Numérique : le Maroc passe de la sous-traitance à la création de valeur

Numérique : le Maroc passe de la sous-traitance à la création de valeur

En 2024, le Maroc a exporté pour plus de 26 milliards de dirhams de services numériques et d’externalisation. Derrière une croissance modeste, c’est tout un écosystème qui change de visage.

 

Par K. A.

Les chiffres ne disent pas tout, mais ils racontent déjà beaucoup. En 2024, les exportations marocaines issues du numérique et de l’externalisation ont atteint 26,2 milliards de dirhams, soit l’équivalent de 2,8 milliards de dollars, selon l’Office des changes. Une hausse symbolique de 0,2% par rapport à 2023, qui ne fait pas rêver sur le papier, mais qui traduit une chose essentielle : la stabilité d’un secteur désormais ancré dans l’économie réelle du pays. Derrière cette apparente stagnation, il y a une transformation silencieuse.

Le Maroc ne se limite plus à ses centres d’appels, symbole de l’outsourcing «classique». Il entre dans une phase plus mature, celle de la création de valeur technologique. Les entreprises marocaines développent désormais des solutions logicielles, des architectures cloud, de la maintenance applicative ou encore des projets de cybersécurité.

Bref, le pays n’exécute plus : il conçoit. Hicham El Mansouri, expert en économie numérique, observe ce virage de près : «On est en train de passer d’un Maroc de la sous-traitance à un Maroc de la compétence. Les entreprises étrangères viennent chercher ici non seulement des coûts compétitifs, mais surtout des profils capables de résoudre des problèmes complexes».

De l’exécution à la création

C’est là que le pays commence à faire la différence. Le développement logiciel, l’ingénierie digitale, la data et la cybersécurité deviennent les nouveaux piliers d’un secteur qui, jusque-là, vivait essentiellement de la gestion de la relation client.

Les chiffres du premier semestre 2025 confirment d’ailleurs cette dynamique : 13,4 milliards de dirhams exportés, soit 3,5% de plus qu’un an plus tôt. À Casablanca, les grands groupes mondiaux installent leurs hubs digitaux. À Fès et Tanger, des pôles régionaux émergent autour de jeunes ingénieurs qui créent leurs propres startups ou travaillent pour des plateformes internationales. Et à Rabat, les projets liés à Maroc Digital 2030 cherchent à renforcer la mesure de la performance du numérique, un détail technique en apparence, mais fondamental pour comprendre la valeur réelle que le digital apporte au pays.

«Pendant longtemps, on a mesuré les exportations en volumes, en flux. Aujourd’hui, il faut les mesurer en intelligence. Ce qui compte, ce n’est plus combien on exporte, mais ce qu’on exporte», explique El Mansouri.

Un secteur stratégique pour l’emploi et l’attractivité

Le numérique n’est plus seulement un levier économique : il est devenu un outil d’intégration professionnelle et d’influence régionale. Le secteur emploie aujourd’hui plus de 140.000 personnes directement ou indirectement, et continue d’attirer des investisseurs internationaux séduits par la stabilité politique et la proximité géographique du Maroc.

Des acteurs comme IBM, Capgemini, Alten ou Webhelp ont consolidé leur présence dans le Royaume, contribuant à faire du pays une plateforme de services digitaux pour l’Europe et l’Afrique. Cette dynamique s’aligne sur la stratégie Maroc Digital 2030, qui vise à positionner le Royaume parmi les trois hubs numériques les plus performants du continent d’ici cinq ans. Mais au-delà des chiffres, l’enjeu est aussi sociétal : faire du numérique un ascenseur pour la jeunesse marocaine. Les écoles d’ingénieurs, les universités et les programmes d’incubation multiplient les formations et les passerelles vers l’emploi. Le pays forme chaque année des milliers de jeunes dans le développement web, le cloud ou la cybersécurité, mais doit encore freiner la fuite des talents vers l’étranger.

Des défis à surmonter

Cette montée en gamme n’efface pas les défis. Le Knowledge Process Outsourcing (KPO), c’est-à-dire les services d’expertise, de recherche et d’analyse, reste marginal : 0,2% seulement des exportations. Le pays doit encore accélérer la formation de profils hautement qualifiés dans l’IA, la data et la cybersécurité, et renforcer les liens entre universités, startups et entreprises. Mais il y a une énergie, une confiance nouvelle.

Le Maroc profite de sa position géographique unique entre l’Europe et l’Afrique, de sa jeunesse connectée et de l’appétit de ses ingénieurs pour les métiers du futur. À mesure que la carte mondiale de la production se recompose, le Maroc s’impose comme un maillon stratégique du numérique régional, porté par des entreprises à la recherche de partenaires proches, fiables et agiles. L’externalisation «Made in Morocco» n’est plus synonyme de main-d’œuvre à bas coût, mais de services maîtrisés, bilingues et bien exécutés. Le prochain défi, celui qui fera la différence, sera de créer des produits marocains : des logiciels, des plateformes et des solutions conçues ici. Les signaux sont là : incubateurs qui se multiplient, investisseurs qui s’intéressent à la deeptech, et ingénieurs qui osent franchir le pas de l’entrepreneuriat.

 

 

 

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