Sous l’effet d’un déficit hydrique important, la campagne agricole est pratiquement compromise. Elle serait l’une des pires saisons des dix dernières années.
Par C. Jaidani
Les hypothèses retenues dans la Loi de Finances 2024 sont d’ores et déjà chahutées en raison des contraintes conjoncturelles. La récolte prévisionnelle pour la campagne agricole reste l’élément le plus pesant sur les projections de l’exécutif. Il ressort des données disponibles pour le moment que la saison est pratiquement compromise. De l’avis de nombreux spécialistes, les dernières pluies sont insuffisantes pour redresser la situation et le Royaume se dirige vers une sixième année de sécheresse consécutive. «Dans le meilleur des cas, la campagne agricole 2023/2024 sera nettement en deçà de la moyenne et loin des 75 millions de quintaux estimés par le gouvernement.
Vu les conditions climatiques qui ont marqué le Royaume ces derniers temps, elle sera probablement médiocre, avec une moisson de moins de 20 millions de quintaux, soit le niveau le plus bas de ces 10 dernières années», affirme Abdelmoumen Guennouni, ingénieur agronome.
«Le déficit hydrique a atteint des niveaux alarmants. Excepté quelques régions du nord, de l’Oriental et les zones irriguées, les autres régions affichent un état très inquiétant. Même dans le cas où des précipitations toucheraient le pays dans les semaines à venir, elles ne seront pas assez bénéfiques pour les céréales d’automne, véritable baromètre de la saison agricole. La part des cultures printanières dans le PIB agricole n’est pas assez conséquente», ajoute-t-il.
Certains responsables marocains ont déjà tiré la sonnette d’alarme. A plusieurs reprises, le chef du gouvernement a manifesté ses préoccupations quant au stress hydrique que traverse le Royaume. Nizar Baraka, ministre de l’Équipement de l’Eau, et Mohamed Sadiki, ministre de l’Agriculture, ont donné plus de détail sur la situation. Il ressort des chiffres publiés récemment que le cumul pluviométrique est en baisse de 55% par rapport à la moyenne des 30 dernières années. Ce déficit n’a pas incité les agriculteurs à investir. Ainsi, le nombre d’hectares emblavés n’a pas dépassé les 2,8 millions, alors qu’en période normale, la superficie avoisine les 4,3 millions d’hectares. Il y a quelques années, les périmètres irrigués occupaient une superficie de 750.000 hectares, mais actuellement ils ne dépassent guère 400.000 hectares, soit un recul de près de 47%.
«Malgré les efforts de diversification de l’économie nationale, celle-ci reste toujours impactée par l’évolution du secteur agricole. Avec une contreperformance de la campagne agricole, le taux de croissance serait revu à la baisse. Fixé à 3,7% pour 2024, cet indicateur peut baisser à moins de 3% au cas où le secteur non agricole et celui des phosphates n’arrivent pas à se distinguer», explique Mohamed Amrani, économiste.