Mohamed Hassan Bensalah, président de la Fédération marocaine des sociétés d’assurance et de réassurance
Les nouveaux risques sont souvent difficiles à appréhender du fait de l’absence de données statistiques suffisantes.
Pour Mohamed Hassan Bensalah, les assureurs sont appelés à se dépasser et faire preuve d’anticipation pour offrir des solutions de couverture.
Propos recueillis par A. Elkadiri
Finances News Hebdo : C’est la 6ème édition du «Rendez-vous de Casablanca de l’assurance». Cette année encore, le gotha de l’assurance mondiale était présent à cet événement. Quelle est la recette pour attirer toujours plus de monde et d’experts des quatre coins du globe ?
Mohamed Hassan Bensalah : La recette est très simple. Un thème sans frontières, en phase avec les grandes questions du moment qui interpellent les assureurs, des intervenants de haut niveau et un programme scientifique qui va au plus près des préoccupations de notre secteur, animé par des experts issus de différents horizons, ce qui rend les échanges encore plus enrichissants.
Enfin, la dimension africaine de l’événement est incontestablement l’un de ses facteurs clés de succès.
Au sein de notre fédération, nous avons érigé la coopération interafricaine comme un axe central de notre plan stratégique et les différents accords de coopération signés en marge de notre évènement en sont la parfaite illustration.
F.N.H. : «Les nouvelles frontières de l’assurance» : telle est la thématique retenue cette année pour cette sixième édition. Pourquoi ce choix ? Quels sont les enjeux qui se cachent derrière cette notion de «frontière» ?
M. H. B. : Vous savez, le monde évolue et de nouveaux risques apparaissent. Ces nouveaux risques sont souvent difficiles à appréhender du fait de l’absence de données statistiques suffisantes. Les cyber risques en sont un bon exemple.
Mais il y a aussi des risques anciens qui connaissent certaines mutations. C’est notamment le cas des risques climatiques, dont l’intensité et la fréquence augmentent avec le réchauffement climatique.
Les assureurs sont appelés à se dépasser et faire preuve d’anticipation pour offrir des solutions de couverture, sans pour autant mettre en péril leur solvabilité. La supervision n’est pas en reste, puisque les régulateurs ont aussi un rôle à jouer pour prévenir certains risques systémiques.
D’où la notion de «frontière» qui nous a semblé bien cadrer avec l’esprit des sujets qui vont être abordés.
F.N.H. : L’émergence de nouveaux risques (climat, cyber risques, terrorisme, etc.) met à rude épreuve le métier d’assureur. Comment la profession aborde-t-elle ces défis, sachant que la modélisation de ces risques émergents est, par nature, difficile ?
M. H. B. : Ce n’est pas la première fois dans l’histoire que les assureurs sont confrontés à de nouveaux risques. Ce qui est nouveau, c’est l’accélération des innovations technologiques et la mutation de certains risques qui peuvent mettre à mal les modèles classiques. Le plus important est de disposer de données historiques pour construire des modèles que nous réajustons au fil des années.
Si l’on prend l’exemple du risque inondations, nous disposons de données historiques de bonne qualité, mais nous avons très peu d’informations sur le coût des dégâts causés par les phénomènes les plus extrêmes.
Nous arrivons toutefois à construire des modèles en utilisant notamment des systèmes d’information géographiques. Nous profitons également des expériences de pays qui nous ont précédés et qui disposent de modèles qui ont fait leurs preuves ou en cours de test.
F.N.H. : Dans quelle mesure est-il possible de modéliser et de «pricer» ces risques émergents ? Quels sont les outils à la disposition des compagnies pour cela ?
M. H. B. : Les grands réassureurs internationaux jouent un rôle important dans la tarification des risques émergents et dans leur modélisation. Ils ont une vision mondiale des risques et ils les mutualisent à l’intérieur des différents portefeuilles qu’ils gèrent.
F.N.H. : Les RDV de Casablanca de l’assurance font la part belle au continent africain. Comment évolue, selon-vous, le secteur au niveau continental ?
M. H. B. : Dans une économie émergente, les dépenses liées à l’assurance peuvent encore paraitre superflues, mais l’assurance est un vecteur de vie, de bonheur pour les populations et un outil de résilience et de croissance pour un pays, qui permet d’envisager l’avenir avec davantage de sérénité.
Il est vrai que le taux de pénétration de l'assurance dans le continent demeure faible et ne dépasse les 2% que dans quelques rares pays, alors qu’il atteint plus de 8% dans l'ensemble des nations développées. Les chiffres le prouvent néanmoins : on assiste à une vraie dynamique au sein des grands marchés du continent et le potentiel de développement du secteur reste extrêmement prometteur. Mais ce n'est pas en dupliquant les modèles occidentaux que l'on peut y arriver, mais bien en nous focalisant sur les réalités de nos pays respectifs. ◆