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RSE & Transition énergétique: Un emboîtement bénéfique ?

RSE & Transition énergétique: Un emboîtement bénéfique ?

De plus en plus, l’engagement énergétique emboîte le pas à l’engagement social des entreprises marocaines, ou en devient le soubassement. Et pour cause : réduction de l’empreinte carbone, quête de compétitivité et accès aux marchés mondiaux. La RSE se redessine.

Desy. M

Le Maroc accélère sa transition énergétique, et dans cet élan, les entreprises du privé comme du public ne sont plus de simples spectatrices. Elles deviennent des acteurs clés, voire des moteurs de cette mutation. De l’autoconsommation solaire aux engagements en hydrogène vert, en passant par la décarbonation de la logistique, le monde des affaires redessine le visage de la durabilité. Comment ? Grâce à une notion appelée Responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

En effet, au Maroc, la RSE n’est plus seulement une question de charte éthique ou de mécénat. Elle quitte les salles de réunion pour s’inscrire directement dans les câbles électriques, les toits solaires et les chaînes de production. «Aujourd’hui, l’un des marqueurs les plus tangibles de la RSE d’une entreprise n’est plus son bilan social, mais son bilan carbone», affirme Mohamed Boiti, consultant en transition énergétique et auteur d’un ouvrage sur le sujet.

Cette notion, qui traditionnellement reposait sur trois piliers, à savoir social, environnemental et économique, fait à présent converger ces trois dimensions vers un enjeu central, celui de l’énergie. Celle-ci représente la majeure partie de l’empreinte carbone des entreprises industrielles, logistiques et agricoles. De plus, le coût de l’électricité et des carburants impacte directement la compétitivité, et les marchés internationaux (notamment européens) exigent désormais des filières décarbonées.

Selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Maroc consacre près de 6% de son PIB aux importations énergétiques, soit environ 80 milliards de dirhams par an. Une dépendance qui fragilise toute l’économie, et donc les entreprises. Cette réalité conduit donc les entreprises à orienter leur stratégie RSE vers l’adoption de solutions d’énergies renouvelables comme une nécessité stratégique.

RSE & rentabilité

Une étude approfondie menée sur 12 ans (2008-2019), portant sur les entreprises cotées à la Bourse de Casablanca, et dont les résultats sont consignés dans le livre «L’investissement socialement responsable, théorie et pratique de gestion de portefeuille éthique», dont l’auteur est le professeur Boiti, démontre sans ambiguïté que «les entreprises marocaines ayant adopté une démarche RSE robuste ont surperformé leurs homologues traditionnelles, et même l’indice MASI, sur le court, le moyen et le long terme», lit-on.

Autrement dit, au Maroc, être une entreprise socialement responsable, c’est aussi être financièrement plus performant. «Ce lien entre éthique et rentabilité transforme la RSE d’un simple devoir en un avantage concurrentiel stratégique, surtout dans un contexte où la transition énergétique devient un pilier central de la responsabilité des entreprises», précise notre expert.

L’un des leviers les plus accessibles pour les entreprises est l’autoconsommation d’électricité verte. En effet, avec l’entrée en vigueur de la loi n°86-12 sur les partenariats public-privé (PPP) et des décrets d’application, de nombreuses entreprises ont commencé à installer des panneaux solaires sur leur toit ou leur parking. Des usines agroalimentaires près de Casablanca couvrent jusqu’à 40% de leurs besoins énergétiques, des centres logistiques à Tanger Med alimentent leurs entrepôts frigorifiques en photovoltaïque, et le groupe OCP a intégré l’autoconsommation dans ses sites miniers et industriels.

Ces initiatives permettent non seulement de réduire la facture énergétique, mais aussi de se prémunir contre les hausses de prix, notamment en période de crise géopolitique. «Et si demain le prix du baril atteint 140 dollars, comme le redoute le CESE en cas de survenance d’une crise géopolitique totalement imprévisible ? Les entreprises qui auront investi dans l’énergie verte seront les moins exposées», prévient Mohamed Boiti.

La transition énergétique n’est plus seulement une affaire de préservation de l’environnement. Elle devient un critère d’accès aux marchés. Dès janvier 2026, l’Union européenne appliquera son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), taxant les importations selon leur empreinte carbone. Dans ce contexte, l’accès à une électricité verte devient un passeport commercial.

Le projet HVDC, qui reliera Dakhla à Casablanca sur 1.400 km avec une capacité de 3.000 MW d’énergie solaire et éolienne, envoie un signal fort. Il permettra d’acheminer de l’électricité solaire et éolienne des provinces du Sud vers les zones industrielles du nord. Une opportunité unique pour les entreprises de se connecter à un réseau 100% renouvelable.

L’avenir, selon Boiti, passe aussi par l’hydrogène vert. Le Maroc a validé pour 32,5 milliards de dollars de projets destinés à produire de l’ammoniac, de l’acier bas-carbone et des carburants durables, positionnant le Royaume comme un hub africain de l’hydrogène. «Nous pourrions très vite voir des usines marocaines fabriquer des pièces automobiles 100% alimentées à l’hydrogène vert pour le marché européen», fait-il savoir.

Malgré ces avancées, des obstacles persistent, alerte Boiti. Les données du ministère de la Transition énergétique montrent que, paradoxalement, les capacités de stockage des produits pétroliers continuent de croître. Plus 25% au port de Jorf Lasfar et 51% des nouvelles capacités de stockage programmées d’ici 2030 seront dédiées au gasoil, le carburant le plus utilisé dans le transport et l’industrie. «Cela illustre la difficulté à couper avec les énergies fossiles», affirme l’expert, tout en estimant qu’une combinaison d’incitations fiscales, de financements verts, de formation technique et de bilans carbone obligatoires pourrait accélérer la bascule. ◆

RSE

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