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Le Minbar de la Koutoubia : une œuvre d’art total

Le Minbar de la Koutoubia : une œuvre d’art total

Vingt-deux ans après avoir fait l’objet, sept ans durant, d’une importante campagne de restauration pour reconquérir son lustre perdu, le plus vieux Minbar en bois de la Koutoubia, rajeuni et revigoré, est prêt à (ré)accueilir ses visiteurs en sa splendide demeure du Palais Badi de Marrakech.

 

Par R. K. Houdaïfa

 

Parmi les œuvres d’art qui chantent l’amour et le savoir musulmans, il y a, entre toutes, le minbar de la Koutoubia. Tout est fascinant : les dimensions, d’abord, «colossales» (3,86m de hauteur, 0,8m de largeur et 3,46 m de profondeur); la rare finesse, ensuite, de sa décoration accomplie en matériaux précieux et délicats (ivoire, ébène, bois de santal, fil d’argent…). Les motifs géométriques, les décors floraux, les frises épigraphiques, tout contribue à faire du minbar une œuvre d’art total, l’incarnation, chair et formes, de ce savoir-faire arabo-andalou inégalable. De même qu’il exprime superbement le goût des Almoravides pour le monumental et le grandiose.

 

Une inscription dévoilée en 1995 par des experts a permis de dater avec exactitude le début des travaux du minbar et, ainsi, d’en contempler l’historique. La fabuleuse mosquée Ben Youssef venait d’éclore. Il convenait de la sertir d’un minbar à la mesure du joyau. Seuls les artisans de Cordoue étaient à même de mener à bien cette tâche. Ils s’y attelèrent, en décembre 1137, avec bonheur et sagacité, puisqu’ils conçurent l’œuvre en une centaine de pièces démontables permettant ainsi son transport sans douleur à Marrakech. Ingénieux !

 

Les Almohades prirent le pouvoir, érigèrent la splendide Koutoubia et ornèrent cette splendeur d’un diamant noir : le minbar. Comme tous les joyeux, celui-ci était tendre. Il importait de le ménager. Alors, on lui greffa un mécanisme subtil permettant son actionnement sur roulettes. Grâce à ce subterfuge, il regagnait une niche voisine dans laquelle il demeurait les jours ordinaires pour n’en sortir que les vendredis.

 

Le temps fit son œuvre et son irréparable ouvrage. La beauté du minbar se fana, sa splendeur pâlit, son lustre se dédora. Dans l’indifférence. Le salut advint fortuitement. En mars 1991, des spécialistes du Metropolitan Museum of Art de New York, venus choisir des pièces d’art pour une exposition ultérieure, furent époustouflés par la perfection du minbar, et ébahis devant l’état de décrépitude dans lequel il était tombé. Une qui en fut incroyablement émue, c’est Patti Brich. Galeriste au long cours, esthète gourmande, collectionneuse insatiable, Patti eut un jour le coup de foudre pour le Maroc et s’y amarra par le cœur et les sens. Militer pour la sauvegarde d’une œuvre aussi sublime constituait une forme d’expression de son attachement. Dès lors, elle se démena comme un beau diable, persuada les pontes du Metropolitan de l’urgence de l’opération qu’elle parraine de bout en bout.

 

Le miracle s’accomplit. Dans une salle jalousement protégée du Palais Badi, le vétuste et magnifique minbar se prêta pendant de longs mois aux soins attentifs, attentionnés et tendres que lui portèrent les artisans Abdelhafid et Abderrahman, les restaurateurs du Metropolitan Museum of Art de New York et les experts du ministère des Affaires culturelles. Il reprit des couleurs, recouvra son éclat et retrouva sa jouvence. Une initiative hardie et heureuse émanant d’un être de bonne volonté.

 

Grandiose, fascinant, délicat

 

Vingt-deux ans après sa restauration en 1998 et la cérémonie d’inauguration de l’exposition permanente présidée le 29 avril 1998 par le Prince Héritier Sidi Mohammed, le plus vieux Minbar en bois en bon état de conservation du monde musulman est de nouveau à l’honneur. Dans le cadre du Mois du Patrimoine qui a lieu du 18 avril au 18 mai 2022 sous le thème «Le Minbar de la mosquée Koutoubia : Mémoire et souvenir», la Conservation du Palais Badi et l’association ATEED (1) organisent le jeudi 5 mai 2022, au Palais Badi, une série de conférences, une projection du film et une exposition sur la restauration du Minbar. Un événement qui permettra au grand public et aux spécialistes de redécouvrir l’histoire de ce chef-d’œuvre de l’art arabo-andalou et celle de sa restauration.

 

(1) ATEED pour l’art, la culture et le patrimoine, est une association à but non lucratif ayant pour objectif de renforcer l’offre artistique et culturelle au sein des établissements scolaires publics, et ce en s’appuyant sur la volonté de l’association d’utiliser le patrimoine culturel et artistique comme moyen d’accroître le développement humain et éducatif dans la ville de Marrakech et région. L’association soutient et accompagne la professionnalisation des artistes marocains émergents, elle permet de rendre visibles les talents des artistes de demain en leur donnant la possibilité d’exposer leurs travaux, et en les accompagnant dans la production et la réalisation de leurs projets.

 

Programme 
Conférences : «Le Minbar de la mosquée Koutoubia : Mémoire et souvenir»
- Intervention de Faten Safieddine, historienne de l'art et réalisatrice du documentaire «La restauration du Minbar de la Koutoubia», sur l’historique des évènements qui ont abouti à la restauration.
- Projection de la cérémonie inaugurale du Minbar au Palais Badi en avril 1998 par le Prince Héritier Sidi Mohammed.
- Intervention de Hasna El Haddaoui et de Said Idahmane sur la signification historique artistique du Minbar de la Koutoubia.
- Intervention de Mohamed Besbas sur Ali ben Youssef, rénovateur de l’histoire de la dynastie Almoravide.
- Témoignage d’artisans qui ont participé à la restauration du Minbar.
- Inauguration de l’exposition de photographies «De la conservation à l’exposition», portant sur la restauration du Minbar.
- Projection du film «La restauration du Minbar de la Koutoubia» réalisé par Faten Safieddine en 1998.
Carte Blanche
- Spectacle de danse contemporaine sous la direction de Taoufiq Izediou, présenté par Said Aït Al Moumen, Hassan Oumzili, Marouane Mezouar, Abdelmounaim Elallami .
«Le Melhoun, un patrimoine musical à perpétuer»
- Soirée animée par l’association de cheikh Jilali Mtired.

 

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