Matériaux de construction: l’export, chantier prioritaire pour la profession

Matériaux de construction: l’export, chantier prioritaire pour la profession

L’Office des changes a publié récemment une étude sur le potentiel du secteur des matériaux de construction.

Dans cette étude qui parle de substitution aux importations et de montée en puissance des exportations, les professionnels de la Fédération des matériaux de construction (FMC) préfèrent s’attaquer dans l’immédiat au second volet. Pourquoi d’abord exporter ?

Eclairage de David Toledano, président de la FMC.

 

Propos recueillis par A. Diouf

Finances News Hebdo : Dans son étude sur la substitution aux importations de matériaux de construction, l’Office des changes parle de 12 milliards de dollars de substitution à moyen terme et 3 milliards de dollars d’exportation à court terme, notamment à l’horizon 2026. A votre avis, par quel chantier faut-il commencer ?

David Toledano : Vous avez raison, l’Office des changes parle de deux choses dans son étude : la substitution aux importations de matériaux de construction et la montée en puissance dans les exportations de matériaux de construction. Tout le monde connaît nos capacités installées dans tous les domaines des matériaux de construction. Hormis la fabrication de verre, nous sommes un pays qui a la chance d’avoir presque 100% des matériaux de construction nécessaires au bâti. En effet, nous avons du sable, de la gravette, des aciers à béton, du ciment, de la brique, des ourdis, du parpaing, des produits en béton comme les poutrelles, etc. jusqu’aux produits de finition comme les carreaux, le marbre, le bois et les sanitaires. Nous disposons de capacités installées très puissantes et, effectivement, nous nous substituons déjà à l’importation. D’ailleurs, la Fédération des matériaux de construction (FMC) regroupe 14 associations et elle vient de s’étoffer avec les industries du bois et tout ce qui concerne les enduits d’intérieur et d’extérieur et les produits d’isolation. L’Office des changes parle de 3 milliards de dollars d’exportation. Je confirme qu’il faut commencer par ce chantier. Aujourd’hui, nous exportons bon an mal an, entre 580 et 600 millions de dollars essentiellement de la céramique sanitaire, du marbre, du carreau.

Nous avons déjà exporté de l’acier où nous avons une grosse capacité de production. Nous pouvons également exporter du clinker et du ciment, parce que nous avons une capacité de plus de 22 millions de tonnes, alors que nous ne consommons que 12 millions de tonnes, c’est-à-dire un peu plus que la moitié. Au niveau de la céramique sanitaire aussi, nous avons aujourd’hui une capacité de 5 millions de pièces alors que le Maroc n’a besoin que de 1,5 million de pièces. Même dans les carreaux céramiques où nous avons actuellement une capacité de production de 120 millions de m2 par an, il est possible de faire quelque chose pour contenir les 20 à 25 millions de m2 que nous continuons d’importer. Bref, nous importons encore beaucoup de choses, parce que nous sommes soumis à une compétition très rude au niveau de la Méditerranée. Le premier producteur de carreaux est l’Espagne, notre voisin immédiat. Il y a aussi les Portugais, les Turcs et les Egyptiens.

 

F.N.H. : Qu’est-ce que vos concurrents immédiats, comme vous dites, ont que vous n’avez pas ici au Maroc ?

D. T. : Tous les pays que je viens de citer ont une énergie beaucoup moins chère que la nôtre et de meilleurs intrants. Pour les concurrencer, il faut que nous soyons soutenus au niveau de l’exportation. Les Turcs donnent des subventions à leurs exportateurs en soutenant les prix de transport et les prix de production, en plus d’une énergie à bas coût. Nous, on nous a promis depuis des années un soutien sur le prix de l’énergie qui n’est jamais arrivé. Alors que nous avons aujourd’hui les industries les plus énergivores du pays. Si nous avons un meilleur accompagnement au niveau de nos coûts de production, nous pourrons devenir compétitifs. Les exportations espagnoles, turques et autres sont à des prix de dumping, des prix très bas qui ne couvrent même pas nos prix de revient.

 

F.N.H. : Malgré tout, vous parvenez quand même à exporter. Par contre, il est plus difficile de protéger le marché intérieur des assauts de vos concurrents. C’est ce qui explique votre choix de l’export par rapport à la substitution ?

D. T. : Exactement. Il faut que nous parvenions à agir sur le coût de production pour arriver à baisser nos prix. Parce que nous subissons les hausses de prix à l’international, notamment au niveau des matières premières. Par exemple, les billettes d’acier ont enregistré une hausse fulgurante à cause de la guerre russo-ukrainienne. Et à propos de la ferraille sur laquelle nous avons essayé de nous rabattre pour limiter la casse, nous avons un problème de TVA avec les ferrailleurs qu’il faudra résoudre pour que nous puissions l’utiliser au maximum, au lieu de l’exporter alors que nous en avons besoin. Autre exemple : au niveau de la céramique sanitaire et des carreaux céramiques, il faut soutenir les coûts de production et les coûts énergétiques avec des investissements dans l’utilisation du gaz naturel. Car, les producteurs qui utilisent du gaz naturel parviennent à avoir des coûts de production bien meilleurs que ceux qui utilisent encore du fuel.

 

F.N.H. : Que répond le gouvernement à vos doléances ?

D. T. : Nous sommes en attente d’importantes réunions, parce que d’abord nous voulons une relance. Nous voulons que nos usines marchent mieux qu’aujourd’hui. Les cimenteries tournent aujourd’hui à presque 50%. Les producteurs de carreaux la même chose, les producteurs d’acier aussi. La seule exception aujourd’hui, c’est l’industrie du marbre qui connaît un important développement, car ils exportent non seulement des blocs, mais également des produits traités.

 

F.N.H. : Quels sont les marchés sur lesquels vous misez pour atteindre le chiffre à l’export annoncé dans l’étude en 2026 ?

D. T. : Ce que nous demandons et qui est important, c’est d’accélérer l’intégration du Maroc dans la Zone de libreéchange du continent africain (ZLECAF). Cela va transformer notre secteur. Par exemple, dans l’acier, nous sommes arrivés à exporter vers les Etats-Unis, c’està-dire vers un marché éloigné et exigeant en matière de qualité. C’est dire que la qualité de nos produits et nos prix sont convenables au niveau mondial. Nous pensons qu’en adressant l’Afrique, nous aurons plusieurs points de croissance très rapides. Si nous arrivons à exporter 500 à 600.000 tonnes, cela fera du chiffre très vite. Vous savez, nous sommes dans des matières pondéreuses et même si le prix n’est pas au départ très cher, ça chiffre très vite. Voilà ! Le potentiel est là, les capacités et le savoir-faire aussi. Ce qu’il faut, c’est qu’à un moment donné, nous puissions, d’un côté, réduire les importations et, de l’autre, soutenir les exportations. Au niveau de la céramique sanitaire, nous avons les plus grands exportateurs qui sont installés au Maroc et nous exportons partout en Europe, aux Etats-Unis, en Chine, au Vietnam, au Moyen-Orient et en Afrique. C’est un secteur qui est très actif et qui pourra l’être beaucoup plus à partir du moment où, nous aussi, pourrions bénéficier de certains soutiens comme l’Egypte, la Turquie, etc. 

 

 

 

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