Avec la sécheresse, les exploitants cherchent à utiliser les eaux souterraines frauduleusement au risque d’être interpellés.
Le secteur fortement dominé par l’informel.
Par C. Jaidani
Le Maroc fait face à une sécheresse inédite. Avec la baisse substantielle des réserves en eau de surface, les agriculteurs n’ont d’autres choix que d’utiliser les eaux souterraines. Les opérations de forage de puits se sont multipliées dernièrement, dont la plupart opérées clandestinement. Suite au drame du petit Rayane, décédé en février dernier, causé par une chute dans un puits, le gouvernement avait mené une vaste campagne de recensement des puits qui a conclu que 91% d’entre eux sont non autorisés. A cet effet, les autorités ont renforcé la vigilance pour encadrer au mieux ces opérations, d’autant que la faiblesse de l’apport pluviométrique de ces dernières années a fortement impacté la nappe phréatique. Il faut rappeler que les agences des bassins hydrauliques, sous tutelle du ministère de l’Equipement et de l’Eau, accordent annuellement entre 30.000 et 40.000 autorisations. Mais dernièrement, de nouvelles mesures restrictives ont été prises et les professionnels risquent de lourdes sanctions pénales en cas de non-respect des lois en vigueur.
Les témoignages recueillis auprès des opérateurs de l’activité sont révélateurs à plus d’un titre. «Il existe une forte demande pour le forage des puits, particulièrement dans les zones bour. Même si j’ai un carnet de commandes étoffé, seules quelques opérations sont concrétisées. C’est le même constat relevé auprès d’autres professionnels, et ce à cause de la procédure devenue très exigeante. Toutefois, quelques foreurs prennent le risque et procèdent à des forages sans prendre le soin de s’assurer de la disponibilité de l’autorisation», souligne Hamid Fahili, foreur dans la région de Benslimane. Et de poursuivre : «Les exploitants rencontrent différentes contraintes pour obtenir le précieux sésame à cause de plusieurs exigences. A titre d’exemple, la plupart des demandeurs sont des propriétaires dans l’indivision et ils doivent recueillir l’aval des autres associés, qui sont le plus souvent des héritiers».
En dépit de son effectif réduit, la police de l’eau accomplit un travail colossal pour lutter contre la surexploitation des ressources hydriques et leur utilisation illicite. Khaladi Mostafa, responsable de la police de l'eau à l’agence hydraulique de Benslimane, souligne que «le nombre d’infractions est en recrudescence. Nous avons dressé dernièrement pas moins de 200 PV qui ont été transférés au procureur du Roi. Outre les forages clandestins, certains exploitants n’hésitent pas à pomper l’eau des barrages ou des rivières, ce qui est contraire à la loi. Nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités locales pour être alertés sur toutes les opérations frauduleuses».
Et d’ajouter : «Même les opérations d’entretien ou d’approfondissement des forages de puits déjà existants doivent être préalablement autorisées. Le plus souvent, les contrevenants sont passibles de sanctions par ignorance des clauses de la réglementation en vigueur». Il est à rappeler que le permis de forage fixe, entre autres, les conditions d’exercice de la profession de foreur, les modalités de déclaration des opérations de réalisation de forage, les éléments que doit contenir la déclaration et les informations que le foreur doit fournir au terme des travaux de forage. Toutefois, ce cadre juridique présente quelques lacunes, notamment au niveau de l’organisation des professionnels du forage.