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Qu’attendent les acteurs de la culture du nouveau ministre ?

Qu’attendent les acteurs de la culture du nouveau ministre ?

Nous avons demandé à six acteurs du secteur culturel ce qu’ils attendent du nouveau ministre.

L’état de notre culture n’est pas enviable. A la décharge du nouveau ministre, on invoquera volontiers l’insignifiance du budget qui est alloué à son département.

«Devant cette insignifiance, le nouveau ministre ira, lui aussi, chercher des sponsors», ironise Merhari Mohamed, co-directeur de l'Association EAC-l'Boulevart et du Boultek, et co-fondateur du festival L'boulevard. Il n’aura, à tout bien considéré, d’autres ressources que de naviguer à vue. Ne soyons pas étonnés, dès lors, que de nombreux secteurs culturels aient pris l’eau de toutes parts.

La rareté des ressources affectées à la Culture ne date ni d’aujourd’hui, ni d’hier. C’est un mal chronique dont souffre le département de tutelle. L’ancien secrétaire d’État auprès du ministre de l’Industrie, chargé de l’Investissement, Othman El Ferdaous tient, depuis avril, la barre du bateau en déréliction.

Est-il en mesure de redresser la situation ? Finances News Hebdo lui en propose un avant-goût, en recueillant les doléances d’un panel d’acteurs du champ culturel. Un cahier de doléances révélateur…

Messaoud Bouhcine (Président du syndicat marocain des professionnels des arts dramatiques)

Nous attendons de Mr. le ministre, un programme d’urgence qui concerne la sauvegarde du domaine culturel de l'effondrement en raison des conséquences du confinement sur le secteur culturel, en particulier dans le domaine des arts vivants, à travers l'assistance sociale aux travailleurs culturels; l’établissement des programmes alternatifs pendant le confinement;le lancement d'un soutien public pour faciliter le retour de la vie culturelle à son état normal après le confinement.

Nous attendons également l'achèvement de la restructuration de la vie culturelle au niveau de la mise en œuvre des textes d’application de la loi sur l’artiste et les professions artistiques et de la réforme du bureau marocain du droit d'auteur.

Nous souhaitons également réfléchir à l'élaboration d'un plan national de développement culturel afin de surmonter les nombreux problèmes chroniques que le secteur connaît depuis des décennies.

Maria Daïf (Actrice culturelle indépendante)

Ma vision de la situation et de l’avenir de la culture et de l’action culturelle au Maroc est une vision personnelle et n’a donc aucune valeur. Seule la concertation générale ou la plus représentative possible du secteur peut donner lieu à un véritable état des lieux, un plan de sauvetage post Covid-19 et un repositionnement.

Un ministère de la Culture est avant tout un laboratoire d’idées, un catalyseur de dynamique. Un ministre de la Culture devrait avoir ou développer une qualité humaine inévitable : l’écoute. L’écoute permet la connaissance de l’existant, des expériences réussies et des échecs. Ecouter aide à tracer les chemins adaptés, à créer sans être déconnecté du terrain.

Dans la question : quel Maroc voulons-nous demain ? se cache intrinsèquement une autre : quelle culture voulons-nous demain ? Le nouveau ministre de la Culture a cette particularité d’avoir été nommé en temps de crise, de rupture possible, de réflexion autour d’un nouveau modèle de développement. Ce modèle ne peut être viable que s’il prend en considération la question culturelle. Elle est au cœur du développement humain durable.

Il est évident que la grande inconnue qui nous attend à l’issue de la crise sanitaire, rend difficile toute projection. Cela n’empêche pas les prémices d’une vision, d’une volonté, d’un positionnement.

Je fais partie de ceux et celles qui considèrent la culture comme un outil de développement, un ciment social, un facilitateur du vivre-ensemble et du débat constructif, un lieu pacifique de libération de la jeunesse et de son potentiel créatif. C’était valable hier - nous sommes nombreux et nombreuses qui n’avons eu de cesse de le répéter - ça le sera encore plus demain.

Si je me permets de donner un conseil au nouveau ministre de la Culture, je lui dirai de faire preuve d’écoute, d’inventivité et d’innovation.
Cette période trouble lui laisse une chance inouïe : celle de pouvoir tout inventer. S’il est prêt, nous sommes nombreux et nombreuses à l’être aussi.

Hicham Daoudi (Fondateur et gérant de la Compagnie marocaine des œuvres et objets d'art (CMOOA) et maître de céans de la galerie Comptoir des mines)

On attend de lui qu’il puisse communiquer avec les acteurs culturels pour anticiper le déconfinement. Connaître les conditions et les démarches pour que l’on ne soit pas dépourvu.

J’attends de lui qu’il puisse être une force de relance pour les 9 prochains mois de l’année où il devra rassurer, et proposer des projets nouveaux. J’attends de lui qu’il sache résister en Conseil de gouvernement aux autres ministres qui traitent la culture et la vie sociale des Marocains avec mépris. J’attends de ce ministre qu’il soit fédérateur et ouvert à la culture post Covid-19, car l’ère digitale vient sonner le glas des précédentes époques et qu’il pourra accompagner les entreprises culturelles vers leurs digitalisations.

J’attends aussi qu’il prête beaucoup d’attention aux étudiants en beaux-arts et autres instituts de formation pour rassurer les étudiants, les encourager et les aider à garder le cap de leur scolarité. J’attends beaucoup de lui et je crois beaucoup en lui.

Nadia Essalmi (Editrice, écrivaine et initiatrice de «littérature itinérante»)

La conjoncture actuelle est difficile à vivre pour tous les secteurs, particulièrement celui de la culture. Les maisons d’édition auront beaucoup de mal à se relever de cette crise. Déjà en temps «normal », elles se battent au quotidien.
Qu’attendre du ministre la Culture ? Honnêtement, je serais inconsciente si j’exigeais quoi que ce soit pour le moment. Il s’est attelé à verser les subventions accordées depuis 2016 et qui n’ont pas été versées aux intéressés, cela nous réconforte.
 Malheureusement, son mandat est très court et par conséquent le temps ne joue pas en sa faveur. Nous gardons l’espoir de voir des jours meilleurs.

Ahmed Bouchikhi (Enseignant-chercheur et écrivain)

Ce que j’attends du nouveau ministre de la Culture en tant qu’écrivain :

1-Qu’il n’annule pas d’un paraphe les décisions de ses prédécesseurs comme font souvent les nouveaux ministres pour imposer leurs marques.

2-Qu’il apporte une vision claire, basée sur des projets bien définis, avec des consignes strictes de mise en œuvre et de suivi.

3-Qu’il encourage la lecture via l’organisation de manifestations à l’échelle nationale en y intégrant les établissements scolaires et universitaires.

4-Qu’il encourage la création littéraire via l’organisation de concours d’écriture (romans et nouvelles, en particulier), initiative entreprise en 1998 et abandonnée depuis.

5-Qu’il subventionne de manière substantielle (l’aide actuelle aux éditeurs est insuffisante) les nouvelles publications.

6-Que son ministère achète régulièrement des exemplaires des nouveaux titres pour enrichir les rayons des bibliothèques des maisons de la Culture dans toutes les villes du pays.

7-Qu’il revoie la manière dont est organisé le SIEL de Casablanca, devenu depuis quelques années un simple espace pour exposer une marchandise, largement dominé par les livres religieux et les livres de cuisine.

8-Qu’il rhabille le rôle des auteurs en les intégrant continument dans les activités du ministère au Maroc et à l’étranger.

9-Qu’il revoie la liste des auteurs (toujours les mêmes) qui sont invités aux salons organisés en Europe. Beaucoup de nouveaux auteurs de talent sont pratiquement ignorés.

10-Qu’il encourage la création d’espaces culturels, comme les terrains de proximité, dans les quartiers. La plupart des maisons de la Culture se trouvent dans les centres-villes et demeurent, par voie de conséquence, inaccessibles à beaucoup de jeunes gens assoiffés de savoir et de lecture.

Abdellah M. Hassak (Artiste sonore, compositeur et interprète)

Le secteur culturel et artistique au Maroc est borné au divertissement et à la consommation. Je trouve que le devoir primordial des responsables dans cette période précise, est d’abord de mettre fin à l’état d’improvisation en matière de culture et de constituer un modèle d’homogénéisation des valeurs et de la culture de conscience, un modèle qui encourage le pluralisme culturel marocain et la diversité des goûts et de l'art. Un modèle qui met le citoyen et la démocratisation des savoirs au cœur de développement.

 

Par R.K.H

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