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«L’hydrogène vert est une filière de demain à très grand potentiel»

«L’hydrogène vert est une filière de demain à très grand potentiel»

A l’horizon 2050, le Maroc, qui affiche un grand potentiel pour la production et l’exportation de l’hydrogène vert, pourrait décarboner son économie à hauteur de 90%.

L’Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles s’est appuyé sur deux principaux instruments afin de promouvoir la recherche et développement : les appels à projet et les infrastructures de recherche.

Eclairage avec Badr Ikken, Directeur général de l’IRESEN.

 

Propos recueillis par M. D. & R. B.

 

 

Finances News Hebdo : L’IRESEN est très engagé dans le domaine de l’Hydrogène vert/Power to X. Pourquoi ce choix ?

Badr Ikken : L’IRESEN a entamé de grands chantiers relatifs à l’hydrogène vert et, de façon plus large, au Power to X qui englobe les dérivés de l’hydrogène vert qui peuvent être utilisés pour différentes applications. Les énergies renouvelables peuvent être utilisées afin de produire de l’hydrogène à partir de l’eau. il s’agit de l’hydrogène décarboné, produit par électrolyse. L’IRESEN a contribué, dès 2018, à une étude du World Energy Council,  qui a examiné des pays à forts potentiels pour la production de l’hydrogène vert. Cette étude a identifié le Maroc comme faisant partie des six pays à fort potentiel pour la production et l’exportation de l’hydrogène vert, qui est une matière première et un vecteur d’énergie en même temps. Les éléments-clés du développement de cette filière qui créera beaucoup de valeur ajoutée pour notre pays sont les ressources renouvelables. Le Maroc dispose de plusieurs sites abritant d’importantes quantités de ressources renouvelables, notamment le solaire et l’éolien.

Beaucoup de sites géographiques ont l’avantage de combiner ces deux sources d’énergies renouvelables. Il s’agit de zones bien ensoleillées, avec une bonne irradiation, bénéficiant d’une vitesse de vent importante pouvant souffler jusqu’à 60 à 70% du temps (facteur de charge élevé). Compte tenu de tous ces atouts, nous avons mené la réflexion afin de positionner le Maroc sur l’échiquier international de l’hydrogène vert, en œuvrant à la mise en place d’une feuille de route technologique. L’objectif étant d’accompagner l’écosystème industriel et de promouvoir le développement des capacités nationales pour la production de l’hydrogène vert. A ce titre, nous avons mené trois études. La première a porté sur la maturité technologique afin de savoir s’il s’agit d’un sujet qui a de l’avenir.

La seconde a trait aux opportunités pour le Maroc (potentiel des marchés intérieur et extérieur) et la troisième étude a été élaborée avec le concours d’économistes. Cette dernière a constitué la base de l’élaboration d’une feuille de route nationale en cours de validation. Le ministre de l’Energie, des Mines et de l’Environnement a mis en place une Commission nationale dédiée à l’hydrogène dans laquelle l’IRESEN est partie prenante. Pour répondre à votre question, l’hydrogène vert est une filière de demain à très grand potentiel. Celle-ci pourra décarboner plusieurs secteurs à l’échelle nationale et générer des devises pour le pays grâce à l’export. La décarbonation concerne l’énergie, la branche industrielle et le secteur des transports.

Et ce, à des échéances différentes. En 2035, le Maroc pourra être un champion de l’export de la matière première qui est l’hydrogène vert, pouvant être assimilé au pétrole vert en raison de sa capacité à remplacer les combustibles fossiles. Par ailleurs, en ce qui concerne la partie recherche et développement, l’IRESEN a mis en place plusieurs projets de recherche en cours de développement, notamment de petits électrolyseurs à Benguerir. L’énergie solaire est utilisée pour produire de l’hydrogène vert. A cela, s’ajoute une grande plateforme de recherche, appelée «Green H2A» en cours de co-développement avec l’Université Mohammed VI Polytechnique. L’infrastructure sera une interface entre le milieu académique et le tissu socioéconomique afin d’accompagner l’émergence et l’écosystème de la filière. A noter enfin que dans les prochains jours, un cluster dédié à l’hydrogène alliant entre autres la recherche, l’innovation et l’industrie, avec l’objectif de consolider l’écosystème, verra le jour.

 

F.N.H. : En janvier 2021, les travaux de construction du Centre de recherche dédié aux thématiques des réseaux intelligents ont été lancés au sein du Green and Smart Building Park. Que représente ce parc pour l’IRESEN et quelles sont les futures infrastructures que cette plateforme abritera ?

B. I. : Le Green and Smart Building Park est une plateforme développée conjointement avec l'université Mohammed VI Polytechnique. Je dois encore rappeler que l’objectif de cette plateforme de recherche et d’innovation ou celui de la «Green H2A» est de créer des ponts entre les universités et le monde industriel. Ce qui facilite le transfert technologique et la valorisation des résultats des projets de recherche, deux paramètres propices au développement et à la commercialisation des produits. Par exemple, l’année dernière, le Green Energy Park a travaillé sur une borne électrique, appelée «iSmart», qui sera produite cette année entre fin avril et début mai.

Le Green and Smart Building Park a pour vocation de traiter les aspects relatifs à la ville durable et la ville intelligente de demain (matériaux de construction, efficacité énergétique, gestion du réseau électrique). Ceci étant rappelé, la particularité du Centre de recherche, dédié aux thématiques des réseaux intelligents, unique au niveau international et dernier maillon de la plateforme du Green and Smart Building Park, est qu’il offre la possibilité d’effectuer des simulations de nouveaux réseaux électriques intégrant par exemple de la mobilité électrique ou des solutions d’intégration d’énergies renouvelables. Des tests pourront aussi être effectués dans des réseaux réels, grâce à la disponibilité d’une quarantaine de maisonnettes.

Ainsi, le Centre, qui intègre plusieurs laboratoires, permettra de mener des activités de recherche combinées. Il offrira la possibilité de développer dans le futur de nouveaux compteurs intelligents, des solutions innovantes de gestion de l’énergie et d’injection d’énergies renouvelables et l’intégration de la mobilité électrique (utilisation des batteries électriques). En somme, l’objectif in fine est de développer de nouveaux réseaux électriques et de nouvelles solutions technologiques pour la ville marocaine et africaine durable du futur.

 

F.N.H. : Selon vous, que représente la recherche et développement pour l’essor des énergies nouvelles et l’énergie solaire  ? Et jusque-là, quels sont les efforts déployés par l’IRESEN en matière de recherche et développement ?

B. I. : Le développement de l’économie d’un pays passe par plusieurs étapes, dont la première est l’amélioration de la qualité de la formation. Le Maroc a réalisé de grandes avancées ces dernières années grâce à ses universités qui se positionnent bien sur le plan continental en matière de formation. La recherche fondamentale se développe également dans notre pays. Par contre, il faudra déployer davantage d’efforts sur le front de la recherche appliquée et renforcer notre niveau de maturité technologique. Et ce, afin de passer des concepts technologiques à des produits industriels prêts à être commercialisés, car la consolidation du tissu industriel est primordiale.

D’où la nécessité d’accompagner les acteurs industriels pour le développement des produits susceptibles de se substituer à ceux qui sont importés. Sachant qu’aujourd’hui, un industriel qui aspire à être compétitif, est astreint d’innover, car la concurrence est devenue internationale. Au regard de ce qui précède, je dirai que l’innovation est nécessaire pour tous les secteurs et celui des énergies renouvelables en particulier, en raison, entre autres, de l’enjeu du facteur lié au coût. A ce titre, il y a lieu de rappeler que le KWH de l’énergie solaire, qui était de 3,60 DH il y a dix ans, s’affiche aujourd’hui à moins de 30 centimes. Grâce au grand saut technologique réalisé avec l’essor de la recherche et développement et l’innovation, les énergies renouvelables peuvent être utilisées afin de produire de l’hydrogène vert à des coûts compétitifs. Aujourd’hui, un industriel peut être compétitif énergétiquement grâce aux énergies renouvelables.

Ce qui était impossible il y a dix ans. De plus, il faut savoir que l’UE va mettre en place une taxe carbone à ses frontières. En clair, les produits fabriqués avec une empreinte carbone basse auront des chances d’être compétitifs sur le marché européen. Pour sa part, l’IRESEN s’est appuyé sur deux principaux instruments afin de promouvoir la recherche et développement, en l’occurrence les appels à projet et les infrastructures de recherche. Depuis 10 ans maintenant, l’IRESEN finance des projets de recherche collaboratifs impliquant des universités et des entreprises. Ces projets ont contribué au développement de la recherche appliquée, tout en permettant aux entreprises de mettre au point de nouvelles solutions technologiques.

Pour ce qui est des infrastructures de recherche qui sont aussi des supports technologiques pour les entreprises, il y a lieu de citer le Green Energy Park, le Green and Smart Building Park, le Green Energy Park Maroc-Côte d’Ivoire et d’autres infrastructures qui viendront. Toutes ces plateformes technologiques bénéficient d’équipements de pointe et de ressources humaines hautement qualifiées. Aujourd’hui, je peux dire que nous avons de très bonnes cartes entre les mains pour le développement du «Made in Africa ou le Made in Morocco». Le prochain défi est l’innovation et l’accompagnement du transfert technologique des résultats des projets de recherche vers le monde industriel et le marché.

 

F.N.H. : Quels sont les projets et les réalisations de l’IRESEN dans le domaine de la mobilité durable, qui est aussi un enjeu non moins important pour le Royaume ?

B. I. : Depuis près de quatre ans, l’IRESEN a mené plusieurs activités au niveau du Green Energy Park autour de la mobilité durable, notamment la mobilité électrique légère. Des études socioéconomiques et technico-économiques ont été menées afin de mesurer l’acceptation sociale et de comprendre les réels enjeux de ce type de mobilité. Il était important d’être en mesure d’appréhender le volet de la maturité pour cerner le timing du déploiement technologique. Des projets pilotes ont été menés. Lors de l’inauguration du Green Energy Park en janvier 2017, par SM le Roi, des véhicules électriques ont été distribués à des associations de la ville de Benguerir et la province de Rhamna.

Ces véhicules ont été exploités et testés dans différentes conditions climatiques. Toujours dans le cadre des projets pilotes, nous avons mis en place un corridor qui s’étend de Tanger à Agadir. Des bornes de recharge de voitures électriques ont été installées sur chaque 90 km au niveau des stationsservice. Aujourd’hui, il est possible de monitorer les bornes électriques. Des logiciels de suivi des bornes ont été développés. Nos équipes ont aussi travaillé sur l’impact de la mobilité électrique sur le réseau électrique. Ce qui a montré la nécessité de consolider le réseau électrique pour faire face à la multiplication des bornes et des voitures électriques. Dans ce contexte, nous lancerons au cours de cette année des activités pour l’élaboration d’une feuille de route, dédiée à la mobilité électrique pour le Maroc.

Et ce, avec l’implication des différentes parties prenantes. Il est important de souligner que plusieurs projets relatifs au sujet de la mobilité électrique sont en train d’aboutir, notamment le couplage entre les énergies renouvelables, les ombrières solaires et les bornes de recharges électriques. A cela s’ajoute l’utilisation des batteries de voiture afin de stabiliser le réseau électrique, sachant qu’un véhicule électrique peut aussi être utilisé comme une batterie. Le troisième projet a trait aux interfaces entre le réseau et les véhicules électriques. Trois produits sont en cours de valorisation. Il s’agit de la borne de recharge «iSmart», celle de petite puissance sur candélabre et la borne de recharge très rapide, destinée aux stations-service. Le sujet de la deuxième vie et du recyclage des batteries est aussi adressé.

 

 

 

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