seront ainsi multiples, à savoir la réduction de la pauvreté, des inégalités, l’appui à l’esprit et au développement des entreprises, à la mobilité dans le marché du travail et la formalisation progressive de l’économie», a-t-elle renchéri.

 

 

 

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