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Confidences: «Tout ce qui nous entoure est constitué d’un jeu de formes, de matières, de couleurs…»

Confidences: «Tout ce qui nous entoure est constitué d’un jeu de formes, de matières, de couleurs…»

Khadija El Hattab investit la galerie Living 4 Art à Casablanca, avec une nouvelle exposition : «Les murmures de ton silence». Rencontre avec l’artiste peintre qui en appelle à tous les sens.

 

Propos recueillis par R. K. H.

Finances News Hebdo : Expliqueznous votre parcours. Comment vous est venue l’envie de peindre ? Comment avez-vous commencé ? Quel a été votre déclic ?

Khadija El Hattab : L’art, dans son sens le plus étendu, a toujours fait partie de ma vie en tant qu’amatrice et passionnée de tout ce qui est beau, et ce depuis mon plus jeune âge. Je prenais beaucoup de plaisir à écouter de la musique, regarder des films, dessiner, faire du théâtre, lire, écrire… Je considérais cette passion comme une attitude normale, comme faire du sport pour certains, chanter pour d’autres... Mais à aucun moment comme un projet de carrière artistique ou une orientation que je dévoilerai un jour au public. Ce n’est qu’en 2018 que j’ai eu le déclic. Si l’on m’avait posé la question avant cette date sur ce virage, j’aurais répondu sans hésitation jamais. En 2018, suite à une fracture de la malléole externe de mon pied ayant engendré une limitation de mes capacités à me déplacer, ça m’a donné à réfléchir, à réorganiser mes priorités et à pousser ma volonté de m’engager dans une activité à impact social et sociétal.

En partant de là et sans réfléchir, je me suis dit pourquoi ne pas utiliser la peinture comme moyen pour véhiculer ma vision des choses et contribuer (même) dans une dimension infime à l’évolution de ce Maroc tant adoré. Je pense sincèrement que mon cas n’est pas un cas isolé. Dans chacun de nous, il y a une partie de l’artiste et qui peut se révéler à n’importe quel moment, à n’importe quel âge. Parfois, il suffit d’un déclic pour que la passion se traduise en un véritable projet. Chacun de nous dispose d’une flamme artistique en soi, dans sa façon de choisir les couleurs, de s’habiller, d’harmoniser les tons, de ranger, de trier… une partie de l’artiste est innée. C’est ainsi que mon aventure a commencé sous l’encouragement de ma famille, de mes amis, de mes collègues et surtout de mon management qui a beaucoup boosté ma volonté à continuer dans cette voie. J’ai démarré par des expositions dans des cercles restreints, ensuite les cercles se sont élargis petit à petit. J’ai aussi côtoyé les amateurs de l’art, les galeristes et les spécialistes de l’art qui ont trouvé que mon travail dégageait quelque chose d’intéressant, ce qui m’a beaucoup encouragé à avancer et à établir ma feuille de route.

 

F.N.H. : Qu’est-ce qui vous attire dans la peinture ? Pourquoi créezvous ? 

K. E. H. : Je suis convaincue que tout ce qui nous entoure est constitué d’un jeu de formes, de matières, de couleurs qui constitue un ensemble harmonieux, avec des interactions et des échanges en parfait équilibre. La force de la peinture, c’est sa capacité à traduire tout ça : les émotions, les visions, la connexion avec soi-même, avec l’environnement, avec ceux qui nous entourent. C’est là où j’aimerai orienter mon art. Je suis quelqu’un qui est porté par les actions à portée humaine, sociale et sociétale, développement durable, et j’ai une liaison étroite avec mon environnement. J’ai aussi la conviction que l’on ne peut réussir qu’en avançant ensemble et qu’en mettant la main dans la main. C’est pourquoi toutes mes toiles ont un fil conducteur commun, qui est l’être humain. La peinture est un bon transmetteur de toutes ces valeurs et un moyen de réinventer les relations humaines et de ce j’ose appeler l’interhumain.

 

F.N.H. : Comment décririez-vous votre art ? 

K. E. H. : Tout simplement une transposition d’émotions positives vers le regardeur ou le public. «L’art nourrit l’homme, L’homme grandit, L’homme construit.»

 

F.N.H. : Quelles sont vos influences, vos inspirations ? 

K. E. H. : Je suis inspirée par tous les mouvements artistiques, qu’ils soient classiques, modernes ou contemporains. Je pense que chaque approche exprime un sujet ou une thématique à travers un fil conducteur qui est la beauté visuelle. Je reste aussi très attirée par les grands artistes contemporains marocains qui ont laissé et laissent encore leurs marques à l’échelle nationale et internationale. Et je passe beaucoup de temps à admirer leurs travaux et à analyser comment ils ont réussi tout au long de ce 20ème siècle à faire cohabiter l’art traditionnel et l’art moderne et, surtout, à créer de nouvelles approches basées sur ce qu’on appelle «l’individualisme artistique». Je dis aussi que ma première inspiration reste l’école de la vie qui drive mon travail. Je suis un être humain comme tout le monde, j’ai vécu ce qui est bon/beau et ce qui ne l’est pas. J’ai appris de mes erreurs et j’ai muri avec le temps. J’ai chuté, je me suis relevée…. et je trouve que toutes ces expériences individuelles ou collectives ne peuvent qu’impacter mon travail et, partant, mes orientations.

 

F.N.H. : Quels sentiments ou émotions essayez-vous de transcrire dans vos œuvres ? 

K. E. H. : La compassion, l’ouverture, l’acceptation, l’amour, l’empathie, la compréhension, l’espoir... tout ce qui impacte notre manière de voir les choses, notre attitude avec nous-mêmes et avec tout ce qui nous entoure. L’homme et ses qualités morales et humaines restent la thématique de toutes mes toiles.

 

F.N.H. : Le corps humain, en particulier celui de la femme, traverse parfois vos œuvres. Pourquoi ? 

K. E. H. : Effectivement, j’utilise les portraits de femmes pour véhiculer des messages ou créer des émotions. Mais la femme signifie aussi pour moi l’amour, la vie, la terre, la nature et l’intensité des liens.

 

F.N.H. : Quel est votre processus de création ? 

K. E. H. : C’est un process spontané dans la mesure où il est enclenché devant la toile. Concrètement, je commence par choisir la première couleur à utiliser, qui dépend du «Moud» de la journée, je trace le premier mouvement et, à partir de là, je commence la construction du projet en ayant dans ma tête l’émotion cible à reproduire. J’ai essayé à maintes reprises de mener d’abord la réflexion sur une thématique et ensuite la transposer à travers les couleurs, mais je n’ai jamais réussi à le faire. Face à la toile, je me trouve dépourvue et c’est l’instinct qui devient le maître.

 

F.N.H. : Quelles techniques utilisezvous ? 

K. E. H. : Pour le moment, j’ai une préférence pour la technique «Acrylique sur toile» avec laquelle j’ai démarré mon aventure, mais je reste ouverte aux autres techniques, notamment la peinture à l’huile que je pourrai utiliser soit en solo, soit en tant que mix.

 

F.N.H. : Quelles couleurs dominent vos créations ? Et pourquoi ? 

K. E. H. : Toutes les couleurs du cercle chromatique ou leurs dégradés ou dérivés m’interpellent. Chacune signifie une position, un sentiment, insuffle un état d’esprit et crée chez le regardeur le lien avec l’objet artistique. Généralement, j’utilise les couleurs qui font ressortir les attitudes positives, la force, la terre, la pureté, l’amour, …. comme le jaune, l’orange, le noir, le blanc, le rouge… Sachant que l’interprétation ou la signification des couleurs peut différer d’une personne à l’autre et reste liée aux croyances ou aux origines culturelles des uns et des autres.

 

F.N.H. : Comment voyez-vous et pensez-vous l’équilibre entre abstraction et figuration dans vos œuvres ? 

K. E. H. : Personnellement, je pense que mes travaux se caractérisent par une diversité des approches, avec une prédominance de l’abstrait qui reste la principale école dans laquelle je me vois beaucoup, dans la mesure où je cherche à véhiculer des messages à travers le brassage des couleurs et des formes. Je me vois aussi dans le courant figuratif, mais je laisse le soin aux spécialistes de l’art en faire leur propre lecture.

 

F.N.H. : Parlez-nous de votre dernière expo : «Les murmures de ton silence»… 

K. E. H. : «Les murmures de ton silence»… C’est une nouvelle exposition individuelle composée de plus de 40 toiles, organisée en partenariat avec la Galerie Living 4 Art à Casablanca, du 6 mai au 3 juin 2023. A travers cet événement, je cherche à mettre en relief l’importance de la connexion et de la communication avec soi-même et avec l’autre. Le succès et le bonheur de chaque personne sont fortement liés à sa capacité à construire les relations avec les autres et à les entretenir. Cette relation entre les personnes permet de construire le lien social qui drive l’épanouissement et le bien-être de soi. Pour réussir cette relation, l’écoute active, l’empathie, la capacité à être présent dans l’environnement de ceux qui nous entourent, la compréhension, l’intelligence émotionnelle… sont les aptitudes qui nous permettent de réguler nos actions et nos réactions face à l’autre. Dans les toiles, les couleurs s’embrassent malgré leur diversité, leur intensité ou subtilité. Elles forment un ensemble harmonieux et créent un environnement parfait. Les lignes se coupent et se rejoignent dans un mouvement circulaire vers l’autre. L’exposition «Les murmures de ton silence» invite chacun de nous à tisser les liens avec notre humanité et avec notre interhumain. 

 

 

 

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