Bank Al-Maghrib a pris la communauté des affaires à contrepied. Alors que le consensus du marché tablait sur une quatrième hausse du taux directeur, limitée cette fois-ci à 25 points de base, la Banque centrale a plutôt choisi le statu quo. Le taux directeur reste figé à 3%, après avoir été augmenté de 150 points de base au total pour juguler l’inflation. Cette décision reste globalement bien accueillie par le marché.
Certains défendent l’idée qu’elle découle d’une logique purement économique, comme l’argumente la Banque centrale qui met en relief la tendance baissière de l’inflation et prend en considération les délais de transmission de ses décisions à l’économie réelle. Les plus sceptiques se demandent si cette décision n’a pas, plutôt, une coloration politique prononcée, en ce qu’elle serait sous-tendue par la nécessité de satisfaire les désidératas du gouvernement, opposé à la politique monétaire restrictive initiée par la Banque centrale et attaché à soigner ses statistiques macroéconomiques. Ce qui, fondamentalement, signifie l’ingérence du gouvernement dans la conduite de la politique monétaire et remet en cause l’indépendance de la Banque centrale. Sauf que le wali de Bank Al-Maghrib a définitivement éteint tout débat autour de ce sujet, sur lequel il était d’ailleurs très attendu.
L’éclairage apporté par Abdellatif Jouahri est précis et limpide : «l’ingérence a été réglée par les statuts de BAM, à travers un Dahir qui est une loi qui s’impose à tout le monde. En tant que gouverneur, ma responsabilité est de faire respecter les dispositions de ce texte». Lequel dit en substance dans son article 13, que «la Banque centrale, dans l’exercice de ses missions (…), ne doit ni accepter ni solliciter d’instructions du gouvernement ou de parties tierces…».
Voilà qui est dit. Jouahri a intelligemment apporté une réponse technique à une question à relents politiques. A-t-il cependant convaincu les esprits perplexes ? En tout cas, il clôt 3 mois de polémiques et de supputations durant lesquels, sur fond de tensions, sa personne a été opposée à celle du chef de gouvernement, Aziz Akhannouch. Que retenir de cet épisode ? Il a malheureusement jeté, un moment, le doute sur BAM, une institution qui a mis des années à bâtir sa crédibilité tant en interne qu’à l’international.
Et après la Banque centrale, c’est de nouveau le haut-commissariat au Plan (HCP) qui est ouvertement critiqué par le gouvernement, lequel remet en cause la véracité des chiffres concernant l’emploi dans le secteur industriel; une vieille polémique. Au risque de se fragiliser, des institutions comme BAM ou encore le haut-commissariat au Plan n’ont pas à calquer leur mission sur un quelconque agenda politique. En sachant que les hommes politiques viennent et s’en vont, le temps d’une législature. Alors que les institutions, elles, restent, avec tout ce qu’elles représentent aux yeux des institutions financières et milieux d’affaires internationaux.
Par F.Z Ouriaghli