La campagne agricole 2023-2024 est un reflet criant du défi climatique qui continue de peser lourdement sur l'agriculture marocaine. Les chiffres parlent d'euxmêmes : les retenues des barrages destinées à l'usage agricole ont atteint 4,16 milliards de m³ à fin mai 2024 contre 4,22 milliards de m³ l'année précédente. Le taux de remplissage alarmant de seulement 30% met en évidence un problème devenu structurel : le déficit hydrique.
Avec des précipitations moyennes de 237 mm, marquant une régression de 33% par rapport à la moyenne des trois dernières décennies, la situation est inquiétante et souligne, si besoin est, la vulnérabilité de l'agriculture marocaine face aux aléas climatiques. Ces conditions climatiques défavorables ont entraîné une baisse drastique de la production céréalière de 43%, avec seulement 31,2 millions de quintaux récoltés contre 55,1 millions l'année précédente. Ce repli de la production a entraîné une réduction des opportunités d'emploi en milieu rural : entre le premier trimestre de 2023 et celui de 2024, 159.000 postes y ont été perdus, aggravant la précarité et favorisant l'exode rural vers les zones urbaines. Mais les répercussions ne se limitent pas au seul secteur agricole.
Représentant environ 14% du PIB et employant 38% de la population active, l'agriculture est en effet un pilier essentiel de l'économie marocaine. Elle reste, surtout, le principal driver de la croissance. Une croissance qui reste molle, reflétant les difficultés que rencontre un secteur agricole soumis à des épisodes de sécheresse de plus en plus récurrents et sévères. Ainsi, la croissance a malgré tout atteint 3,4% en 2023 contre 1,5% l'année précédente, avec des activités agricoles qui ont affiché une hausse de 1,4%, selon le haut-commissariat au Plan. Cette croissance, bien qu'encourageante, reste fragile, volatile et n’est pas suffisamment robuste pour constituer un rempart au chômage endémique (13% au niveau national) auquel est confronté le Royaume.
Aujourd’hui, toutes les politiques publiques mises en place se heurtent à cette réalité. C’est pourquoi certains économistes militent pour que le Maroc repense son modèle agricole afin de le rendre plus résilient face aux changements climatiques. Une révolution agricole en quelque sorte, qui permettra au Royaume de garantir sa sécurité alimentaire et de soutenir sa croissance économique. Et qui sera appuyée par un développement encore plus soutenu des métiers mondiaux du Maroc. A défaut, l’économie nationale sera emmurée dans un cycle de croissance faible et à un taux de chômage élevé. Déjà, les objectifs du nouveau modèle de développement (porter la croissance à un rythme moyen annuel supérieur à 6% et doubler le PIB par habitant à l’horizon 2035) et les promesses de création d’emplois du gouvernement (1.000.000 sur 5 ans) semblent être réduits en une simple clause de style.
Par F.Z Ouriaghli