Du 27 octobre au 20 novembre, les cimaises d’Al Fahd Gallery seront hantées par une multitude de présences, dessinées par l’anthropologue, designer et expert en patrimoine du Maroc, Abdelhak Habzi.
Les visiteurs qui afflueront - certainement en nombre -, le soir du vernissage de l’exposition «un air de patrimoine nomadisme et savoir-faire ancestraux», seront agréablement surpris par tant de maîtrise esthétique et tant d’humanité. Car l’artiste, il met en exergue et rend un palpitant hommage au patrimoine du Sahara en péril et qui risque de tomber aux oubliettes.
C’est l’une des plus importantes recherches au Maroc que représente cette exposition à haute valeur symbolique. Sans doute, la plus cohérente. Grâce aux pérégrinations de Habzi, elle offre à voir, en effet, un panorama remarquable du savoir-faire des artisans.
Attiré par le travail de ces derniers, il en dessine la grandeur et la simplicité sans pour autant en altérer l’étrangeté. De là, «il interroge le patrimoine et l’artisanat où il émet une synthèse novatrice et plurielle sur la notion du nomadisme et la mobilité des objets», nous rapporte Soukaina, maîtresse de céans d’Al Fahd Gallery.
En effectuant ce travail apparemment pas simple et documentaire, il construit une recherche anthropologique inaccoutumée. D’autant qu’«il traite les transcriptions des savoir-faire ancestraux en y inscrivant sa méthodologie d’anthropologue et de designer par la pratique de dessin, et l’inscription des gestes et postures», explique la même source.
Plâtrier, maâlem cordonnier, menuisier, recycleur de pneus, mosaiqueurs (maâlmin de zellij), tanneur, forgeron (réparation et/ou entretien d’objets), artisan préparant les soufflets (rabouz), forgeron ambulant, armurier, tailleur, maâlem sellier, dinandiers (maalmines tbaili et serrouj), sculpteur, fabriquant des instruments de musique traditionnelle… Habzi les a scrutés avec une inlassable curiosité. Aussi il est allé à leur rencontre pour partager leur quotidien, percer leur intimité, s’immiscer dans leur vie - avec leur consentement - avant de les mettre sur papier «comme synthèses de ses investigations de terrain pour la cause de préservations du patrimoine immatériel marocain».
L’exubérance des personnages et des matériaux, la minutie du détail et la finesse du dessin… L’ensemble s’inscrit dans cette lignée d’œuvres dont le dépouillement du graphisme et le réalisme approximatif vont de pair avec l’aspect purement anthropologique. «Il dessine et raconte le patrimoine via le geste et le trait et instaure donc un dialogue fructueux avec les artisans marocains et crée la base d’un répertoire de notre patrimoine, inspirés des modèles issus de notre art traditionnel».
Pittoresque, les scènes reproduites sur papier expriment la fascination des jeux de l’ombre, Habzi travaillant les contrastes dans une dualité qui rend le spectacle à sa nature. Il nous offre des dessins avec davantage d’académisme et de rigueur dans le trait et la profondeur. La précision du détail est telle qu’il nous semble revivre le moment immortalisé. Habzi cherche davantage à restituer une atmosphère et mettre l’accent sur l’exactitude des détails.
Bien qu’il soit difficile de reprendre les artisans dans leurs menus gestes et de restituer la complexité de leur manœuvre et de leur dynamisme, Habzi, à coups de stylos, a constitué un portfolio qui reflète parfaitement leurs principales caractéristiques : la dimension historique, la diversité des outils, entre autres.
Par R.K.H