Le 28 novembre dernier, face à l’apparition et la prolifération rapide du nouveau variant «Omicron», le gouvernement marocain décide de fermer les frontières. L’objectif était d’empêcher, ou du moins de retarder l’en- trée du variant au Maroc, le temps de mieux cerner la virulence et la létalité de ce dernier.
Si à l’époque la fermeture pouvait être compréhensible, quoique, puisque des médecins sud-africains n’ont eu de cesse d’affirmer que ce variant est moins létal que tous les variants précédents, qu’est-ce qui justifie le renouvellement de ce «lockdown» autoinfligé jusqu’au 31 janvier et peut-être même au-delà ?
D’autant plus que tous les avis scientifiques, et souvenons-nous qu’on a vendu l’idée que chaque décision politique relative à la pandémie se fonde sur un avis scientifique, convergent pour pointer du poing la non- pertinence du maintien de la fermeture des frontières. En allant des membres du Conseil scientifique et technique jusqu’aux cher- cheurs et médecins indépendants, tout le monde se lave les mains d’une décision qui manque cruellement de fondements scientifiques.
Même l’OMS, qui semble avoir une guerre de retard depuis le début de la pandémie, a condamné la fermeture des frontières opérée par certains pays. Car en plus de prendre la forme d’une punition collective, c’est une mesure avant tout inefficace face à un virus qui ignore les frontières politiques et les contrôles douaniers.
Cependant, les victimes de cet entêtement gouvernemental sont nombreuses. Premièrement, les quelques milliers de Marocains qui se sont retrouvés piégés à l’étranger, pour certains sans argent suffisant, pour d’autres loin de leurs enfants en bas âge restés au Maroc. Alors qu’il aurait suffi d’un simple test PCR à leur arrivée à l’aéroport au Maroc pour les rapatrier rapidement tout en évacuant le risque d’une importation du nouveau variant.
De même, au moment où dans le monde occidental, les politiques autant que les médias se veulent de plus en plus rassurants concernant «Omicron» en commençant à y voir une sorte de vaccination naturelle à grande échelle, chez nous, les autorités semblent résolues à maintenir un climat de psychose et de peur.
Quant au secteur du tourisme, la misère gagne du terrain jour après jour dans les villes touristiques à l’instar de Marrakech, ville meurtrie par l’arbitraire apparent des décisions gouvernementales ainsi que par le manque total de visibilité quant aux mois à venir. La situation n’est pas plus reluisante dans d’autres villes du Royaume comme Tanger et Agadir. Hôtels, agences de loction de voitures, agences de voyages, artisanat, … tout ce beau monde est sacrifié sur l’autel d’une fermeté mal placée, d’une prudence qui frôle la paranoïa.
Hier, mieux vaut tard que jamais, le gouvernement a approuvé le lancement d’un plan d’urgence de 2 milliards de dirhams pour soutenir le secteur du tourisme. Loin de moi l’idée de sombrer dans un nihilisme quelconque, mais il me parait, vu l’ampleur des dégâts autant économiques que psychologiques après 22 mois de pandémie, qu’il s’agit ni plus ni moins que d’une goutte d’eau dans un océan de misère. Sans parler de la crédibilité du Royaume auprès des touristes étrangers, pour qui une visite du Maroc relèverait désormais de l’aventurisme face aux décisions surprises d’annulation de vols ou de fermeture littérale des frontières. Il en va de même pour les investisseurs autant étrangers que marocains dans le secteur de l’hôtellerie et du tourisme plus largement.
Des années et des années d’investissements, de stratégies et de promotion touristique viennent d’être dilapidées en l’espace de quelques semaines. Tout cependant n’est pas perdu. Par-delà les 2 milliards de dirhams que le gouvernement a daigné octroyer au secteur du tourisme, il est urgent tout d’abord d’ouvrir les frontières, et de mettre en place des cel- lules de coordination entre le gouvernement et les représentants des secteurs économiques fortement dépendants de l’étranger, afin de jeter les bases d’une nouvelle politique de communication, de coordination et d’anticipation des décisions politiques, qui devront se réconcilier avec la science, en intégrant le fait que vu les données disponibles, tout laisse croire que nous nous dirigeons vers une coexistence avec ce virus. Lequel semble devenir de moins en moins virulent, et dont le taux de létalité à l’échelle mondiale, selon l’OMS, se situe entre 0,5 et 1% des personnes infectées. Un taux qui sera irrémédiablement revu à la baisse avec le variant «Omicron». Ne disposant pas de données de ce genre au niveau du Maroc, est-il utile de rappeler que la moyenne d’âge des décès dus au Covid-19 en France est de 82 ans ? Et que la moitié des morts ont plus de 85 ans ?
Peut-être est-il temps pour l’Etat de concentrer ses efforts sur les catégories les plus à risque (personnes âgées, diabétiques, …) par le dépistage précoce, la lutte contre les carences en vitamines D, C et en Zinc, les soins et éventuellement le vaccin, et de laisser le reste de la population acquérir une immunité naturelle et respirer autant économiquement que psychiquement. Car le peuple marocain est à bout de souffle. Car le peuple marocain mérite effectivement mieux que le mutisme, les décisions de dernière minute des autorités et la politique de la peur et de l’hystérie.
Par Rachid Achachi, chroniqueur
DG d'Arkhé Consulting