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Carrefour vert 2025 : le défi de la mise à l'échelle de l'économie verte

Carrefour vert 2025 : le défi de la mise à l'échelle de l'économie verte

L’économie verte au Maroc repose sur des stratégies claires et des exemples réussis dans de grandes entreprises ou certains secteurs industriels. Le vrai défi à présent, c’est d’impliquer plus d’acteurs et de faire passer les projets pilotes à une transformation à grande échelle.

 

Par Désy M.

Dans l’implémentation de sa Stratégie nationale de développement durable (SNDD) lancée en 2017, le Maroc s’est fixé un cap ambitieux : intégrer d’ici 2030 les dimensions économiques, sociales et environnementales dans l’ensemble de ses politiques publiques, et ainsi découpler la croissance économique de la dégradation des ressources naturelles. Cependant, une problématique clé persiste  : celle de la mise à l’échelle concrète de cette économie verte dans tout le tissu économique marocain.

C’est autour de cette question que des représentants du gouvernement, d’organisations internationales, du secteur privé et de la société civile se sont penchés lors de la 3ème édition du Carrefour vert, dans le cadre de la Semaine de la synergie verte, organisée par le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable (MTEDD) et l’ONUDI, avec la collaboration du Programme PAGE financé par l’UE sous l’égide des Nations unies. L’objectif étant de dépasser le discours pour poser un diagnostic lucide et ouvrir la voie à une transformation systémique. Dès l’ouverture, les autorités marocaines ont réaffirmé leur vision d’une transition vers une économie verte comme levier essentiel pour atteindre les objectifs de développement durable et renforcer la résilience face aux crises.

Ce qu’a souligné Zakaria Hachlaf, secrétaire général du département du Développement durable au MTEDD, en évoquant les projets structurants du Maroc, dont les énergies renouvelables et la stratégie bas carbone à l’horizon 2050. Sanae Lahlou, représentante de l’ONUDI, a mis en avant l’ambition du partenariat PAGE pour appuyer les politiques marocaines de durabilité, affirmant que le Carrefour Vert devient une plateforme clé pour accélérer la transformation des économies africaines vers un modèle inclusif et circulaire. De son côté, Youssef Fadil, Directeur général de l’industrie au ministère de l’Industrie et du Commerce, a rappelé les efforts déployés depuis plus de vingt ans pour intégrer les principes du développement durable dans les politiques industrielles, en soutenant la décarbonation, le recyclage, l’efficacité énergétique et l’innovation durable.

Entre ambitions et réalité du terrain

Malgré cette convergence stratégique, les participants ont pointé un décalage tangible entre les ambitions et la réalité opérationnelle. Car si la «phase 1» de la transition, celle des «adopteurs pionniers» a permis de démontrer que des modèles vertueux sont possibles, le véritable défi reste la généralisation de ces pratiques à l’échelle de l’économie nationale.

Seloua Amaziane, cheffe de la Division du partenariat au sein du MTEDD, a ainsi rappelé que le programme PAGE agit comme un «cadre opérateur» pour rendre la Stratégie nationale de développement durable réellement effective: «Il faut s’assurer que les bénéfices de cette économie soient partagés avec toutes les parties prenantes, aussi bien au niveau des territoires que des jeunes ou des femmes», a-t-elle relevé. Plusieurs freins structurels entravent ce changement d’échelle. Notamment une demande structurelle encore absente relevée par Youssef Chaqor, vice-président de la Commission Développement durable de la CGEM. Ce dernier a identifié un problème central : «Le challenge aujourd’hui, il est dans la massification. Lorsque je fais un effort de valorisation verte qui n’est pas reflété par le marché, qui n’est pas payé par le client, ni reconnu par la réglementation…, je ne vais pas continuer de le faire».

Autrement dit, tant que le marché ne valorise pas les externalités positives, les entreprises, surtout les PME, ne peuvent soutenir des investissements verts à perte. De ce fait, l’exemplarité de l’État dans ses achats publics ou la mise en place d’incitations fiscales est vue comme un levier majeur encore sous-exploité. Bien que la Charte de l’investissement prévoie une prime de 30% dédiée aux projets durables, l’accès au financement reste complexe pour la majorité des PME. Préparer un dossier technique ou mobiliser une expertise en durabilité représente un coût souvent prohibitif pour les petites structures. A cela, s’ajoute l‘épineux problème de la réglementation, qui présente un important décalage entre textes et application.

Les lois existent, mais leur application reste faible. Sheryn Ziani, experte en développement durable et représentante de la COVAD à la conférence, a illustré ce point en évoquant la gestion des déchets: «Il est temps de rendre le tri à la source obligatoire dans toutes les couches de la société, et en particulier dans les ménages. Le cadre juridique est là, mais la capacité à faire appliquer les lois fait défaut».

De plus, l’échec de la taxe sur le plastique de 2014 résume bien cette problématique: une mesure visionnaire sur le papier, mais un manque de gouvernance mixte public-privé qui a limité son efficacité. Les intervenants ont également plaidé pour le développement de la R&D dans ce secteur de l‘économie verte. Le pays ne manque pas d’idées ni de talents. Mais les entrepreneurs verts manquent d’espaces pour tester leurs solutions, et souvent leurs projets n’atteignent pas le stade de commercialisation. Comme l’a résumé avec justesse Chaqor, «la dynamique actuelle ne nous emmène pas en Champions League. Il faut redessiner une feuille de route avec un niveau d’ambition plus élevé, et une intelligence collective plus forte».

La transition verte au Maroc ne manque pas de vision. Le Royaume a su affirmer sa détermination en matière de durabilité, comme en témoigne son classement à la 8ème place du Climate Change Performance Index 2025. Mais la poursuite de ce succès reposera sur sa capacité à apprendre de ses expériences passées, à adapter ses outils à la réalité du terrain, et surtout, à mobiliser l’ensemble de ses forces vives : entreprises, territoires, chercheurs, citoyens et institutions. 

 

 

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