Par: Fatima Zahra Ouriaghli, Directeur de Publication
Tanger n’a pas encore fini de panser ses blessures qu’elle fait face à un nouveau drame. Après l’assassinat du petit Adnane Bouchouf en septembre dernier, la ville du Détroit a connu, le 8 février, une terrible tragédie : au moins 28 personnes ont trouvé la mort dans l’inondation d’une unité clandestine de textile.
Tanger est dans l’émoi. Tanger est déchirée par la douleur. Tanger est en deuil. La mort s’est invitée dans plusieurs foyers, faisant des veuves, des veufs, des orphelins…
Et dans cette atmosphère traumatique où certains sont rongés par une vive tristesse, d’autres, par contre, ruminent leur colère. Car, dans cette affaire tragique, au-delà de l’émotion, il y a un terme qui suscite l’ire des observateurs : clandestine.
Cette usine aurait donc opéré dans la parfaite illégalité pendant plusieurs années. Au vu et au su de tous ? Les autorités compétentes étaient-elles au courant de son existence ? L’enquête en cours le dira.
Mais n’en doutons pas, dans tous les cas, il y a eu faute grave : au mieux, les autorités ont fait preuve d’incompétence en ne sachant pas qu’une unité clandestine était opérationnelle dans ce quartier de Hay Alinas depuis des années; et au pire elles ont fait preuve d’un grand laxisme qui, au final, a conduit à ce drame. Dès lors, la détermination de la chaîne de responsabilités ne devra être ni partiale ni partielle.
Ne nous faisons pas d’illusion cependant ! C’est malheureusement courant de voir certaines activités illégales prospérer sous le regard complice des autorités, au nom d’une certaine paix sociale. Des unités clandestines qui permettent à des centaines, des milliers de familles marocaines de gagner quelques sous pour subvenir à leurs besoins quotidiens, combien y en a-t-il au Maroc ? Beaucoup. Selon l’étude de la CGEM publiée en 2018, 54% de la production du secteur «industrie du textile et du cuir» proviennent d’unités informelles.
Mais ce n’est que lorsque survient une catastrophe que l’on s’émeut, l’on s’indigne. Et, avec le recul, peut-être même sommes-nous tous complices de cet état de fait. En effet, qui ne s’est pas, parfois, offusqué quand les autorités délogent, sans complaisance, des habitants de bâtisses menaçant ruine, les traitant de manquer d’humanisme et de compassion pour les livrer à la vindicte populaire ?
Aujourd’hui, avec cette nouvelle tragédie à Tanger, peut-être que se rend-on compte que la mort reste un coût trop élevé pour préserver la paix sociale. En prendre conscience maintenant, c’est certainement prévenir et éviter des drames futurs. L’ignorer, c’est fatalement se préparer à voir d’autres familles endeuillées.