ACAPS : «Nous travaillons sur la refonte de plusieurs aspects du code des assurances»

ACAPS: «Nous travaillons sur la refonte de plusieurs aspects du code des assurances»

Le président par intérim de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale, Othman Khalil El Alamy, révèle dans cet entretien un ensemble de chantiers structurants sur lesquels travaille le régulateur.

 

Propos recueillis par A. Hlimi

Finances News Hebdo : Le secteur des assurances a enregistré des primes historiques en 2022. Du point de vue du régulateur, ces performances sont-elles accompagnées par une résilience accrue des opérateurs ?

Othman Khalil El Alamy : Effectivement, comme vous l’avez bien souligné, le marché marocain des assurances a réalisé une bonne performance en 2022 en termes de chiffre d’affaires, avec un volume de prime dépassant 54 milliards de dirhams, affichant, ainsi, au passage une croissance de 8,5% par rapport à l’année précédente. Cette croissance est portée essentiellement par la performance de la branche vie (+10,7%) grâce à la bonne dynamique de la composante épargne. L’assurance non-vie a également connu une progression des primes émises de l’ordre de 6,7%, notamment grâce au segment automobile. Néanmoins, l’année 2022 a été marquée par une conjoncture économique difficile et par un marché financier en berne. Cette situation a impacté sensiblement l’activité financière des entreprises d’assurances qui ont vu leur résultat financier dévisser de 23%. Dans le même sillage, les plus-values latentes des placements financiers ont fortement chuté, enregistrant une baisse de 58,5%, impactées principalement par la dépréciation boursière et la hausse des taux. Ces impacts ont été fort heureusement atténués par une amélioration de la sinistralité, ce qui a généré une légère hausse du résultat net de 1,8%. Au regard de ces indicateurs, le secteur des assurances a pu renforcer ses fonds propres de +3,5% pour atteindre 42,7 milliards de dirhams, ce qui lui a permis d’améliorer son assise financière et de maintenir sa résilience.

 

F.N.H. : L'inflation généralisée que connaît le Maroc a-t-elle des impacts sur le secteur ? Est-ce préoccupant ? 

O. K. E. A. : Comme partout dans le monde, le Maroc a subi des pressions inflationnistes, engendrées par la crise sanitaire de la Covid-19 et le conflit en Ukraine. Cette situation a entraîné une flambée des prix de l’énergie et une perturbation des chaînes de production et d’approvisionnement, créant un déséquilibre global entre l’offre et la demande à l’échelle mondiale. De l’avis général, cette inflation risque de s’installer durablement, ce qui a conduit Bank Al-Maghrib à intervenir en relevant le taux directeur en trois temps, pour le porter à 3%. Ce resserrement de la politique monétaire a eu un effet direct sur le marché obligataire, tandis que le marché boursier continue d’enregistrer des contreperformances depuis le début de l’année.  Pour revenir aux impacts sur le secteur des assurances, l’essentiel des placements des assureurs, rappelons-le, est constitué d’actifs de taux et d’actions.  La montée des taux et la chute du marché boursier ont malheureusement eu un impact significatif sur la richesse latente des assureurs.

Rien que sur l’année 2022, les plus-values latentes des assureurs ont fondu de 58%. En ajoutant les baisses enregistrées depuis le début de cette année, les pertes atteignent 79%. L’inflation a également eu un impact sur le passif des assureurs.  Pour la branche non-vie, le coût des sinistres augmente naturellement car les garanties sont exprimées au prix réel. Si l’assureur n’anticipe pas correctement l’inflation, cela pourrait conduire à un sous-provisionnement, notamment pour les branches à développement long. En ce qui concerne la branche vie, l’inflation est généralement supportée par l’assuré vu que les garanties prévues par les contrats restent les mêmes en termes nominaux, mais diminuent en termes réels. Néanmoins, les assureurs restent également exposés au risque de liquidité dans la mesure où une hausse des taux d'intérêt provoquée par l’inflation pourrait pousser certains assurés à racheter leur épargne à la recherche d’un meilleur rendement. En somme, les changements des taux et les fortes pressions inflationnistes sont des sources importantes de risques pour l’industrie des assurances et des vecteurs de préoccupation pour nous en tant que régulateur. C’est la raison pour laquelle nous suivons de près l’évolution de la situation pour pouvoir, si besoin est, agir rapidement.

 

F.N.H. : Quels sont les chantiers réglementaires en cours pour l'ACAPS et durant les prochains 24 mois ? 

O. K. E. A. : Vous n’êtes pas sans savoir que depuis la création de l’Autorité, nous œuvrons à mettre à niveau le cadre réglementaire qui régit l’activité d’assurance en vue d’arrimer notre dispositif de régulation et de supervision aux meilleurs standards internationaux. Je rappelle à ce titre que la convergence vers les normes internationales est érigée comme axe central de nos deux plans stratégiques 2018-2020 et 2021-2023. Ainsi, plusieurs chantiers réglementaires d’envergure ont été lancés et sont à un stade très avancé aussi bien dans leur conception que dans leur implémentation. Je fais allusion particulièrement au Référentiel de solvabilité basé sur les risques et au dispositif de Supervision basé sur les risques (RiskBased Supervision). Il s’agit là de deux chantiers importants et structurants qui vont transformer en profondeur notre approche de supervision et nos attentes vis-à-vis des opérateurs. Il convient également de mentionner un autre chantier important sur lequel nous avons engagé les opérateurs et qui concerne le passage vers les normes IFRS. Ce projet, qui s’étalera jusqu’en 2025, vise à instaurer les règles de transparence dans les communications financières. Sur un autre registre, nous travaillons avec le ministère des Finances sur la refonte de plusieurs aspects du code des assurances et, de ce fait, plusieurs chantiers sont dans le pipe.

A ce titre, nous comptons nous doter d’un cadre de supervision macro prudentielle pour soutenir notre participation, avec les autres régulateurs, à la stabilité financière. Nous entendons aussi disposer d’un cadre de supervision des groupes d’assurances pour pouvoir réguler et superviser les groupes notamment transfrontaliers. Par ailleurs, nous tenons à faire évoluer notre modèle de distribution pour améliorer la protection des assurés et servir l’inclusion financière. D’ailleurs, nous nous sommes engagés, dans le cadre de la Stratégie nationale d’inclusion financière, à introduire un cadre légal dédié à la micro-assurance afin de développer cette filière d’assurance. Il est à rappeler, à ce sujet, l’amendement de la circulaire générale prise pour l’application de certaines dispositions de la loi n°17-99 portant code des assurances qui a été publié le jeudi 21 juillet 2022. Cet amendement introduit, parmi d’autres nouveautés, la promotion de l’assurance inclusive ainsi que la modernisation du secteur des assurances à travers l’élargissement du périmètre de distribution des opérations d’assurances aux établissements de paiement (EDP), en leur permettant de présenter les opérations remplissant les conditions fixées par ladite circulaire. Enfin, j’aimerais souligner que nous continuerons à suivre les besoins exprimés par le secteur pour accélérer la digitalisation et l’amélioration de la pénétration de l’assurance.

 

F.N.H. : Enfin, concernant le projet SBR, pensez-vous qu'une adoption à partir de début 2024 est un délai raisonnable ? 

O. K. E. A. : Tout d’abord, il convient de rappeler la consistance du projet et le chemin parcouru. Il s’agit en effet d’un chantier phare et aux enjeux importants qui s’appuie sur trois piliers. Le premier pilier traite des règles relatives aux ressources financières, des règles prudentielles sur les provisions techniques et des exigences de fonds propres. L'objectif étant de s’assurer de la résilience des entreprises d’assurances et de réassurance face à l’ensemble des risques qu’elles peuvent encourir de par leur activité technique ou financière. Le pilier 2 prescrit les exigences relatives à la gouvernance et au dispositif de gestion des risques. Quant au pilier 3, il édicte les exigences en matière d’information destinée au régulateur ainsi que celle destinée au public.

Depuis le lancement de ce chantier en 2017, nous constatons la forte adhésion et la mobilisation soutenue du secteur. Aujourd’hui, à notre grande satisfaction, l’implémentation du pilier II, qui est très engageant en termes de ressources, est quasiment bouclée. S’agissant des piliers I et III de ce projet, les discussions avec la profession sont à un stade avancé. Nous sommes en phase de stabilisation du calibrage du modèle et nous tablons sur le deuxième semestre de cette année pour la mise dans le circuit d’approbation des textes réglementaires. Donc, tout porte à croire que nous serons prêts pour 2024. 

 

 

 

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