Culture & Société

Tous les articles

M’ARTSY : La culture, ce n’est pas que de l’art

M’ARTSY : La culture, ce n’est pas que de l’art

Taha Younes Arrad nous parle de l’Association Théâtre Aquarium, revient sur ses activités et éclaire notre lanterne sur le projet M’ARTSY dont il est le chef.

Propos recueillis par R. K. H.

 

Finances News Hebdo : Théâtre aquarium. Dites-nous-en quelque chose...

Taha Younes Arrad : Théâtre Aquarium est une association à but non lucratif, créée en 1994, qui défend les principes d’égalité entre les sexes et la diffusion de la culture genre. Le vecteur pour atteindre ses objectifs est l’art en général, le théâtre en particulier et, à ce jour, elle a à son actif une vingtaine de pièces théâtrales. L’association mène des campagnes de communication et de sensibilisation et favorise ainsi l’éducation artistique des couches sociales les plus défavorisées. Théâtre Aquarium porte des projets et lance des actions avec la collaboration d’artistes marocains, et en coordination avec des associations féminines ainsi qu’un ensemble de partenaires nationaux et internationaux.

 

F.N.H. : Présentez-nous, en substance, les activités ou les événements qu’elle organise. 

T. Y. A. : L’Association Théâtre Aquarium intervient à travers un panel d’actions qui s’étend des ateliers de formation aux programmes d’accompagnement des tranches les plus défavorisées de la société marocaine. En effet, l’association met en place des ateliers artistiques de théâtre, chorale, danse, slam, rap et musique. Elle organise des tables-rondes et des conférences autour des thèmes d’actualité tels que l’approche genre, les inégalités sociales. L’association produit aussi des pièces théâtrales et des films sur les droits des femmes et l’égalité hommes-femmes. En 2021, elle a mis en place un espace artistique et culturel qu’elle a nommé «Caféthéâtre Aquarium» dont le but est d’accueillir et d’accompagner les jeunes et leurs projets dans différents domaines. Cet espace de tolérance et de créativité a hébergé des concerts de musique, des conférences ainsi que des journées de sensibilisation. Il s’affirme comme un lieu artistique et culturel incontournable au niveau de la ville de Rabat.

 

F.N.H. : Qu'entendez-vous par «M'ARTSY» ?

T. Y. A. : C’est un projet pilote porté par l’Association Théâtre Aquarium et soutenu par la Fondation Drosos. Il est nommé M’ARTSY et vise à accompagner 12 jeunes artistes urbains marocains âgés de 18 à 32 ans, avec une approche sensible à la parité de genre dans trois disciplines artistiques : le rap, le slam et le théâtre d’improvisation. Ce projet compte d’abord renforcer leurs compétences théoriques et pratiques dans leur discipline. Ensuite, les accompagner au niveau de la production artistique en leur fournissant les moyens humains et techniques pour la réalisation de leurs projets. Enfin, promouvoir leur travail en les connectant au marché et aux professionnels des métiers du spectacle et de la performance à travers une série d’événements, d’expositions et un événement de clôture, c’est-à-dire la mise en place d’un mini festival M’ARTSY à Rabat. Par ailleurs, il existe peu de productions scientifiques sur le Street art et l’art urbain au Maroc, dans un contexte où les champs académiques et artistiques demeurent fortement divisés, polarisés et divorcés l’un de l’autre. Par conséquent, l'objectif du projet M'ARTSY sera de contribuer à «combler le fossé» entre la pratique académique et artistique au Maroc, en forgeant diverses collaborations entre les universitaires (doctorants et professeurs), les artistes et les acteurs culturels afin de promouvoir des publications académiques scientifiques dans le domaine de l’art urbain et du Street art.

 

F.N.H. : Battle. Vous dites que c’est une manifestation qui réunit trois disciplines (Slam, Théâtre d'impro, RAP) et qui varie entre l'animation et la performance scénique. Expliquez-nous.  

T. Y. A. : Durant les cinq mois de formation, les bénéficiaires ont été encadrés dans tous les aspects professionnels de leur discipline, entre autres l’animation et la performance scénique. Le succès des ateliers de formation est mesuré par des compétitions et événements de rencontre entre les bénéficiaires, durant lesquels deux artistes affronteront deux autres au sein de chaque catégorie dans l’espace café-théâtre. En effet, ces Battles sont également l’occasion de sélectionner les finalistes dans chaque catégorie qui bénéficieront d’une production artistique plus avancée. L’objectif de la compétition est de motiver les artistes et les pousser à donner le meilleur d’eux-mêmes afin de bénéficier de l’ensemble du package production, et pas seulement d’une partie de celui-ci. L’animation a doublement été en jeu, puisque l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle, partenaire de l’association et du projet M’ARTSY, a engagé ses animatrices professionnelles dans le déroulement de ce Battle final.

 

F.N.H. : Dans la gamme des disciplines, vous avez privilégié le slam, le théâtre évidemment et le rap. A quoi est lié ce choix ?

T. Y. A. : Alors que le Street art (les arts de la rue) demeure lui-même un champ artistique marginalisé au Maroc, la créativité des jeunes artistes urbains et street artistes marocains demeure très faiblement génératrice de revenus et d'opportunités économiques de par le manque d’accompagnement au niveau de la production et de la promotion artistique ainsi que de l’accès au marché de l’art. Nous avons aussi remarqué que les disciplines les plus prisées par les jeunes étaient le slam, le théâtre et le rap. Ceci nous a orientés à privilégier ces trois disciplines dans le cadre du projet M’ARTSY. De plus, c’est un projet pilote qui va nous permettre de mesurer exactement les tendances artistiques urbaines actuelles et d’orienter les projets à venir dans la vision d’un développement global du Street art au Maroc.

 

F.N.H. : Parlez- nous de la formation sur le théâtre que l’association a mise en place.

T. Y. A. : C’est une formation alliant l’ap proche académique, l’expérience professionnelle ainsi que l’expertise technique. Un appel à candidature pour la discipline théâtre a été initialement lancé par le projet M’ARTSY et a connu un grand intérêt de la part des jeunes amateurs de théâtre de la région de Rabat. Les candidatures reçues ont été évaluées par un jury pluridisciplinaire composé de Naima Zitane, Adil Abatorab et Said Amel. Les 3 jeunes femmes et 3 jeunes hommes sélectionnés ont été accompagnés sur une durée de 5 mois à travers des ateliers d’improvisation théâtrale, d’écriture, de mise en scène et de performances individuelles et collectives. Durant cette période, les bénéficiaires ont aussi participé à des événements culturels et des compétitions nationales et internationales dans lesquels ils ont pu mettre à profit les acquis de la formation dispensée dans le cadre du projet M’ARTSY. L’excellente prestation que les 6 jeunes ont présentée durant le Battle finale nous a conduit à créer officiellement la troupe théâtrale «M’ARTSY». Dans la phase de la production artistique, et grâce à notre convention avec la délégation régionale de la Culture, la jeune troupe compte organiser une tournée nationale dans les mois à venir.

 

F.N.H. : Vos bénéficiaires avaient-ils accès à un art dont ils ne possédaient pas les clés ? 

T. Y. A. : Ce serait prétentieux de notre part d’affirmer cela. D’autant plus que le projet M’ARTSY vise la professionnalisation et non la formation initiale. Tous les jeunes bénéficiaires avaient une expérience préalable dans le domaine du théâtre. Bien évidemment, les bases ont été brièvement reprises lors des activités de formation pour instaurer une communication effective. Ceci dit, ils ont exploré d’autres pistes qui étaient, jusquelà, nouvelles pour eux.

 

F.N.H. : Pensez-vous que la culture peut être un vecteur de développement ? 

T. Y. A. : La réponse est oui, sans aucun doute. Actuellement, les industries créatives et culturelles (ICC) jouent un rôle crucial dans la création d’emploi chez les jeunes ainsi que dans leur épanouissement personnel. Un simple exemple : l’espace café-théâtre Aquarium permettra que l’activité des artistes formés et produits soit génératrice de revenus en organisant des événements artistiques. Cela assurera la rentabilité et la pérennité financière aux jeunes artistes. L’expérience réussie des industries créatives et culturelles, de par le monde, atteste clairement que le développement des ICC au Maroc peut être positivement prometteur en vision d’un développement socio-économique durable.

 

F.N.H. : En quoi faisant ? 

T. Y. A. : En investissant dans le secteur des industries créatives et culturelles au Maroc. Seul un investissement viable et durable pourra enclencher un développement réel de la société. En garantissant l’accès à la culture à toutes les tranches de la société et en faisant des activités culturelles et artistiques un moteur économique, un nombre important de jeunes pourra s’intégrer dans la vie socioprofessionnelle active. Le fait que la culture soit toujours dissociée de la sécurité financière est un point qu’il serait judicieux de prendre en considération dans la mise en place des actions culturelles à tous les niveaux.

Articles qui pourraient vous intéresser

Lundi 18 Novembre 2024

Sortie littéraire : «Dans le futur, l'histoire retiendra Gaza comme un nouvel Auschwitz»

Lundi 16 Septembre 2024

«Jrada Mal7a», de Driss Roukhe: un film sur les manipulations mentales

Samedi 14 Septembre 2024

Cinéma/Triple A : «Le film aborde des réalités que beaucoup de Marocains connaissent, mais dont on parle peu»

L’Actu en continu

Hors-séries & Spéciaux