Le faible poids numérique et politique de l’opposition pourrait peser lourdement.
Un risque majeur pour la pratique démocratique.
Par C. Jaidani
Dans toutes les démocraties du monde, les commissions d’enquête parlementaires jouent un rôle important en matière de contrôle du gouvernement. Au Maroc, ce dispositif qui existe depuis l’institution du pouvoir législatif, était quasi absent. Il faut attendre le début des années 2000 pour qu’il soit remis sous les feux de la rampe avec les investigations menées sur le fonctionnement de la CNSS en 2002, qui ont abouti à la détection de malversations, d’abus de confiance et de fraudes de grande ampleur.
Certains responsables de cet organisme ont été traduits en justice. D’autres enquêtes ont été diligentées ces dernières années. C’est le cas, par exemple, de celle relative aux marchés publics conclus par le ministère de la Santé pour faire face à la pandémie de la Covid-19. La demande de constitution d’une commission d’enquête émane le plus souvent de l’opposition, mais il arrive parfois qu’elle soit à l’initiative d’une formation politique faisant partie de la coalition gouvernementale. Pour les hydrocarbures, c’est le PJD qui en a formulé la requête alors qu’il était aux commandes de l’Exécutif.
Avec le nouveau paysage politique, quelle serait alors la portée de ces commissions d’enquête ? Les trois partis qui formeront le gouvernement disposent d’une large majorité au Parlement. A la Chambre des représentants, ce trio a une représentativité de près de 68%. L’Union constitutionnelle (UC) et le Mouvement populaire (MP) ont exprimé leur soutien à cette coalition et ont affirmé qu’ils ne vont pas se ranger du côté de l’opposition. Du coup, les partis restants, notamment l’USFP, le PJD et le PPS n’ont pas assez de marges de manœuvre pour s’imposer. Leur mouvance respective est hétéroclite, ne pouvant être regroupée pour se positionner en contre-pouvoir.
«Selon l’article 67 de la Constitution, outre les commissions permanentes, des commissions d’enquête peuvent être créées à l’initiative du Roi, à la demande de la majorité de la Chambre des représentants ou du tiers de celle des conseillers. Leur objectif est de recueillir les éléments d’information sur des faits déterminés ou sur la gestion des services, entreprises et établissements publics. Elles devront soumettre leurs conclusions à la Chambre concernée», souligne Mohamed Bentalha Doukkali, professeur de sciences politiques à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales à Marrakech.
Avec la nouvelle configuration du microcosme politique, il sera difficile pour l’opposition de constituer une commission d’enquête, et ce bien que la Constitution la considère comme «une composante essentielle des deux chambres. Elle participe aux fonctions de législation et de contrôle». Néanmoins, même si une commission d’enquête venait à être constituée, une autre contrainte technique se pose. En effet, l’article 5 de la loi organique relative aux modalités de fonctionnement des commissions d’enquête parlementaires stipule que ses membres sont nommés par le bureau de la Chambre concernée, sur proposition des groupes et groupements parlementaires, en respectant la représentation proportionnelle de ces derniers. Le poste de président ou de rapporteur est dévolu à l’opposition.
Mais les décisions sont prises à la majorité des voix des membres présents. Résultat : il sera difficile de prendre une décision qui peut épingler le gouvernement. «Contrairement au contrôle mené par la Cour des comptes ou celui de l’Inspection générale des finances (IGF) qui a un caractère règlementaire et qui peut devenir judiciaire, celui des commissions d’enquête parlementaires revêt un aspect temporaire et il est plus politique. Ses travaux prennent fin une fois son rapport déposé ou bien le dossier traité et instruit par la justice», explique Bentalha. Reste à signaler que la force des commissions d’enquête diffère d’un pays à un autre et selon les prérogatives qui lui sont attribuées dans le cadre de la Constitution.