Mucoviscidose, progéria, maladie de Fabry, myopathie de Duchenne, maladie de Charcot…, l’interminable liste de maladies rares s’allonge d’année en année. Ces maladies, souvent sévères, chroniques et évolutives, toucheraient environ 1,5 million de Marocains.
Par M. Ait Ouaanna
Anciennement appelées maladies orphelines, ces pathologies se manifestent dans la plupart des cas dès l’enfance. En revanche, certaines attendent entre 30 et 50 ans avant de se déclarer. Au Maroc, ces maladies gagnent du terrain à cause notamment de la fréquence assez élevée de mariages consanguins, qui augmentent le risque de les développer. «L’incidence des maladies rares est plus importante au Maroc que dans les pays développés.
Cette situation s’explique notamment par le mariage consanguin, qui augmente le risque de maladie rare chez l’enfant. A cela s’ajoute également l’absence du dépistage néonatal. Normalement, tous les enfants doivent être dépistés le troisième jour après la naissance en prélevant une goutte de sang sur le talon du nourrisson. Aujourd’hui, certains effectuent ce dépistage parce qu’ils sont conscients de son importance, mais aucune systématisation n’est faite», explique Dr. Khadija Moussayer, présidente de l'Alliance des maladies rares au Maroc (AMRM). Précisant que le dépistage néonatal ne détecte pas toutes les maladies rares, mais permet tout de même de minimiser les dégâts, Dr. Moussayer insiste sur le fait que certaines de ces pathologies doivent être prises en charge très rapidement.
«Parfois, le traitement ne coûte pas très cher et peut dans certains cas sauver l’enfant d’un handicap mental irréversible. En revanche, si le traitement et le diagnostic n’ont pas été effectués pendant les premiers mois de la naissance, cela peut conduire à des complications graves au niveau du cœur, des reins ou du cerveau», explique-t-elle. Malgré les efforts consentis au cours de ces dernières années, les personnes atteintes de maladies rares rencontrent de nombreuses difficultés en termes d’accès aux soins.
«Beaucoup de médicaments utilisés dans le traitement des maladies rares existent ailleurs, mais pas au Maroc. Il est à préciser qu’uniquement 5% de ces pathologies disposent d’un traitement médicamenteux efficace, et nous n’en avons qu’une dizaine. Bon nombre de médicaments pouvant sauver le patient de la mort n’existent pas au Maroc. Il s’agit par exemple de ceux utilisés contre l’angio-œdème héréditaire, une maladie rare qui se manifeste par des gonflements au niveau du visage, des extrémités ou des organes génitaux et qui provoque souvent des douleurs abdominales atroces. Pour cette maladie, nous n’avons pratiquement pas de médicaments», se désole la spécialiste en médecine interne et gériatrie. En sus de la non-disponibilité de plusieurs médicaments nécessaires pour faire face à ces maladies, les problèmes liés au remboursement compliquent de plus en plus l’accès aux soins.
«De nombreuses maladies rares n’ont pas le statut d’Affection de longue durée (ALD), garantissant prise en charge et remboursement systématiques des soins. En l’absence dudit statut, et même si un médicament est commercialisé au Maroc, le patient est confronté à des problèmes de remboursement, car il ne peut bénéficier que d'un remboursement dérogatoire, devant être renouvelé continuellement et avec le risque d'une suspension à tout moment», relève Dr. Khadija Moussayer. Et de poursuivre : «Les médicaments sont chers et sans possibilité de remboursement; l’introduction d’un médicament au Maroc ne sert pas à grandchose.
Certains médicaments utilisés pour le traitement des maladies rares ont une autorisation de mise sur le marché (AMM). Dans ce cas-là, le laboratoire ayant introduit le médicament a donc fait toute la procédure, qui dure 5 ans, en commençant par l’AMM. La Direction des médicaments va examiner le dossier de ce médicament avant de donner l’autorisation pour sa commercialisation au Maroc. Et la deuxième étape est menée par l’Agence nationale de l'assurance maladie (ANAM) qui fixe le taux ainsi que la base de remboursement. Là, il n’y a pas de problème, le patient est remboursé entièrement ou à hauteur de 80. Par contre, le problème réside au niveau des médicaments dont la procédure est toujours en cours : dans ce cas-là, le patient pourra bénéficier d’une autorisation temporaire d'utilisation (ATU), mais rien ne garantit qu’il sera par la suite remboursé».
In fine, la praticienne précise que pour améliorer la situation des personnes atteintes de maladies rares au Maroc, il est important que toutes ces pathologies aient le statut d’affection de longue durée, qui permet le remboursement automatique des soins, y compris les médicaments onéreux. De surcroît, la présidente de l’AMRM estime qu’il est indispensable d’introduire certains médicaments très efficaces pour les maladies rares et qui ne sont pas disponibles au Maroc. Enfin, Dr. Moussayer appelle à l’instauration du dépistage néonatal pour tous les nouveau-nés afin d’éviter un handicap mental irréversible qui peut être généré par des maladies rares.