◆ Bilan de l’année 2020, évolution des habitudes de paiement, équipements des e-marchands, retour à la normale…, Mikael Naciri, Directeur général du Centre monétique interbancaire (CMI), nous dresse un panorama complet de l’activité des paiements au Maroc.
◆ Il nous indique que le CMI a enrôlé près de 200 nouveaux sites par mois durant la période qui a suivi le confinement.
◆ La reprise de l’activité, elle, est espérée dès la fin du mois de Ramadan.
Propos recueillis par Y. Seddik
Finances News Hebdo : L’activité monétique nationale a, elle aussi, été impactée par la pandémie. Quel bilan faitesvous des réalisations au terme de l'année 2020 ?
Mikael Naciri : L’année 2020 avait très bien démarré, avec des taux de croissance des paiements aussi bien domestiques que touristiques qui dépassaient les 25%. Dès le confinement, mi-mars, les volumes se sont effondrés en raison de la fermeture des frontières et des commerces non essentiels. Les grandes surfaces, épiceries, superettes et, dans une moindre mesure, les stations-service et les pharmacies, ont été les principaux drivers des paiements par cartes bancaires. Dès la fin du confinement, les paiements domestiques ont repris leur trend haussier, affectés toutefois par les mesures sanitaires et les restrictions notamment au niveau restauration et hôtellerie. A fin décembre, nous avons enregistré :
• Une croissance des paiements domestiques : Les opérations de paiement par cartes marocaines auprès des commerçants et eMarchands affiliés au CMI ont totalisé, durant l’année 2020, 79,7 millions d’opérations pour un montant de 31,7 milliards de DH, en progression de +8,5% en nombre et de +4,1% en montant par rapport à l’année 2019.
• Une forte croissance des paiements sur Internet : L’activité des paiements en ligne des cartes marocaines a progressé de +46,5% en nombre d’opérations, en passant de 9,4 millions de transactions durant l’année 2019 à 13,8 millions de transactions durant l’année 2020, et de +29,7% en montant, en passant de 4,4 milliards de DH durant l’année 2019 à 5,7 milliards de DH durant l’année 2020.
• Une extension du réseau de commerçants acceptant de 5,8% à 36.640 commerçants actifs.
• Un recul des paiements internationaux : Les opérations de paiement par cartes étrangères auprès des commerçants et eMarchands affiliés au CMI ont totalisé, durant l’année 2020, 5,0 millions d’opérations pour un montant de 5,1 milliards de DH, en régression de -58,3% en nombre et de -66,2% en montant par rapport à l’année 2019.
F.N.H. : La crise sanitaire a, en quelque sorte, été un catalyseur pour le Contactless. Quel commentaire en faites-vous ?
M. N. : Les précautions et la vigilance devant le risque de manipulation du cash ont permis effectivement d’inscrire le paiement sans contact, appelé NFC, comme un mode de paiement représentant un geste barrière efficace contre la contamination. Par ailleurs, le taux d’équipement en cartes NFC par les banques, en croissance soutenue, ainsi que le nombre de Terminaux compatibles (près de 85% du parc de TPE), ont permis d’accélérer l’adoption de ce mode de paiement par les porteurs de cartes. Ainsi, durant les derniers mois de 2020, 20% des transactions étaient réalisées en mode sans contact, et cette tendance poursuit son évolution.
F.N.H. : Dans le même ordre d'idées, la demande en équipement des sites marchands en paiement en ligne par carte bancaire a-t-elle augmenté durant cette période ?
M. N. : Dès le début du confinement, nous avons constaté un grand engouement pour le paiement en ligne. De nombreuses enseignes de prêt-à-porter, de distribution alimentaire, ou de livraison de repas ont développé de nouveaux canaux de vente en ligne, pour pouvoir continuer à satisfaire leurs clients. Ce sont près de 200 nouveaux sites par mois qui ont été enrôlés durant la période qui a suivi le confinement. Cette tendance se maintient et le nombre de clients qui achètent en ligne et paient avec carte bancaire ne cesse de croître. Nous comptons aujourd’hui plus de 2.000 sites marchands de vente et paiement en ligne qui sont actifs.
F.N.H. : En plus du paiement sans contact, quels autres changements d'habitudes des utilisateurs avez-vous relevé? Devront-ils se pérenniser à l'issue de la crise sanitaire ?
M. N. : Parmi les constats majeurs, nous pouvons citer l’augmentation de l’usage des applications des banques pour le règlement des factures et des créances eGov, au détriment du cash, du chèque certifié ou du virement traditionnel en agence. Le panier moyen est en baisse de plus de 5%, les petits montants étant principalement réglés en sans contact. La fréquence des paiements par carte bancaire a également augmenté de manière significative. D’un autre côté, le nombre de cartes actives en paiement s’est accru de près de 6%, pour s’établir à 3,8 millions de cartes actives en paiement sur l’année 2020.
F.N.H. : Aujourd'hui, qu'estce qui conditionne un retour à la normale de l’activité ? Peut-on retrouver un niveau d'avant-crise dans les mois qui viennent ?
M. N. : Pour ce qui est des paiements domestiques, il est clair que les restrictions sanitaires ont un impact sur les volumes des paiements, notamment dans le secteur de la restauration, du divertissement et au niveau des hôtels, qui souffrent des limitations des déplacements. Il faut malheureusement se rendre à l’évidence que nombre de Marocains ont vu leurs revenus baisser durant cette année; cela a forcément un impact sur leurs dépenses, qui restent centrées sur l’essentiel : alimentaire, santé, éducation et habillement
Les loisirs étant relégués en dernière priorité. Par ailleurs, tous les secteurs exposés au tourisme sont dans une situation pratiquement de détresse (hôtels et riads, restaurants, loueurs de voitures, bazaristes, excursions, transport touristique…,) et ne peuvent qu’espérer une réouverture prochaine des frontières et un retour de la manne touristique. Les salariés de ces secteurs et leurs familles sont aussi des porteurs de cartes bancaires et s’ils n’ont pas de revenus suffisants, cela impactera nécessairement la consommation intérieure. Nous espérons tous que la reprise ait lieu dès la fin du Ramadan, si la situation dans les pays émetteurs s’améliore et que les campagnes de vaccination sont suffisamment avancée
Le CMI, avec ses équipes commerciales et de service après-vente, reste mobilisé auprès de ses partenaires commerçants pour apporter toutes les solutions de paiement digital qui faciliteront la reprise de leur activité. Notre offre s’est enrichie avec des solutions légères de paiement en ligne, adressant également les marchands ne disposant pas de site Internet (solution de PayByMail par exemple). Nous offrons en exclusivité l’acceptation des paiements mobiles par ewallets directement sur nos terminaux de paiement, pour permettre à ce nouvel écosystème de paiement mobile de profiter d’une base de commerçants déjà opérationnels.
D’un autre côté, nous venons d’annoncer l’acceptation eCommerce des cartes Union Pay (9 milliards de cartes en circulation dans le monde), dont pourront profiter nos emarchands qui exportent leurs produits vers l’Asie. Enfin, nos solutions de terminaux de paiement en cloud privé ont rencontré un accueil très favorable auprès de nos marchands, de même que les smart terminaux sous Android dont les capacités permettent de développer de nouvelles solutions, au-delà du paiement par carte bancaire.