Démographie : le RGPH 2024 dévoile des risques majeurs pour le renouvellement de la population

Démographie : le RGPH 2024 dévoile des risques majeurs pour le renouvellement de la population

Le taux de fécondité est descendu sous la barre des 2%. La croissance du nombre de ménages évolue plus vite que celle des habitants.

 

Par C. Jaidani

Le dernier recensement de la population et de l’habitat (RGPH 2024) a livré de nombreuses données qui devraient servir aux décideurs pour différentes projections, comme les programmes de développement à caractère économique, social ou culturel. Parmi les indicateurs révélateurs, figurent particulièrement le ralentissement de la croissance du nombre d’habitants et l’accélération de celui des ménages. Le premier affiche un taux de croissance annuel moyen de 0,85%, alors que le second se situe à 2,4%. Ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui; il a commencé à prendre de l’ampleur depuis un certain temps.

«Le nombre de ménages augmente sans cesse au moment où leur taille se rétrécit. Auparavant, on assistait à des familles où le père, sa femme, ses enfants mariés et ses petits-enfants vivaient sous un même toit. Ce phénomène commence à disparaitre de la société marocaine, laissant la place à la prolifération des ménages à une ou deux personnes. Ceci est dû à plusieurs raisons d’ordre culturel, économique et social. Le coût de la vie a nettement augmenté. L’accès au logement est devenu difficile. Les frais de prise en charge d’un enfant ne cessent de s’alourdir tant pour sa scolarité, son habillement, les soins que pour d’autres dépenses. Cela a un effet direct sur le taux de fécondité qui s’inscrit, quant à lui, à la baisse. De nombreux ménages n’ont pas assez de ressources pour faire face aux charges du quotidien. Leur endettement complique davantage la situation. La structure démographique reste intimement liée à l’évolution socioéconomique», analyse Abderrahim Marzouki, professeur à l’Institut national de l’aménagement et de l’urbanisme (INAU).

Au niveau national, la transition démographique accélérée a eu un effet direct sur l’indice synthétique de fécondité, qui n’a cessé de régresser pour atteindre actuellement 1,9%. Ce chiffre implique que le nombre d’habitants s’est orienté vers une baisse progressive. «Ce taux doit interpeller les décideurs, car il indique que la population marocaine est entrée dans une phase de nonrenouvellement. Avec l’augmentation de l’espérance de vie à la naissance, ce phénomène devrait générer un vieillissement de la population et des difficultés majeures pour les caisses de retraite et celles de la sécurité sociale. Il a été accentué par la baisse de l’âge du mariage et la croissance des divorces sous l’effet de la Moudawana. La pyramide des âges commence à s’élargir vers le haut et se rétrécir vers le bas», explique Marzouki.

Et d’ajouter que «si la baisse du taux de fécondité se poursuit, le Maroc aura dans une prochaine période des difficultés pour assurer une main-d’œuvre suffisante et faire tourner la machine économique». Dans ces conditions, faut-il prendre des dispositions pour encourager la fécondité, comme l’ont fait certains pays pour augmenter les naissances, ou bien faciliter l’immigration ? «L’Europe et les pays développés ont pris des mesures pour encourager la fécondité, mais en vain. L’option de l’immigration a pu combler le déficit pendant une certaine période, mais elle a eu des effets négatifs par la suite. Actuellement, les pays d’accueil prônent une immigration sélective focalisée sur des profils qualifiés», explique Marzouki. Il faut dire qu’au Maroc la croissance économique est en grande partie portée par la demande intérieure. La baisse de la population ou son ralentissement risque d’impacter ce paramètre. «Les investisseurs, tous secteurs confondus, sont très regardants sur l’évolution du marché, notamment le nombre de consommateurs et leur typologie. Ils lancent leur projet en fonction du développement de la demande pour s’assurer de l’écoulement de leurs produits», conclut Marzouki. 

 

 

 

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