En 2025, le streaming de jeux est entré dans l’ère de la performance pure. Tout se joue sur la latence, la compression et la proximité des serveurs.
Par K. A.
Le streaming de jeux n’est plus une curiosité. En 2025, il est devenu une discipline d’ingénierie à part entière, bâtie sur la latence, la compression et la performance réseau. La vraie bataille ne se joue plus entre plateformes ou influenceurs, mais entre infrastructures capables de délivrer une expérience sans coupure. Le jeu devient service, et ce service repose sur des millisecondes.
D’après Newzoo, le marché mondial du jeu vidéo s’établit à 188,9 milliards de dollars cette année, en légère hausse de 3,4% par rapport à 2024. Le segment du streaming - incluant la diffusion en direct et le cloud gaming - pèse environ 8,4 milliards de dollars, selon Mordor Intelligence, et pourrait atteindre 11,7 milliards USD d’après The Business Research Company.
Les analystes s’accordent sur une croissance à deux chiffres, portée par la 5G, les codecs vidéo de nouvelle génération et la baisse du coût du GPU cloud. «Le streaming, c’est aujourd’hui une affaire de frame time. Ce qu’on vend, c’est la stabilité : la différence entre 45 ms et 60 ms, c’est la différence entre immersion et frustration», explique Hakam Boubker, expert des technologies du jeu vidéo.
La latence comme colonne vertébrale du secteur
Les connexions 5G permettent désormais de descendre sous les 40 ms de latence moyenne dans les grandes villes africaines. Ce seuil change tout : en dessous, le cloud gaming devient fluide, même sur smartphone.
L’adoption de nouveaux codecs comme AV1 et HEVC x265 permet une diffusion 1080p entre 8 et 12 Mb/s, avec une perte de qualité imperceptible pour l’utilisateur. «Les plateformes locales doivent comprendre que le streaming n’est pas qu’un média, c’est un pipeline réseau», explique Hakam, précisant que «sans optimisation de bout en bout, du réseau de diffusion de contenu jusqu’au terminal, on ne peut pas garantir la cohérence visuelle, et donc la fidélité de l’audience».
Au Maroc, malgré une bonne couverture mobile, le manque de serveurs de proximité rallonge encore la distance logique entre l’utilisateur et le flux. L’edge computing devient la clé pour raccourcir ce chemin invisible: chaque 500 km de distance ajoute en moyenne dix images perdues par seconde.
Un marché encore fragile, mais en mutation
Malgré la croissance, le modèle économique reste fragile. En 2025, plus de 47% des revenus du streaming proviennent encore de la publicité. Les abonnements et micro-paiements progressent lentement, freinés par les coûts de transaction et l’absence de passerelles locales de paiement intégrées.
Les plateformes expérimentent des solutions d’IA pour ajuster la qualité de flux selon la puissance du terminal, afin de réduire les coûts de bande passante de 15 à 20%. Pour 2026, les projections tablent sur un marché mondial autour de 13,5 milliards de dollars, porté par l’intégration des API Open Streaming Interface (OSI) qui permettront aux créateurs de mixer diffusion, capture et commerce en direct.
Le cloud, nouveau cœur du streaming
Le cloud gaming représente environ la moitié du marché du streaming. Les coûts de calcul GPU ont chuté de près de 30% cette année, portés par les architectures Nvidia L40 S et AMD MI300 qui équipent les nouveaux data centers régionaux. Une seule carte peut désormais générer plus de 200 heures de flux simultanés, un bond d’efficacité énergétique majeur.
«Le vrai enjeu n’est plus la vitesse de téléchargement, mais la distance logique entre le joueur et le serveur. C’est cette proximité qui décidera si un marché comme le nôtre peut exporter du contenu, ou rester simple spectateur», note Hakam. Malgré la montée en puissance technique, le modèle économique reste fragile.
En 2025, près de 47% des revenus du streaming mondial proviennent encore de la publicité. Les abonnements et micro-paiements progressent lentement, freinés par les coûts de transaction et la faible intégration des paiements locaux. Les grandes plateformes misent désormais sur l’intelligence artificielle pour adapter la résolution à la puissance du terminal et réduire les coûts de bande passante de 15 à 20%. Au Maroc, le problème est double: le potentiel d’audience est considérable, mais la structuration du marché reste embryonnaire.
«Nous avons des créateurs talentueux, des communautés solides et des marques prêtes à collaborer. Ce qui manque, c’est une architecture économique locale : des solutions de paiement instantané, des régies pub adaptées et, surtout, une fiscalité numérique claire», conclut Hakam.