Tout uniment photographe, artiste plasticienne et conceptuelle, Fatima Mazmouz a un parcours aussi dense et profus, qui procède d’une nécessité intérieure.
N’étant jamais cancre, la réussite scolaire l’accompagna comme une ombre. Surdouée, son parcours scolaire l’amène sur les bancs de l’université où elle fixe ses amarres en optant pour des études enthousiastes en Histoire de l’art qui ne la font guère bâiller d’ennui, suivies d’une recherche sur «l’écriture de l’histoire de l’art dans les pays arabes» étudiant les phénomènes au cœur du système colonial et post-colonial. Là, elle mène une idylle avec sa position d’historienne, mais c’est avec la photographie qu’elle trouve chaussure à son pied. Quoiqu’elle s’adonne aussi bien au dessein, la sculpture, la vidéo ou encore la performance.
Répondant prestement à l’appel instant de sa vocation, Fatima Mazmouz entamera ses productions avec la ferveur d’un néophyte. La période préliminaire de l’artiste fut marquée par le projet «Migrations Intérieures», qui met en scène certains rituels de la vie des immigrés en banlieue parisienne. Entre 2005 et 2015, Fatima se penche sur la problématique de l’avortement et par extension aux corps de la rupture (des identités en crise) à travers un projet sobrement intitulé «A corps rompu». Puis, s’ensuivent une multitude de projets, tels que : «Super Oum», «Le corps pansant» et «Le corps magique» qui interrogent le corps de la mère au moment de sa grossesse; «Divine Comédie» qui met à nu l’univers de la magie et de la sorcellerie au Maroc… Qui plus est, depuis 2014, Fatima Mazmouz analyse les rouages au cœur de la mécanique du «corps colonial» à travers le projet «Casablanca, mon amour (Dar el Beida, Hobe…)» scrutant ainsi le ventre de la ville sous ses facettes les plus singulières.
Fatima Mazmouz, dont la carrière va croissant, perpétue plus que jamais son ambition de conjuguer le corps - utilisant le sien comme outil et médium de prédilection pour sa recherche artistique. Un thème qu’elle conte dans un style tantôt poétique tantôt dépouillé qui happe le regard.
N’offrant à voir qu’un seul et unique corps, saisi, avec une infinie délicatesse et une compassion pudique, Fatima Mazmouz s’évertue à pointer les enjeux de domination propre aux représentations de l’Autre (clichés, stéréotypes, caricatures).
Captant la détresse, exposant le malheur, plongeant dans les petits enfers divers, lot des femmes, l’artiste jette à la face de la société ses défaillances à coup (souvent) de photo-missiles mettant en scène sa vision grave, son visage marqué et son corps éprouvé.
Au-delà du cadre, Fatima Mazmouz nous fixe de ses blessures mises à nu mais aussi de son regard où l’on entrevoit parfois une lueur d’espoir. Le résultat de son travail est saisissant. Et l’on quitte viscéralement remué. Ses réalisations sont si justes qu’elles résonnent en nous comme une réminiscence. La mal-vie des «Femmes» devient la nôtre, le temps d’un regard compatissant.
*«LES VENTRES DU SILENCE, Pouvoirs et contrepouvoirs», est le titre générique qui regroupe l’ensemble de ses travaux.
Vitrine de l’artiste : http://www.fatima-mazmouz.com/
Par R.K.H.