Le Maroc ambitionne de devenir un leader africain des énergies renouvelables, mais des retards dans la mise en œuvre de sa transition énergétique pourraient freiner cet élan. Entre initiatives gouvernementales et défis structurels, le pays se doit d’accélérer la cadence pour atteindre les objectifs du Nouveau modèle de développement.
Par Désy M.
Le Maroc s’affirme comme un acteur clé de la transition énergétique en Afrique. Fort d’une vision ambitieuse, le Royaume mise sur les énergies renouvelables pour répondre aux défis climatiques, renforcer son indépendance énergétique et attirer des investissements étrangers. Pourtant, un bilan indépendant mené par l’initiative IMAL pour le climat et le développement met en évidence des avancées contrastées et des freins structurels qui ralentissent cette mutation.
Si la dynamique politique est incontestable, la mise en œuvre sur le terrain reste laborieuse. L’Autorité nationale de régulation de l’électricité (ANRE), censée structurer un marché concurrentiel et favoriser un cadre propice aux investissements, peine encore à s’imposer face aux monopoles historiques. Le professeur Said Guemra rappelle que «le pari du Nouveau modèle de développement est de doter le Maroc d’une énergie compétitive et verte, capable de décarboner l’industrie, d’élargir l’offre exportable et d’attirer des investisseurs étrangers dans le domaine des énergies renouvelables».
Le rapport met en garde contre les risques d’une transition énergétique insuffisamment rapide. «Une inertie prolongée pourrait avoir des conséquences dommageables sur l’économie, en particulier à travers une dépendance prolongée aux importations de combustibles fossiles», alerte Guemra. Il souligne que «des productions d’électricité éolienne et photovoltaïque à moindre coût auraient permis des économies considérables sur la facture énergétique, qui s’élevait à plus de 153 milliards de dirhams en 2022».
Les conséquences ne sont pas seulement économiques, mais aussi stratégiques. Le retard dans la décarbonation du réseau électrique expose l’industrie marocaine à des coûts supplémentaires avec l’instauration de la taxe carbone par l’Union européenne. «Sans une adaptation rapide, nos exportateurs risquent d’être pénalisés par des surcoûts qui réduiront leur compétitivité sur les marchés internationaux», avertit Guemra. Ce retard est évalué à plus d’un milliard de dollars de taxes MACF qui pèseront chaque année sur les exportations marocaines vers l’Europe. Face à ces défis, le gouvernement a redoublé d’efforts pour accélérer la transition.
Le complexe Noor Midelt, combinant solaire thermique et photovoltaïque, marque une avancée majeure vers un mix énergétique plus stable et performant. Par ailleurs, l’adoption d’un cadre réglementaire facilitant l’autoconsommation permet désormais aux industriels et aux particuliers de produire leur propre électricité, une réforme essentielle pour diversifier l’offre énergétique. L’hydrogène vert constitue un autre levier stratégique.
L’«Offre Maroc», annoncée récemment, a retenu six projets majeurs pour un investissement total de 319 milliards de dirhams. Si ce positionnement est prometteur, il reste conditionné à une réglementation claire et à des infrastructures adaptées. En parallèle, le gouvernement a renforcé les interconnexions énergétiques : la mise en service du gazoduc Maghreb-Europe en flux inverse sécurise l’approvisionnement en gaz naturel liquéfié, tandis que le projet d’interconnexion électrique avec la Mauritanie pourrait transformer le Maroc en hub énergétique régional. L’initiative IMAL préconise plusieurs mesures pour lever ces freins : renforcer le cadre réglementaire de l’autoproduction, accélérer la réforme des contrats d’achat d’électricité et favoriser l’essor des interconnexions avec l’Europe et l’Afrique.
«Un changement de paradigme est nécessaire pour concrétiser la vision royale et consolider le leadership du Maroc en matière d’économie verte», conclut Guemra. La transition énergétique n’est plus un choix, mais une nécessité. Le Maroc dispose des ressources, des ambitions et des premiers jalons d’une mutation réussie. Mais sans une mise en œuvre plus rapide des réformes, le pays risque de voir son élan freiné par les pesanteurs administratives et les retards d’exécution. L’enjeu dépasse le seul cadre environnemental : il conditionne l’avenir économique du Maroc et son positionnement dans l’économie mondiale de demain.