Faible attractivité de la commande publique pour les PME marocaines.
Plusieurs patrons d’entreprise appellent à la refonte de l’arsenal juridique en vigueur.
La commande publique, portée par les investissements publics situés à 195 Mds de DH par le PLF 2019, constitue un levier de développement pour les PME marocaines, qui représentent plus de 95% du tissu productif national.
L’avènement du décret 2-12-349 relatif aux marchés publics, publié dans le Bulletin officiel en avril 2013, était perçu à l’époque par le milieu des affaires comme une grande avancée en matière d’accès des PME aux marchés publics, avec l’introduction de la notion de préférence nationale.
Pour rappel, dans l’optique de renforcer la part des PME dans la commande publique, l’article 156 du décret stipule en substance : «Le maître d’ouvrage est tenu de réserver 20% du montant prévisionnel des marchés qu’il compte lancer au titre de chaque année budgétaire à la PME nationale».
La notion de la préférence nationale est traduite par l’article 155 qui dispose que : «Lorsque des entreprises non résidentes soumissionnent à des consultations publiques, leurs offres peuvent être, à des fins de comparaison, majorées de 15% par rapport à celles des entités marocaines». Or, l’article 155 accorde seulement la possibilité, et non l’obligation, d’accorder le marché à l’entité marocaine. Au-delà de ces précisions, tout l’enjeu est de savoir si les objectifs fixés à travers ces deux mesures ont été atteints.
Déception sur bon nombre d’aspects
Selon El Miloudi Benhamane, président de la Fédération nationale du bâtiment et des travaux publics (FNBTP), l’évaluation des deux mesures pour l’amélioration de l’accès des PME n’a pas lieu d’être. «Les dispositions afférentes à la préférence nationale et au pourcentage du montant prévisionnel des marchés publics (20%) réservé à la PME au titre de chaque année budgétaire, n’ont pas été appliquées», relève-t-il.
Et de préciser : «Nous sommes en train de revoir ces mesures dans le cadre du contrat-programme pour le développement de l’ingénierie et l’entreprise du BTP, signé avec le gouvernement, en septembre 2018, à Al Hoceima. L’objectif est de remédier à cette situation due en partie au manque de textes d’application et de volonté politique».
En concertation avec le gouvernement, la FNBTP se penche sur la refonte du texte des marchés publics afin de mettre sur pied, d’ici la fin de l’année, un arsenal juridique à même de faciliter l’accès des PME nationales aux marchés publics.
Ceci dit, l’avis de Moncef Ziani, président de la Commission accès aux marchés publics de la CGEM, et membre de la Commission nationale de la commande publique (CNCP), est différent de celui du président de la FNBTP. Tout en avouant ne pas disposer de statistiques, le président de Commission de la CGEM confie : «Mon impression est que la PME nationale s’accapare plus du pourcentage précisé à l’article 156 du décret. Car, au Maroc, la majorité des entreprises qui décrochent les marchés publics sont des PME».
Le membre de la CNCP pointe du doigt le manque de statistiques en matière de commande publique (taille des marchés, part des entreprises étrangères et marocaines, pourcentage capté par les PME, etc.). Ce qui, selon lui, constituerait un frein pour une meilleure connaissance de la physionomie des marchés et la mise en place de solutions pour mesurer l’efficacité de la commande publique et un meilleur accès des entreprises aux marchés publics.
«Une réforme dont l’objectif est de rendre plus attractifs les marchés publics pour les PME, est nécessaire», suggère le membre du patronat marocain. Il alerte sur le fait que le principal enjeu n’est pas tant celui de l’accès à la commande publique, mais plutôt la bonne exécution et la réussite d’un marché.
Notons par ailleurs que les multiples problématiques liées aux marchés publics, pour ne citer que les délais d’approbation et de paiement, la liquidation, la récupération de la caution définitive et les retenues de garantie, sont de nature à effrayer la PME marocaine. Celle-ci aurait donc tendance à se détourner de la commande publique.
Du côté de la CGEM, l’on reconnaît que même la grande entreprise souffre de la gestion des marchés publics, qui gagnerait à être améliorée. A ce titre, la refonte des textes juridiques et l’amélioration des pratiques pénalisées par la lourdeur administrative sont autant de pistes à explorer.
Quant à la préférence nationale, censée favoriser l’entreprise marocaine dans les marchés publics, force est de constater qu’elle a perdu de sa substance, dès lors que son application ne revêt pas un caractère obligatoire pour le maître d’ouvrage. ■
que propose la Confédération marocaine des TPE et PME
Abdellah El Fergui, président de la Confédération marocaine de TPE et PME, n’y va pas avec le dos de la cuillère. «Pour ce qui est du pourcentage du montant prévisionnel des marchés publics (20%) réservé à la PME au titre de chaque année budgétaire, seuls les ministères jouent le jeu. Ce qui n’est pas le cas pour les régions, les entreprises et établissements publics (EEP)», révèle-t-il.
Dans le cadre de l’élaboration du PLF 2019 qui sera soumis au vote du Parlement, la Confédération a fait une série de recommandations allant dans le sens de la facilitation de l’accès des PME et TPE aux marchés publics. La plus emblématique de ces recommandations consiste en la suppression des exigences ayant trait aux références et aux attestations de capacité financière qui figurent dans les cahiers de prescriptions spéciales (CPS).
Momar Diao