Le FMI, qui salue plusieurs actions du gouvernement, appelle à l’accélération des réformes structurelles.
L’Institution de Bretton Woods table sur une croissance d’environ 1,25% du PIB en 2022 et un déficit du compte courant de 4,25% du PIB.
Sur le front économique, il n’est pas exagéré de dire que le Royaume est à la croisée des chemins. Le Maroc, qui aspire légitimement à l’émergence, s’est fixé un objectif ambitieux. Celui de bâtir un nouveau modèle de développement (NMD), avec à la clef une pérennité de la croissance durable et inclusive. Toutefois, ce dessein porté au plus haut sommet de l’Etat se télescope avec un contexte particulièrement défavorable sur le plan national (sécheresse récurrente) et international (flambée des cours des matières premières, pandémie Covid-19, etc.).
Cette donne complique l’équation de l’émergence, surtout si l’on sait que la croissance sera atone en 2022 (autour de 1% du PIB) et que les marges budgétaires rognées, entre autres, par l’explosion des charges de compensation, se sont amenuisées considérablement au cours des dernières années. Dans ce contexte, il est clair que la question du financement du nouveau modèle de développement, lequel nécessite la mise en œuvre de réformes structurantes et coûteuses (protection sociale, santé, éducation…), se pose avec acuité.
A ce titre, rappelons qu’en octobre dernier, le Souverain a fixé l’objectif de la mobilisation de 550 Mds de DH d’investissements de capitaux privés sur la période 2022-2026. De même, le secteur public est aussi appelé à jouer sa partition en matière de financement dans le cadre de la mise en œuvre du NMD. C’est dans un contexte particulier que les services du FMI ont achevé récemment leur mission de 2022 au titre de l’article IV avec le Maroc.
Trois postes ont sauvé les meubles
Roberto Cardarelli, chef de l’équipe du FMI, qui a séjourné au Maroc, a dévoilé quelques prévisions majeures portant sur l’économie nationale avant de répondre à bâtons rompus aux questions des représentants de la presse nationale. Les interrogations ont porté, entre autres, sur l’opportunité de la hausse du taux directeur par BAM, le PLF 2023, l’implication des tendances inflationnistes, la réforme de la Caisse de compensation et le financement des principales réformes (santé, protection sociale, éducation). «L’économie marocaine a connu une confluence de chocs négatifs en 2022 qui ont freiné le rebond rapide après la pandémie.
La sécheresse a affecté négativement la production agricole, tandis que les chocs des termes de change liés à l’invasion de l’Ukraine par la Russie ont davantage alimenté l’inflation et réduit le pouvoir d’achat», explique le chef de mission du FMI pour le Maroc. Et d’ajouter: «La reprise du secteur du tourisme, la résilience des envois de fonds des migrants et des exportations ont compensé partiellement ces chocs négatifs. La croissance du PIB s’établirait à environ 1,25% en 2022 et le déficit du compte courant devrait se creuser pour atteindre 4,25% du PIB». Ces prévisions confortent quelque part la méforme de l’économie nationale. Toutefois, à en croire l’équipe de l’Institution de Bretton Woods, l’activité devrait mieux se comporter durant l’année 2023. «Dans l’hypothèse d’une amélioration progressive des conditions extérieures et d’une saison agricole moyenne, la croissance devrait s’accélérer pour atteindre environ 3% du PIB en 2023 et le déficit du compte courant se réduirait à environ 3,5% du PIB, mais de fortes incertitudes planent encore sur ces perspectives», concède Roberto Cardarelli.
Ces actions salutaires, selon le FMI
Sur la question de l’augmentation de 50 points de base du taux directeur par BAM (à l’issue de son dernier Conseil), et ce dans l’optique de contenir l’inflation, l’équipe du FMI a adopté une position qui ne souffre d’aucune ambivalence. Elle salue la décision de l’Institut d’émission, bien que les causes des pressions inflationnistes proviennent des chocs mondiaux sur l’offre et les prix des matières premières. Par ailleurs, le FMI, qui s’attendait pour 2023 à l’amorce du repli de l’inflation (sous l’effet de la baisse prévue des prix mondiaux des matières premières) suggère : «Assurer un retour de l’inflation à près de 2% d’ici 2024 pourrait nécessiter de nouvelles hausses des taux directeurs. Et ce, afin d’ancrer davantage les anticipations d’inflation». Notons que si l’institution de Bretton Woods reconnaît que des hausses successives du taux directeur pourraient impacter négativement les demandes de crédits bancaires et, par extension, la croissance, par contre, elle explique que le rehaussement de 50 de PBS du taux directeur effectué par BAM aura peu d’impact sur la demande des crédits bancaires et la croissance.
L’équipe du FMI partage aussi l’orientation réformiste imprimée par le PLF 2023, notamment en matière d’IS (baisse et harmonisation des taux) et d’IR ainsi que la propension du PLF 2023 à garantir le financement des réformes majeures citées plus haut. La réforme de la Caisse de compensation via l’amélioration du ciblage grâce à l’introduction du Régime social unifié, devrait, selon les experts du FMI, élargir les marges budgétaires et déboucher sur la réduction rapide de la dette publique à moyen terme. Notons tout de même que la dette publique globale observe un trend haussier notoire depuis l’année 2020, marquée par la prolifération de la Covid-19 à l’échelle mondiale. D’après les prévisions du HCP, le taux d’endettement public devrait passer de 82,5% à 83,3% du PIB entre 2021 et 2022, avant de progresser encore à 83,6% du PIB en 2023. Concernant le régime de change, les experts du FMI suggèrent la poursuite de la réforme lorsque les incertitudes et les chocs au niveau mondial baisseront d’intensité.