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Le temps des turbulences

Le temps des turbulences

Ainsi va donc la politique dans le Royaume : des pauses, souvent piétinement; puis des emballements et des focalisations tant en interne qu'à l'international. Gérer n'est pas la meilleure des politiques : tant s'en faut. Il faut faire face en effet, surfer sur la vague, scruter la météo à l'occasion et repartir du bon pied. Ce qui frappe, c'est le décalage entre la politique intérieure et la politique extérieure : le braquet n'est assurément pas le même, il fait la différence.

En interne, il est annoncé que 2023 sera une année de reprise et de relance économique. C'est souhaitable après 2022 qui a été difficile, avec un médiocre taux de croissance de 0,8%. L'on prévoit aujourd'hui 3,1%, selon le FMI. Est-ce réalisable, tant il est vrai que de nombreux facteurs ne sont pas maîtrisables, volatils, liés aux grandes incertitudes qui pèsent sur l'environnement international. Les citoyens n'ignorent rien de toutes ces contraintes : au quotidien, ils suivent ce qui se passe ailleurs. Les 2% d'inflation prévus par le gouvernement ne leur paraissent pas crédibles. La pluviométrie reste incertaine en cette mi-février; le taux de remplissage des barrages frôle les 32%; le taux de chômage a un peu reculé de 0,4% pour se situer à 11,4% à la fin de l'année écoulée; et les IDE se sont situés à quelque 20 milliards de DH.

 

Pouvoir d'achat : Grogne...

Ce qui pose problème depuis des années regarde la faiblesse du rendement socioéconomique de l'investissement. Mercredi dernier, à Rabat, devant le Conseil du développement et de la solidarité (CDS) présidé par Mohamed Benamor, le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a de nouveau mis en relief les particularités de cette situation : l'effort d'investissement du Maroc, qui est de 30 % - l'un des plus élevés dans le monde -, ne génère qu'une croissance économique insuffisante. La tendance est même baissière, son contenu en emploi est de plus en plus faible et son impact est inégal dans les régions. Préoccupant. Sur le marché du travail, l'on n'a enregistré en 2021-2022 que la création annuelle de quelque 90.000 emplois. Or, la population en âge de travailler a augmenté en moyenne de 380.000 personnes par année. Que faire ? S'atteler à une promotion de l'investissement bien sûr, mais en y apportant de fortes inflexions. L'une d'entre elles a trait à la levée des obstacles au développement des entreprises, un tissu productif où prédominent largement les TPE, avec un pourcentage de 88%.

Une autre intéresse l'agenda prioritaire donné à la promotion de l'investissement : Fonds Mohammed VI avec 15 milliards de DH budgétisés en 2023 et 30 autres à mobiliser, nouvelle Charte d'investissement... Un objectif ambitieux a été d'ailleurs fixé par SM le Roi dans son discours devant le Parlement, en octobre dernier  : il s'agit du «Pacte national d'investissement» visant 500 milliards de DH et 500.000 emplois à l'horizon 2026. Une concrétisation à terme de l'ambition de l'émergence économique et sociale. Tout cela relève de ce que l'on pourrait appeler le macroéconomique. Mais imprimet-il pour autant du côté des citoyens ? C'est qu'en effet leur quotidien se trouve confronté à la détérioration continue de leur pouvoir d'achat par suite de la flambée des prix. Le climat général est au mécontentement, à la grogne et à une dynamique de contestation qui paraît s'enclencher et se développer, surtout dans les prochaines semaines avant le Ramadan dans cinq semaines. En première ligne, il faut citer la Confédération démocratique du travail (CDT) qui a annoncé, dès le dimanche 19 février courant, diverses actions (marches, sit-in,...). Une mobilisation déclinée également autour de grèves perlées (travail au ralenti, suspension de manière sporadique et répétée). Autre front : celui des associations de consommateurs : elles se distinguent par davantage de visibilité et mettent en cause l'argumentaire officiel des conséquences au froid.

De fait, se combinent plusieurs facteurs, notamment l'inflation, le renchérissement du transport et du gasoil, une pluviométrie insuffisante et la situation du système de commercialisation. La multiplication des intermédiaires pousse fortement dans ce sens; et le gouvernement, pas plus d'ailleurs que ceux qui l'ont précédé, ne se décide pas à s'atteler à une réforme des circuits de commercialisation. Poids des lobbies et des réseaux d'intérêts, clientélisme électoral et autre, manque de volontarisme : autant de facteurs. Si bien que la spéculation persiste et qu'elle paraît être structurelle. Le gouvernement annonce qu'il a pris en main cette question avec des contrôles et des sanctions, ici et là, mais sans modifier sérieusement la viabilité de ce système. Il y a plus encore. Il est en effet pratiquement acquis qu’aucune réforme structurante ne pourra porter ses fruits si l'économie informelle n'est pas prise en compte. Le discours officiel y fait toujours référence, mais n'estce pas une stratégie qui devrait être mise en œuvre ?

 

Agenda diplomatique : UA, Paris, Alger

Un ordre du jour donc chargé pour les prochains mois. Il l'est aussi à l'international. Dans l'immédiat, un sommet de l'UA se tient les 18/19 février, à Addis-Abeba. Le Maroc y sera représenté par le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch. Le Royaume, depuis son retour institutionnel à cette organisation continentale, à la fin janvier 2017, y jouit d'une crédibilité particulière. Un leadership confirmé avec un second mandat au Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) pour trois ans (2023-2025), après celui de 2018-2020. Il y œuvre pour donner un nouveau dynamisme à cet organe. La question du Sahara marocain préoccupe la majorité des membres de l'UA par suite des menées hostiles de l'Algérie, couplées avec celles du mouvement séparatiste.

L'«Appel de Tanger» en date du 4 novembre 2022, signé aujourd'hui par 18 pays africains, demande instamment l'exclusion ou à tout le moins la suspension de la prétendue «RASD». Au plan régional, deux dossiers traduisent des tensions : avec la France avec laquelle le «réchauffement» reste encore sujet à caution; avec aussi l'Algérie qui s'installe de plus en plus dans une équation d'hostilité, voire même de conflictualité. Des turbulences récurrentes nourrissant une montée des périls aux conséquences imprévisibles...

 

Par Mustapha SEHIMI Professeur de droit (UM5, Rabat) - Politologue

 

 

 

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