Soudan : l’indifférence face à l’horreur

Soudan : l’indifférence face à l’horreur

Le Soudan meurt à petit feu. Dans un vacarme d’obus et une indifférence assourdissante. Depuis plus de deux ans, deux hommes se disputent un pays comme on se dispute un butin. D’un côté, Mohamed Hamdane Daglo, dit Hemedti, chef des Forces de soutien rapide (FSR), héritier des milices Janjawid, responsables des massacres du Darfour dans les années 2000. De l’autre, le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l’armée régulière et putschiste.

Deux visages d’une même malédiction : celle du pouvoir pour le pouvoir, avec la guerre comme seul langage. Leur duel fratricide a plongé le pays dans un gouffre sans fond. Des villes entières ont été rasées, des villages brûlés, des femmes violées et des enfants exécutés. A El-Fasher, au Darfour-Nord, plus de 2.000 civils ont été massacrés dimanche et lundi dernier, selon les forces pro-gouvernementales.

L’ONU recense au moins 1.850 morts dans cette région depuis janvier, mais reconnaît que le chiffre est sous-évalué. Au total, ce conflit a déjà fait des dizaines de milliers de morts depuis 2023. Les humanitaires décrivent un enfer, avec des familles entières enterrées vivantes sous les décombres, des malades abandonnés faute de médicaments et des enfants affamés. Le Programme alimentaire mondial parle d’une population «au bord de la survie».

Près de 30 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire, dont 15 millions d’enfants. Mais le plan d’urgence de l’ONU reste financé à seulement 25%. Le reste n’intéresse personne. Ce pays dévasté est devenu un musée de la cruauté moderne, où les deux camps sont accusés de crime de guerre. Le Humanitarian Research Lab de l’Université Yale parle d’un «nettoyage ethnique systématique» des populations non arabes Fur, Zaghawa et Bartis.

L’ONU dénonce des «exécutions atroces» et des «viols de masse». Amnesty International parle d’esclavage sexuel, d’enrôlement d’enfants et de villages entiers rayés de la carte. Et que répond le monde à cela ? Rien, ou presque. Hormis des cris d’orfraie ici et là, inaudibles dans la fournaise du Soudan. L’Union européenne dénonce la «brutalité» des paramilitaires, la France «exhorte» à la négociation, tandis que l’ONU «appelle» à la retenue.

L’Afrique, elle, s’agite, mais en vain. Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine publie des communiqués pleins de bonnes intentions, sans lendemain. Des mots qui ne sauvent personne. Ni les femmes. Ni les enfants. La communauté internationale a inventé une forme de compassion bureaucratique : l’art de s’émouvoir sans agir. Et pendant que les grandes puissances sont occupées ailleurs, en Ukraine et à Gaza notamment, le Soudan, lui, s’efface des priorités diplomatiques.

Même les médias font peu de cas de ce conflit qui est, pourtant, «l'une des pires crises de protection que nous ayons connues depuis des décennies», selon Kelly Clements, haut-commissaire adjointe de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Bref, le monde regarde ailleurs. Tournant le dos à un pays où le massacre s’inscrit dans la normalité et où les morts sont réduits à des statistiques macabres. 

 

Par F.Z Ouriaghli

 

 

Articles qui pourraient vous intéresser

Mardi 28 Octobre 2025

Les technologies mobiles pèsent 7,7 % du PIB africain, selon la GSMA

Lundi 27 Octobre 2025

CAN 2025 : Plus de 250.000 billets écoulés en trois jours

Lundi 20 Octobre 2025

Panne mondiale AWS : des dysfonctionnements massifs touchent de nombreuses plateformes en ligne

Jeudi 16 Octobre 2025

Sahara marocain : réalisme politique et économique

L’Actu en continu

Hors-séries & Spéciaux