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Vingt-sept artistes prennent d’assaut L’Atelier 21

Vingt-sept artistes prennent d’assaut L’Atelier 21

Jusqu’au 15 août, l’espace abrite «l’Art, pour l’espoir», une exposition collective, à haute valeur symbolique. Visite de curiosité.

Peindre, c’est toujours mettre ses pinceaux dans ce qui nous tenaille ou pique nos sensations, en somme, porter sur la toile le poids de la vie.

En ces temps troubles, un mal saupoudré d’angoisse et mêlé de mélancolie nous a saisi au collet. Aucun n’en est sorti indemne.

Après des mois de fermeture forcée, il s’agit pour la galerie de montrer que les artistes ont survécu et de vérifier qu’il y a encore des amateurs et des collectionneurs, à travers l’opération «L’Art, pour l’espoir».

Bien longtemps avant, Fiodor Dostoïevski (mais que nous lisons encore) écrivait «L’art sauvera le monde».

Il faut dire que toute l’exposition de L’Atelier 21 tient dans ces paroles, et elle est d’une richesse inouïe. Ce qu’elle révèle, entre autres, c’est l’universalité de la chose : «une œuvre d’art n’est pas seulement un objet esthétique vecteur d’une émotion rétinienne et affective, mais aussi un acte de foi qui aide à vivre», lit-on dans le catalogue.

Sacerdoce. Face à la peau de chagrin, les artistes ne sont pas restés cois. L’intention est noble. Chaque artiste était donc libre de saisir et d’exprimer sa vision des choses, ses sentiments ou même son mécontentement... En effectuant ce travail apparemment «intime de leur vie», ils ont construit des œuvres exemplaires. La maîtresse des lieux n’eut-elle déjà aucun mal à les convaincre.

Et de quoi traite-­t­-elle ? De l’espoir justement. De l’espérance, de la lumière, du désir, comme on voudra.

Les visiteurs qui ont afflué, le 14 juillet, sont agréablement surpris par tant de maîtrise esthétique, tant d’expressivité et tant d’humanité. Ces impressions laudatives, la maîtresse des lieux les reçoit avec une extrême humilité et une gêne manifeste. Le déluge de compliments la met mal à l’aise, elle sollicite des critiques, qui ne viennent pas…  

L’exposition rassemble vingt-sept artistes avec comme seul thème commun ayant présidé à leurs exhibitions conjointes. Et pourtant, tous sont habités par la même préoccupation : prouver que ce frêle esquif qu’est l’art, saura toujours braver les tempêtes rugissantes qui s’acharnent sur lui, et qu’il battra encore pavillon haut, malgré la voracité de la crise sanitaire indigeste.

Dans cet argumentaire, présenté sous forme d’un concert de couleurs et de lumières, les artistes jouent superbement leurs partitions. Situé à la lisière des courants (figuratif, abstrait, expressionnisme et autres), leur art suggère que «l’essentiel est invisible pour les yeux», pour reprendre l’aphorisme du renard du Petit Prince.

Ici, la perception immédiate, littérale, n’est pas de mise, tant les «sujets» figurés ou «brumeusement» ébauchés se donnent à voir comme des métaphores interprétables : la pièce en terre creusée de sillons de Fatiha Zemmouri, la lettre à Qotbi, les effluves vaporeux qui traversent les œuvres de Houssein Miloudi, les silhouettes tapies dans «La revanche de la nature» de Saâd Ben Cheffaj, les «paysages capturés», certes, voués à la décomposition de Saïd Afifi, l’univers poétique et fantastique de Mo Baala, le bestiaire coloré de Mohamed Abouelouakar. 

Au-delà du plaisir du déchiffrement auquel elles conviennent, les œuvres forcent l’admiration par leur esthétique. Le minimalisme de Bellamine fascine, le prisme de lumière qui enrobe l’œuvre de Mustapha Boujemaoui interpelle, la libre gestuelle de Najia Mehadji envoûte, la «débrouillardise» réfléchie de Hassan Hajjaj enchante et les lumineuses compostions de Safaa Erruas magnétisent.

A la généreuse manifestation, Mohamed Melehi, obsédé par la rigueur spatiale, propose des formes géométriques, centrées, décalées ou juxtaposées. Majida Khattari offre à voir ses cinquante-six baisers d’où sourdent un manque et des frustrations : «l’absence des êtres chers et l’impossibilité d’embrasser le proche, l’ami ou l’amant». Lamia Naji cultive le vide à travers des images purement poétiques. Bouchta El Hayani donne à voir son mystérieux homme debout, toujours dans une sorte de posture figée, comme sourd, qui ne voit pas, certes, il médite sur les périls, les haines et les chimères qui font basculer tout être. Mounat Charrat «dépeint une pirogue archaïque, flottant sur l’eau du fleuve, et sur laquelle siège une simple roche, image métaphorique de l’âme humaine qui ne compte plus les départs, les exils, vers d’autres horizons». Nabil El Makhloufi nous renvoie à un spectacle identifiable du réel à travers une peinture figurative pratiquée dans une veine symboliste. Enfin Abdelkébir Rabi’ présente «un dessin au fusain aux dimensions imposantes pour conjurer les affres d’un moment fatidique et affligeant» représentant «un paysage en altitude, pierreux et escarpé, qui respire le naturel et se gorge de quiétude».

M’Barek Bouhchichi, Mustapha Boujemaoui, Larbi Cherkaoui, Mohamed El Baz, Mohamed Fariji, Majida Khattari, Fouad Maazouz, Mohamed Qannibou, Zakaria Ramhani et Yamou sont tous des fins gourmets des Arts. Mais interpréter leurs chefs-d’œuvre absolus, extravagants de dynamisme et de dissonance, aussi justes que simples, relève d’une gageure insurmontable.

Au sortir de cet espace, où l’on découvre tant de levain, on ne peut qu’applaudir des deux mains la louable initiative prise par la maîtresse des lieux qui est de bonne volonté. Là tout était audace, raffinement et fantaisie. Un véritable régal des yeux et des sens, dont on ne pouvait se repaître.

(1) Sans titre, Mohamed Abouelouakar. Technique mixte sur papier, 77 x 123 cm, 2020.
(2) Outside my land #4, Saïd Afifi. Mine de plomb sur papier, 70 x 100 cm, 2020.
(3) COVID 19, Mohamed Melehi. Acrylique sur toile, 170 x 150 cm, 2020.

 

Par R.K.H

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