Le programme Daam Sakan est en voie d’atteindre sa vitesse de croisière. La baisse du taux directeur peut redonner un coup de pouce aux transactions.
Entretien avec Amine Mernissi, expert en immobilier.
Propos recueillis par C. Jaidani
Finances News Hebdo : Comment jugez-vous l’évolution de l’immobilier au premier semestre 2024. Peut-on affirmer qu’il existe une certaine relance de l’activité ?
Amine Mernissi : Le premier semestre est resté contrasté, avec des hausses et des baisses en termes de transactions et de prix des actifs immobiliers. Comme si le marché immobilier se cherchait toujours. Cependant, ce sont les indicateurs du 3ème trimestre 2024 qu'il faudra scruter de près, à la lumière de la saison estivale et de la dynamique immobilière qui en découle traditionnellement. Le programme Daam Sakan est sur les rails et a pris le départ le 2 janvier 2024. Il n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière, et c'est normal après seulement sept mois. La demande est là. Près de 80.000 demandes exprimées, pour environ 20.000 bénéficiaires à date. La relance c'est aussi ça... Car cela va aller crescendo, le temps que l'offre monte en puissance et couvre plusieurs villes. La certitude, c'est que la demande est forte. Tant des nationaux que des MRE (22% des demandes).
F.N.H. : Quelles sont les contraintes qui perturbent toujours le secteur ?
A. M. : Les fameux «3 F» ! Ils sont le nerf de la guerre. • Le foncier est toujours cher et indisponible dans certaines localités pour le développement d'un certain type d'actifs immobiliers (exemple: les logements moyen standing ou pour la classe moyenne).
• Le financement. Accéder au crédit est de plus en plus restrictif. Il faut de façon quasi-générale disposer d'une épargne avant de se lancer dans un projet d'achat. Le financement à 100% est très sélectif. On peut comprendre aussi que dans un climat économique et social tendu et largement impacté par la précarité et l'inflation, le secteur financier doit également se préserver... Mais résultat, cela peut en décourager plus d'un à investir.
La fiscalité. Elle reste encore pénalisante pour le secteur. Le coût fiscal pour l'acquéreur aussi bien que le promoteur qui, lui, est confronté à un millefeuille fiscal, reste élevé.
F.N.H. : La baisse du taux directeur peut-elle booster les transactions?
A. M. : Oui, la baisse du taux directeur peut redonner un coup de pouce aux transactions. Mais ce n'est pas suffisant. Pour investir dans l'immobilier il faut avoir le souffle long ! Comme la capacité à s'endetter sur 10, 15 ou 20 ans. Par conséquent, être en mesure d'honorer ses engagements sur une aussi longue période. Ça veut dire, ne pas rencontrer une crise Covid, ne pas rencontrer une guerre en Ukraine... Ce qui est impossible, car la vie est faite d'aléas et d'incertitudes. Mais il y en a de plus impactantes que d'autres ! Là, on touche à la notion de confiance en l'avenir, et c'est très personnel.
F.N.H. : Le marché des MRE est-il toujours important pour créer une dynamique ?
A. M. : Tout à fait. Les MRE sont un vrai moteur du marché immobilier. Surtout pendant la saison estivale. Ils sont présents sur tous les segments et sur l'ensemble du Royaume. On note d'ailleurs leur grand retour sur Marrakech depuis deux ans pour des biens haut standing notamment.
F.N.H. : Selon vous, quelles sont les mesures fiscales que vous préconisez pour le projet de Loi de Finances 2025 afin de donner une nouvelle impulsion au secteur ?
A. M. : Alléger le fardeau fiscal pour les acquéreurs me semble une mesure salutaire qui peut avoir un vrai effet de levier pour le développement du marché immobilier. Droits de conservation foncière et droits d'enregistrement devraient être revus à la baisse. Mais l'Etat a peut-être des contraintes budgétaires qui ne le permettent pas ? Peut-être que cette baisse de la fiscalité occasionnerait une hausse palpable des transactions, et ce que l'Etat perdrait d'un côté, il le rattraperait de l'autre par un effet de volume ! Il faudrait faire des simulations pour vérifier cela.