Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, en plein sommet «One Water» à Riyad, a déroulé le catalogue des efforts marocains pour la gestion hydrique : dessalement d’eau de mer (14 stations existantes, 16 en projet, dont une méga-station à Casablanca), réutilisation des eaux usées, irrigation goutte-à-goutte...
Des initiatives soutenues par une politique de barrages agressive, qui est en train de devenir une véritable religion d’Etat. Le Royaume dispose en effet d’un impressionnant réseau de 154 grands barrages offrant une capacité de plus de 20 milliards de mètres cubes. Et ce n’est pas fini : 17 nouveaux barrages, avec une capacité additionnelle de près de 5 milliards de mètres cubes, sont en chantier. Objectif : atteindre 25 milliards de mètres cubes d’ici 2030.
En théorie, c’est noble, visionnaire même. En pratique, la pluie, elle, n’est pas au rendez-vous. Avec un taux de remplissage moyen des barrages agricoles plafonnant à 28%, soit 3,9 milliards de mètres cubes, la question se pose : à quoi bon construire des châteaux d’eau si les robinets du ciel restent désespérément fermés ? Alors que le Maroc subit des sécheresses de plus en plus sévères, peut-on vraiment continuer à miser sur une politique des barrages, aussi ambitieuse soit-elle, pour résoudre une crise hydrique qui semble être là pour durer ?
Peut-être est-il temps de reconsidérer nos priorités. Entre l’eau potable pour les populations et l’irrigation pour les cultures, le choix est souvent cornélien. Et pourtant, les chiffres parlent : le secteur agricole consomme à lui seul 80% des ressources hydriques disponibles. Avec seulement 713 millions de mètres cubes attribués aux grands périmètres irrigués cette année, c’est une goutte d’eau face aux besoins. Peut-on continuer à maintenir ce modèle agricole dans un pays de plus en plus… déserté par la pluie ?
En tout cas, malgré toutes les initiatives prises et un budget de 150 milliards de dirhams pour des programmes novateurs, le stress hydrique persiste toujours. Alors n’est-il pas pas temps de repenser notre stratégie hydrique ? Investir massivement dans les stations de dessalement et dans la réutilisation des eaux usées semble plus en phase avec les nouvelles réalités climatiques. Ces solutions, bien qu’onéreuses, ont le mérite de ne pas dépendre de la pluie. Mais aujourd’hui, si tout le monde s’accorde sur le fait que le Maroc ne peut plus se permettre une agriculture aussi hydrovore, l’on doit de même convenir qu’on ne remet pas facilement en question une politique nationale, notamment celle des barrages, qui a été érigée en symbole de succès.
Cependant, l’on doute que des barrages désespérément vides servent réellement leur objectif. Peut-on encore parler de «réserve stratégique en eau» quand la nature refuse de remplir ces réservoirs ? C’est là toute la question. Car, au final, peut-être que l’avenir hydrique du Maroc ne réside pas dans ses barrages, mais dans sa capacité à changer son rapport à l’eau.
F.Z Ouriaghli