Le rapport du CNDH dévoile une chronologie détaillée des événements d’Al Hoceima, quartier par quartier, énumérant les dégâts humains et matériels causés entre octobre 2016 et octobre 2017.
La décision de l’arrestation de Zefzafi a été prise par le procureur du Roi suite à la perturbation de la prière du vendredi et de la liberté de culte.
Par C.J
Le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) vient de publier son rapport sur les «manifestations d’Al Hoceima». Le document a été validé par la deuxième assemblée du Conseil. Il est le fruit de plusieurs mois d’investigations, de recoupement d’informations et de recherches menées entre novembre 2019 et mars 2020, à travers des témoignages, des vidéos, des documents et des visites sur le terrain.
Le rapport a privilégié la transparence et les principes des droits de l’homme selon ses concepteurs. Il ressort de ses conclusions que les événements d’Al Hoceima se sont produits dans un environnement particulier tant au niveau politique, économique que social. Le document a analysé avec précision et détail les accusations de torture et de maltraitance et le discours de haine et de violence qui ont été amplifiés auprès de l’opinion publique et locale de la région par les fake news.
Le CNDH a opté pour l’approche de proximité en allant à la rencontre des familles des personnes arrêtées et condamnées dans ces événements pour comprendre de plus près les tenants et les circonstances de leur incarcération. Le Conseil a donné l’occasion à plusieurs membres des forces de l’ordre, blessés dans les affrontements et qui sont eux aussi victimes de ces évènements, de livrer leurs points de vue sur le sujet.
Il faut noter que le rapport a tiré plusieurs conclusions dont notamment la localisation des manifestations à la ville d’Al Hoceima et sa proche région et non dans tout le Rif.
Il reconnaît que certaines manifestations ont gardé leur aspect pacifique alors que d’autres se sont transformées en émeutes. Pour les premiers types de protestations, ils ont été pacifiques pendant six mois, soit la plus longue période du genre dans l’histoire du Maroc.
«Les premières confrontations ont démarré quand les forces de l’ordre ont voulu déloger des sit-in et autres campements clandestins sur la place Mohammed V au centre d’Al Hoceima. Des personnes masquées infiltrées dans la foule ont procédé à des jets de pierres et des actes de vandalisme», souligne le CNDH.
Par ailleurs, le rapport a réalisé une chronologie détaillée des événements d’Al Hoceima, quartier par quartier, énumérant les dégâts humains et matériels causés entre octobre 2016 et octobre 2017.
Parmi les journées les plus violentes, figure notamment celle du 26 mars 2017, marquée par l’assaut des manifestants, en majorité des écoliers, contre la résidence des forces de l’ordre à Imzouren, petite ville limitrophe d’Al Hoceima. Un bus, une voiture de police et un camion de logistique ont été incendiés par des cocktails Molotov. Le feu a causé l’explosion de plusieurs bonbonnes de gaz.
L’arrestation de Nacer Zefzafi, le 26 mai 2016, a entraîné des jets de pierres à partir des toits des maisons et des dégâts humains multiples. La journée du 20 juillet 2017 a aussi été marquée par de fortes violences. Des personnes masquées ont provoqué des affrontements acharnés avec les forces de l’ordre. D’autres cas ont été signalés dans les quartiers de Boujibar, Afrar, D’har Massoud…
Le rapport du CNDH revient sur les mesures prises par l’Etat pour contourner le «hirak du Rif», comme la constitution d’une commission dédiée. Il a été décidé la révocation de plusieurs hauts responsables, comme le gouverneur de la province d’Al Hoceima et les délégués de plusieurs départements (équipement, santé, pêche maritime), sans compter les pachas d’autres cercles administratifs. La décision de l’arrestation de Zefzafi a été prise par le procureur du Roi suite à sa perturbation de la prière du Joumou’a et de la liberté de culte.
Commentant ce fait, le CNDH estime que «la mosquée n’est pas un site public pour échanger ou discuter mais un lieu sacré qu’il faut respecter et tous les arguments avancés par Zefzafi pour justifier son geste sont infondés selon les principes des droits de l’homme».
Parmi les décisions phares prises par le Roi Mohammed VI à cette date figure notamment la révocation de ministres et de nouveaux hauts responsables. Un audit a également été ordonné sur les projets d’«Al Hoceima, la perle de la Méditerranée». ◆