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Diabète : «L’approvisionnement en médicaments coûte à l’Etat plus de 140 MDH annuellement»

Diabète : «L’approvisionnement en médicaments coûte à l’Etat plus de 140 MDH annuellement»

Le diabète est une maladie chronique grave, qui tue plus de 1,9 million de personnes par an dans le monde. L’OMS prévoit un nombre grandissant de malades à l’horizon 2045, estimé à 784 millions.

Au Maroc, près de 3 millions de personnes souffrent de cette maladie. La Journée mondiale du diabète vient mettre en exergue cette pathologie qui fait de plus en plus de victimes.

Entretien avec Abdelmajid Belaiche, analyste des marchés pharmaceutiques, chercheur en économie de santé et vice-président de la Société marocaine de pharmacovigilance.

 

Propos recueillis par Ibtissam. Z.

 

Finances News Hebdo : L’OMS célèbre la Journée mondiale du diabète qui fait annuellement plus d’1,9 million de décès. Quel constat faites-vous ?

Abdelmajid Belaïche : La Journée mondiale du diabète, organisée par la Fédération internationale du diabète (FID) et soutenue par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui est célébrée le 14 novembre, est la plus importante campagne mondiale de sensibilisation au diabète. Elle a été lancée en 1991 en réponse à l’escalade de l’incidence du diabète dans le monde. En cette journée, nous ne pouvons que faire le constat d’une augmentation inquiétante de la prévalence du diabète. Cette maladie est responsable d’un certain nombre de complications cardiovasculaires, dont résulte un nombre important de décès. Cette année, le thème choisi pour cette journée est «Accès aux soins pour traiter le diabète», avec le slogan «Si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera quand ?». Dans le monde, ce sont 190 associations membres de la Fédération internationale du diabète, situées dans 150 pays, sans compter d'autres associations, des prestataires de soins de santé, et des personnes ayant un intérêt pour le diabète. Les journalistes de la presse spécialisée et ceux de la presse généraliste ont un très grand rôle à jouer dans la sensibilisation des populations sur les dangers du diabète et sur la meilleure manière de prévenir cette maladie ou de la gérer quand elle est déjà là.

 

F.N.H. : La maladie du diabète est en nette augmentation : une personne sur 11 souffre de cette pathologie dans le monde. Comment expliquer cette hausse alarmante et qu’en est-il du Maroc ?

A. B. : Le diabète est effectivement en nette progression. En 2010, les spécialistes de l’épidémiologie avaient prédit qu’il y aurait 300 millions de diabétiques dans le monde en 2020. Or, aujourd’hui, nous sommes déjà à 537 millions de personnes atteintes, soit 79% de plus que ce qui était prévu. Cela représente 1 adulte sur 11, âgé de 20 à 79 ans. Ce chiffre ne cesse d’augmenter. D’après les prévisions, il y aurait 643 millions en 2030 et 784 millions en 2045. La situation épidémiologique du diabète dans le monde est donc inquiétante et peut être qualifiée de véritable tsunami. De même, 541 millions d’adultes intolérants au glucose ont été enregistrés dans le monde. Ceci les expose à un risque élevé de diabète de type 2, également appelé «diabète non insulinodépendant ou plus communément «diabète gras». Le monde a enregistré en 2021 près de 6,7 millions de décès par diabète. Et 966 milliards de dollars (844 milliards d’euros) ont été consacrés aux dépenses pour le traitement du diabète dans le monde, avec une hausse de 316% au cours des 15 dernières années. Notre pays n’échappe pas à l’explosion des cas de diabète que connait le monde, et cela est encore plus vrai pour le diabète de type 2. Notre alimentation de plus en plus riche en sucres et en lipides, ajoutée à notre style de vie dominé par la sédentarité et le manque d’exercices physiques, favorise le diabète. L’augmentation des cas de surpoids et d’obésité est aussi un facteur favorisant. En 2017, le nombre de diabétiques était de 2,7 millions, dont 49% méconnaissaient leur maladie, et 2,2 millions de personnes étaient prédiabétiques. A ce chiffre s’ajoutent 20.000 enfants atteints de diabète. Dans le Royaume, chaque année 35.000 à 45.000 nouveaux cas de diabète sont enregistrés et près de 24.000 personnes meurent du diabète. Ce sont les femmes qui payent le plus lourd tribut, avec 5.070 décès chez les personnes âgées de 30 à 69 ans (contre 4.490 chez les hommes). Chez les personnes âgées de plus de 70 ans, la mortalité des femmes est encore plus forte : 9.280 décès contre 5.180 chez les hommes.

 

F.N.H. : Qu’en est-il de la prise en charge de cette pathologie au Maroc ?

A. B. : Le thème de cette journée du diabète est «Accès aux soins pour traiter le diabète». Faisons le point sur l’importance de la prise en charge du diabète dans notre pays et l’accès aux traitements. A ce titre, il est important de souligner les efforts du ministère de la Santé et des communes qui achètent de grandes quantités de médicaments antidiabétiques pour les mettre à la disposition des patients démunis. Il faudrait aussi souligner l’apport des médicaments génériques, en termes d’accessibilité aux traitements et en termes d’économies réalisées au profit des patients. En 2020, ces médicaments ont permis aux patients marocains d’économiser 56,8 millions de dirhams uniquement sur l’année 2015 et 227 millions sur la période 2015-2020. Concernant le remboursement des médicaments antidiabétiques, le Rapport annuel global 2018 de l’Agence nationale de l'assurance maladie (ANAM) nous apprend que 51,5% des dépenses de santé dans notre pays sont dédiées aux affections de longue durée (ALD). Le diabète, à lui seul, représente 10,4% de l’ensemble des dépenses des ALD. L’approvisionnement en médicaments coûte à l’Etat plus de 140 MDH annuellement (environ 14 millions d’euros), et 60% de ces dépenses concernent l’insuline. Le diabète vient en 4ème place dans les dépenses de l’AMO après l’insuffisance rénale (27,4%), les tumeurs malignes (23,4%) et l’hypertension artérielle (10,7%).

Les dépenses consacrées par les patients au Maroc à l’achat des médicaments antidiabétiques ont atteint, en 2020, 1,435 milliard de dirhams. 686,1 millions de dirhams sont consacrés à l’achat des antidiabétiques oraux (ADO) et 357,4 millions de dirhams aux insulines. En volume, ces dépenses correspondent à l’achat de 10,4 millions de boîtes d’antidiabétiques, dont 9 millions aux antidiabétiques oraux et 1,3 million de boîtes d’insuline. Le fait que les insulines ne représentent que 12,5% du volume des achats s’explique par le fait que le diabète de type 1, où elle est essentiellement utilisée, ne représente que 10% des cas de diabète. Le fait que ces mêmes insulines représentent 34% en valeur (contre 12,5% en volume) s’explique par leurs prix en moyenne, bien plus élevés que ceux des ADO. Le meilleur moyen pour éviter une atteinte du diabète de type 2 est d’avoir une vie saine, avec des exercices physiques réguliers et de s’abstenir des abus de sucres et de lipides qui favorisent l’excès de poids, voire l’obésité, sachant que cette obésité favorise à son tour le diabète. Dans le cas où la maladie est déjà installée, le patient doit bien gérer sa maladie pour rester en bonne santé. Il ne faut pas oublier qu’un diabétique bien équilibré peut vivre plus longtemps et avec une meilleure qualité de vie qu’un non diabétique qui a une mauvaise hygiène de vie. Le diabétique doit se faire surveiller régulièrement par son médecin traitant. Il doit surveiller sa glycémie (taux de sucre dans le sang), mais aussi ses lipides (cholestérol LDL, HDL et triglycérides). De temps en temps, il doit surveiller aussi sa fonction rénale et les autres organes cibles. Le diabétique doit suivre régulièrement son traitement et respecter les doses prescrites. L’objectif de cette prescription est de ramener les taux de sucre à des valeurs normales pour éviter des complications et protéger les organes vitaux (ou cibles).

 

F.N.H. : Dans quelle mesure le diabète constitue-t-il un facteur de risque dans l’infection par le Sars-Covid-19 ?

A. B. : Il est vrai que des facteurs tels que le diabète, l’hypertension artérielle ou l’obésité sont des facteurs de risque qui peuvent aggraver la Covid-19, mais il faut préciser que l’on parle de personnes dont le diabète ou l’hypertension ne sont pas équilibrées. Une personne diabétique dont la glycémie est parfaitement équilibrée ou la personne dont l’hypertension est bien contrôlée n’est pas plus exposée qu’une personne non diabétique ou non hypertendue.

 

F.N.H. : Quelle différence y a-t-il entre les diabètes de types 1 et 2, et le diabète gestationnel ?

A. B. : En dehors du diabète gestationnel qui peut apparaitre au cours d’une grossesse, et qui représente surtout un danger pour la grossesse, mais qui va disparaitre dans la majorité des cas, il existe en effet deux types de diabète : le diabète de type 1 et le diabète de type 2. Il s’agit d’affections de longue durée (ALD). Le diabète dit «de type 1», également appelé diabète insulino-dépendant, est dû à une absence de sécrétion d'insuline par le pancréas. D’ailleurs, dans ce diabète, des facteurs d’hérédité peuvent intervenir. Le type 1 touche environ 10% de l’ensemble des diabètes et il apparait surtout chez les jeunes personnes, qui vont rester des diabétiques insulino-dépendants à vie. Le diabète «de type 2» également appelé diabète non insulino-dépendant ou diabète gras, est dû non pas à une carence d’insuline, mais plutôt à une mauvaise utilisation de cette hormone par les cellules de l'organisme malgré une sécrétion normale. Cette dernière forme de diabète apparait en général à un âge plus avancé et peut être favorisée par un certain nombre de facteurs, dont une alimentation déséquilibrée ou le surpoids et l’obésité.

C’est donc une forme de diabète évitable moyennant une bonne hygiène de vie. Le diabète de type 2 est la forme de diabète la plus fréquente, puisqu’elle représente 90% de l’ensemble des cas de diabète. Concernant le traitement, le diabète de type 1 est traité avec de l’insuline, injectée régulièrement, pour abaisser le taux de glucose dans le sang. Le diabète de type 2 est, par contre, traité avec des antidiabétiques oraux (ADO) sous forme de comprimés. Les traitements par les ADO sont moins contraignants et moins coûteux que ceux des insulines. Parmi les ADO, les sulfamides et les biguanides sont les familles d’ADO les plus anciens, les plus utilisés et les moins coûteux. A côté de ces 2 familles d’ADO, de nombreuses autres sont apparues plus récemment sur le marché pharmaceutique mondial et au Maroc. L’introduction de nombreux médicaments génériques parmi les antidiabétiques oraux ont permis une importante baisse des prix, tout en offrant le même niveau d’efficacité et de sécurité que les princeps. Parfois, le médecin prescripteur peut être amené à associer plusieurs types d’ADO pour obtenir une meilleure efficacité, mais parfois un seul suffit. L’année 2021 marque justement les 100 ans de la découverte de l'insuline. Cette hormone indispensable pour le traitement des diabètes insulino-dépendants a connu de grands progrès à partir des années 80 avec l’avènement de la biotechnologie médicale, qui a mis à la disposition des patients une insuline «humaine» en remplacement des insulines animales, extraites des pancréas de bœufs ou de porcs.

 

F.N.H. : L’alimentation a son importance pour réguler le diabète. Comment manger équilibré et quel régime adapté à suivre ?  

A. B. : Tout d’abord, il est important de distinguer entre le diabète insulino-dépendant et celui qui n’est pas insulino-dépendant (diabète de type 2). Dans ce dernier cas, l’objectif du médecin traitant sera de réduire le poids du patient obèse ou en surpoids et de l’amener vers une alimentation plus équilibrée avec moins de sucres, et notamment les sucres rapides. Dans le cas du diabète de type 1 ou insulino-dépendant, c’est un peu plus compliqué, car avec le traitement avec l’insuline, on doit lutter contre l’hyperglycémie (excès de sucre dans le sang) sans tomber dans l’excès inverse, avec les risques d’hypoglycémie (baisse importante de sucre dans le sang) pouvant aller jusqu’au coma diabétique. Le régime dans ce cas est moins sévère que dans le cas du diabète de type 2. Aujourd’hui, des appareils de mesure de la glycémie (Glucomètre) sont disponibles à des prix très accessibles (entre 200 et 400 DH). Ils permettent aux patients de surveiller leurs taux de glucose dans le sang chez eux ou partout ailleurs, à n’importe quel moment et de pouvoir adapter leurs traitements ou leurs apports en sucre pour équilibrer leur maladie. Toutefois, des examens réalisés dans des laboratoires sont nécessaires au moins chaque trimestre. C’est le cas de l’hémoglobine glyquée et de la glycémie à jeun.

 

F.N.H. : Qualifié de maladie sournoise, le diabète est une cause majeure de cécité, d’insuffisance rénale, d’amputation, d’accidents cardiaques et vasculaires cérébraux… Comment peut-on prévenir cette maladie aux complications irréversibles ? 

A. B. : Effectivement, le diabète est considéré aujourd’hui comme étant un facteur de risque cardiovasculaire au même titre que l’hypertension artérielle, l’hyperlipidémie (excès du cholestérol), etc. On peut aussi le qualifier de tueur silencieux, même si parfois des symptômes tels que la soif ou l’envie fréquente d’uriner se manifestent. Il est important de traiter efficacement son diabète non seulement par les médicaments, mais aussi par la pratique du sport et par un bon régime pour éviter les complications qui peuvent affecter les reins (insuffisance rénale chronique), le cœur (infarctus du myocarde) les yeux (cécité), le cerveau (accidents vasculaires cérébraux), ou les membres inférieurs (gangrène pouvant conduire aux amputations). Rappelons que dans certains cas, ces complications peuvent aller jusqu’au décès. 

 

 

 

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