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RSE: «Jamais une entreprise n’a fait faillite pour avoir traité dignement ses collaborateurs»

RSE: «Jamais une entreprise n’a fait faillite pour avoir traité dignement ses collaborateurs»

L’intérêt pour les normes QSE est réel, ce n’est pas qu’un effet de mode.

Une entreprise appliquant les principes RSE est d’abord une entreprise mettant l’humain et le citoyen au centre de ses préoccupations.

Entretien avec Yassine Elamine, expert professionnel dans le domaine du management de qualité.

 

Propos recueillis par M. Diao

Finances News Hebdo : Selon vous, les entreprises industrielles marocaines sont-elles suffisamment outillées pour réduire leur facture énergétique, qui constitue un enjeu de compétitivité majeur au regard du contexte énergétique à l'échelle mondiale ?

Yassine Elamine : C’est difficile d’apporter une réponse toute faite à ce sujet tant les entreprises industrielles marocaines sont hétérogènes. Ce qui est sûr, c’est que l’industriel marocain a toujours su faire preuve de créativité et d’ingéniosité lors des périodes de crise. La transition énergétique représente un enjeu global auquel sont confrontées toutes les économies du monde. Par ailleurs, l’écosystème universitaire s’est beaucoup amélioré durant ces cinq dernières années. J’ai été étonné de voir par exemple à Tanger un groupe de doctorants s’organiser en cluster, apportant du conseil technique aux problématiques d’audit au profit des sociétés de la région ainsi qu’aux collectivités locales et territoriales. Les entreprises industrielles doivent tirer profit des talents du système éducatif marocain qui arrive à produire des profils de qualité. Je suis absolument convaincu que la matière grise est là. La règlementation locale doit suivre pour presser le pas.

 

F.N.H. : La taxe carbone devrait être imposée aux frontières de l'UE à partir de l'année prochaine. Cette nouvelle donne ne risquet-elle pas de porter préjudice aux entreprises marocaines exportatrices pour qui l'UE est un marché de prédilection ?

Y. E. A. : Dans un premier temps, la taxe carbone de l’Union européenne ne concernera qu’un périmètre restreint de cinq lignes de produits, à savoir l'acier, le ciment, les engrais, l'aluminium et l'électricité. Le Maroc exporte vers l’Union européenne par an environ 250 M$ de produits assimilés au ciment, 450 M$ d’engrais, 11 M$ d’acier et 72 M$ d’aluminium. Les chiffres relatifs à l’export de l’électricité ne sont pas disponibles depuis les sources officielles. En 2019, les exports d’électricité vers l’Espagne ont représenté plus de 50 M$. À ce jour, ce sont à peine 2,6% des exportations marocaines qui seraient concernées par de telles mesures. Par ailleurs, la taxe ne sera exigible qu’à partir de 2026, mais une phase de transition de trois ans commencerait en 2023 pour négocier et approuver les règles finales à temps. Les règles relatives à ces taxes sont toujours en cours de discussions au sein des commissions européennes. Ce qui est sûr, c’est que ces taxes finiront par s’appliquer graduellement et concerneront par la suite un périmètre de produits de plus en plus large. Nous devons être prêts. Pensons à notre industrie textile par exemple, qui représente à elle seule 19% de nos exportations globales, dont la quasi-majorité est destinée au marché de l’Union européenne. Une telle taxe carbone appliquée au secteur textile entraînerait des conséquences catastrophiques. Nous devons être proactifs et prévoir ces changements inéluctables.

 

F.N.H. : D'après vous, les entreprises nationales sont-elles suffisamment conscientes de l'intérêt d'adopter des normes QSE (Qualité, sécurité, environnement) ?

Y. E. A. : L’intérêt pour les normes QSE est réel, ce n’est pas qu’un effet de mode. Ce qui est dommage, c’est que 95% des entreprises ayant investi ou investissant dans une démarche QSE le font suivant la contrainte subie par leur client ou leur donneur d’ordre. Beaucoup d’entreprises se font certifier pour accéder à des marchés publics ou privés, parce que c’est une condition technique exigée dans les dossiers d’appels d’offres. Quand elles sont appliquées correctement, ces normes QSE représentent un système d’information en or pour l’entreprise, lui permettant de s’inscrire dans une démarche d’amélioration et de garantir sa pérennité dans le temps. Il ne faut pas attendre l’occurrence d’un accident grave ou mortel sur le lieu de travail pour entamer les démarches de planification pour la santé et la sécurité des travailleurs. L’intérêt des normes QSE est l’anticipation et la gestion des risques. La prise de conscience passe aussi par l’éducation. De nombreux parcours de Master ou d’écoles d’ingénieurs intègrent désormais des modules QSE. La jeune génération doit être force de proposition auprès de la direction générale.

 

F.N.H. : Les lignes de financement vert existantes au Maroc sont-elles suffisamment attractives pour les entreprises qui veulent verdir leurs activités ?

Y. E. A. : Les programmes d’accompagnement et de financement existent en nombre. Le Cluster solaire et l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique (AMEE) ont d’ailleurs fait un excellent travail de recensement et de synthèse des programmes de financement et d’appui pour les entreprises marocaines. Sont-ils pour autant tous attractifs  ? Pas forcément. L’industriel marocain se doit de rester attentif aux conditions de fonctionnement des subventions et des cofinancements. Dans certains cas, il s’agit de produits financiers classiques présentés sous une étiquette verte. Il reste cependant des programmes d’appui de valeurs sûres tels que celui de Maroc PME «Tatwir croissance verte», lancé en janvier 2021, proposant une aide et des primes d’investissement concrètes.

 

F.N.H. : Enfin, selon vous, la RSE est-elle un vecteur de performance pour l'entreprise ?

Y. E. A. : La RSE ou la responsabilité sociale et sociétale des entreprises tire ses origines de la déclaration des droits de l’Homme. Une entreprise appliquant les principes RSE est d’abord une entreprise mettant l’humain et le citoyen au centre de ses préoccupations. Respecter les droits de l’Homme n’est pas aussi évident qu’il n’y parait. C’est pour cela que plusieurs associations à travers le monde ont décidé de s’unir pour lancer des standards, adaptant la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 au contexte de l’entreprise. Il en ressort un certain nombre de guides et de référentiels qui sont aujourd’hui à la disposition des entreprises désireuses de faire de ce volet social et sociétal un levier de performance (SMETA, SA 8000, ISO 26000, label CGEM,…). Jamais une entreprise n’a fait faillite pour avoir traité dignement ses collaborateurs. Bien au contraire. Un salarié mis en valeur, pour lequel la société assure les droits fondamentaux prévus par le cadre réglementaire et législatif, n’en sera que plus loyal, motivé et productif. 

 

 

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