LGV Kénitra-Marrakech : un investissement au cœur de la stratégie de compétitivité du Maroc

LGV Kénitra-Marrakech : un investissement au cœur de la stratégie de compétitivité du Maroc

Au-delà de l’infrastructure logistique, la ligne à grande vitesse Kénitra-Marrakech s’inscrit dans une stratégie d’ancrage industriel et d’émergence de nouveaux pôles économiques. Décryptage d’un chantier qui redéfinit les contours de la croissance.

 

Par Désy M.

Le 24 avril 2025, le lancement par le Roi Mohammed VI des travaux d’extension de la ligne à grande vitesse (LGV) entre Kénitra et Marrakech a marqué bien plus qu’un simple jalon infrastructurel. Avec un budget de 96 milliards de dirhams, ce mégaprojet ferroviaire s’impose comme un catalyseur stratégique d’une nouvelle phase de développement économique, industriel et territorial du Royaume.

Derrière les chiffres impressionnants, à savoir 430 km de ligne, réduction des temps de trajet à moins de 3 heures entre Tanger et Marrakech et 5 régions desservies représentant 67% du PIB national, se cache une vision d’ensemble : faire du rail un levier de transformation de la géographie économique marocaine. En effet, la mobilité est aujourd’hui un facteur structurant de l’attractivité des territoires.

Cette LGV incarne l’idée d’un Maroc connecté, où la logistique devient un atout de compétitivité pour les entreprises et les investisseurs. Cette vision s’inscrit dans la continuité des efforts déployés par le Maroc pour intégrer ses régions, atténuer les déséquilibres de développement et faciliter l’émergence de nouveaux pôles économiques.

«La LGV entre Kénitra et Marrakech constituera un véritable levier de développement socioéconomique pour la région de Marrakech, qui a traversé une période difficile après le séisme d’Al Haouz. Aujourd’hui, cette zone a besoin de plus d’ouverture en matière d’intégration économique. Je ne parle pas du tourisme, mais de l’activité industrielle, de l’agro-industrie et des services», explique Youssef Guerraoui Filali, président du Centre marocain pour la gouvernance et le management. Et d’ajouter : «Aujourd’hui, cette ouverture vers Casablanca, Tanger à travers Kénitra, constituera vraiment un véritable levier socioéconomique pour toute la région de Marrakech».

Contrairement à d’autres projets d’infrastructure aux effets essentiellement logistiques, la nouvelle LGV s’inscrit dans une logique industrielle plus poussée. Elle constitue une vitrine pour la montée en gamme du tissu productif marocain. Près de 14 milliards de dirhams seront consacrés au maintien et à l’extension de la performance du réseau, tandis que 29 milliards seront dédiés à l’acquisition de nouveaux trains.

Ces investissements ne sont pas que des achats; ils préfigurent la structuration d’un écosystème ferroviaire national. À terme, cela pourrait induire la création d’une nouvelle filière industrielle, avec ses effets induits sur l’emploi qualifié, la formation, et l’innovation locale. Dans un contexte de repositionnement stratégique de l’industrie marocaine post-Covid, cette dimension prend toute son importance.

Comme le souligne Guerraoui, «aujourd’hui, on parle d’un taux d’intégration aux alentours de 40%; nous sommes en train de développer une industrie ferroviaire importante liée aux infrastructures de transport, à l’entretien et à la réparation des trains. Je pense que c’est une industrie gisement de production pour le Maroc, pour son attractivité et aussi une industrie à développer et à commercialiser sur toute la région maghrébine et MENA, et surtout en Afrique». Toutefois, Guerraoui alerte également sur le fait que «dans cet élan de développer une industrie ferroviaire, il ne faut pas commettre la même erreur effectuée dans l’industrie automobile et aéronautique. Il nous faut nous approprier tout le process, toute la chaîne de production de A à Z. Car si l’on dépend de constructeurs étrangers, on ne parvient pas à développer une marque propre au Maroc, plombant toute ambition de souveraineté industrielle».

Les TPME au rendez-vous

L’autre atout de taille du projet réside dans son effet d’entraînement sur le tissu entrepreneurial, en particulier les très petites et moyennes entreprises. Le timing est d’ailleurs stratégique : il coïncide avec la mise en œuvre du dispositif d’appui aux TPME dans le cadre de la nouvelle charte d’investissement. Les entreprises marocaines auront accès à des bonus allant jusqu’à 30% pour les projets liés à cette infrastructure. À la clé : une dynamique de sous-traitance, de construction, de services logistiques, d’ingénierie ou encore de maintenance qui pourra bénéficier à des centaines d’acteurs nationaux.

«Effectivement, il y aura plusieurs retombées économiques positives, notamment la création de 10.000 postes directs et indirects liés à ce projet de ligne à grande vitesse. La réduction du temps de trajet est extrêmement importante aujourd’hui en faisant TangerMarrakech en moins de 3 heures, et Casablanca-Marrakech en 1h15», explique Guerraoui. Il insiste également sur l'effet d'équilibrage économique : «aujourd’hui, on a un PIB moyen par habitant pour la région de Marrakech qui est aux alentours de 23.000 dirhams, alors que la région de Casablanca dépasse les 55.000, et celle de Rabat-Salé-Kénitra plus de 44.000. Marrakech devrait suivre cet élan pour réaliser cette péréquation en termes de création de richesses et d’affectation des ressources».

Une infrastructure au service de l’agenda 2030

Ce projet LGV ne saurait être dissocié des échéances stratégiques à venir. En 2030, le Maroc accueillera la Coupe du monde de football aux côtés de l’Espagne et du Portugal. Ce mégaprojet vise clairement à doter le Royaume d’un réseau de transport capable d’absorber les flux de visiteurs, tout en offrant une vitrine de sa modernité et de sa vision durable. Il s’intègre aussi dans les engagements du Maroc pour une mobilité bas carbone. En réduisant drastiquement l’empreinte du transport routier et aérien sur les trajets interurbains, cette LGV devient un pilier de la transition énergétique du pays.

Plus qu’un chantier ferroviaire, la LGV Kénitra-Marrakech symbolise donc un tournant stratégique dans la politique d’investissement du Maroc. Elle lie les enjeux territoriaux, économiques, industriels et environnementaux dans un projet à forte valeur ajoutée. Si les objectifs d’exécution sont atteints, cette infrastructure pourrait devenir un modèle de développement intégré au niveau continental. La LGV ne transporte pas seulement des passagers à grande vitesse. Elle transporte, avec eux, l’ambition d’un Maroc plus compétitif, plus durable, et plus cohérent dans sa dynamique de développement. 

 

 

 

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