Les chocs récents sont très peu pris en charge par des réponses multilatérales concrètes et opératoires.
De par leur faible intégration, les pays africains sont les plus impactés par les derniers bouleversements dans le monde.
Par C. Jaidani
Les tensions géostratégiques de grande ampleur survenues dernièrement, comme la guerre en Ukraine et la crise économique mondiale, dont les soubresauts deviennent de plus en plus contraignants, risquent de générer un nouvel ordre mondial.
C’est dans ce contexte que se tient la 14ème édition du Forum MEDays, organisée à Tanger du 2 au 5 novembre 2022. «L’ordre international est en mutation. Le centre de gravité géopolitique mondiale est en mouvement du fait de l’affirmation de nouvelles puissances, de la diversification des partenariats internationaux et des aspirations au développement des pays émergents, et notamment ceux du continent africain», a affirmé Brahim Fassi Fihri, président de l’Institut Amadeus, organisateur des MEDays.
Placé sous le thème «De crises en crises : vers un nouvel ordre mondial ?», l’événement a vu la participation de George Weah, président de la république du Liberia, et José Maria Pereira Neves, président de la république du Cap-Vert. Le forum regroupe également de nombreux intervenants de renom. Le nombre de participants est estimé à près de 5.000 venant de 80 pays. Les crises récentes, trop peu prises en charge par des réponses multilatérales concrètes et opératoires, sont au centre des échanges enregistrés entre les différents intervenants des MEDays. Ils ont eu l’occasion de discuter de différentes thématiques clés portant sur les nouveaux challenges de l’Afrique : l’innovation à l’ère du numérique; comment simplifier l’architecture d’intégration politique et économique du continent; lever les risques stratégiques des économies en développement, ou le lancement des investissements à long terme et le financement de la relance.
«A l’heure où l’Afrique se prépare à concrétiser ses ambitions d’intégration régionale, la conjoncture actuelle oblige les Etats du continent à privilégier les protocoles sanitaires nationaux et les programmes de relance économique post-covid au détriment d’autres thématiques communes tout aussi cruciales», souligne Cheikh Tidiane Gadio, président de l’Institut panafricain des stratégies, ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal. Outre les nouveaux enjeux géostratégiques comme la guerre en Ukraine, l’Afrique demeure confrontée à ses propres enjeux sécuritaires.
Parallèlement, l’insécurité au sein du continent nourrit des questions majeures à l’instar de la détérioration des ressources naturelles, de la destruction ou de l’usure des infrastructures ainsi que de l’apparition de nouveaux flux migratoires. «Le continent, bien que riche en matières premières, n’arrive toujours pas à assurer une souveraineté alimentaire et énergétique pérenne. Ces multiples crises interpellent les notions de solidarité et de résilience, au moment même où nos sociétés et notre ordre mondial sont soumis à des remises en question radicales.
Dans ce contexte, l’examen de ce «nouvel ordre mondial» s’impose afin de tirer les leçons des ruptures en cours et de mieux affronter les transformations en latence», affirme Tidiane Gadio. Pour sa part, Dioncounda Tangara, ancien haut représentant du président du Mali, a dans son intervention affirmé que «les problèmes de l’intégration régionale de l’Afrique ne sont un secret pour personne. Le commerce intra africain est le plus faible du monde (environ 15% contre 54% pour la zone de libre-échange d’Amérique du Nord, 70% au sein de l’Union européenne et 60% en Asie).
La complexité du paysage physique rend difficiles les liens entre les communautés, les pays et même les régions. Les marchés régionaux sont également très peu intégrés en ce qui concerne les services d’infrastructures, notamment d’électricité, d’énergie, d’eau et d’assainissement. Ceci est exacerbé par la faiblesse des communautés économiques régionales (CER) qui souffrent d’une insuffisance de capacités et sont mal structurées pour réaliser, voire attirer les investissements régionaux nécessaires. Les Etats fragiles sont particulièrement concernés par cette situation, d’autant plus qu’ils sont les principaux bénéficiaires potentiels du renforcement de l’intégration».